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Le Lab-École termine son mandat en juin prochain. Cette fascinante aventure, qui s’est échelonnée sur 8 années, a permis de concevoir et de construire de nouveaux lieux d’apprentissage à hauteur d’enfants. Ce qui signifiait aussi de revoir le mobilier, de redéfinir la cour d’école, de réaménager les espaces scolaires, de bâtir des chemins vers l’école, de réapprendre à cuisiner et manger à l’école. Et, dernière pierre à l’édifice, le Lab-École vient de publier Accompagner l’évolution de la pédagogie dans les nouveaux espaces d’apprentissage. Afin d’en savoir plus,100º s’est entretenu avec Denis Morin, coordonnateur des services éducatifs et de l’évaluation du Lab-École.
En effet, nous rappelle Denis Morin, le Lab-École ne se résume pas à un simple un concours d’architecture ayant donné naissance aux six écoles modèles qui ont fait les manchettes ces dernières années. Car, depuis les débuts de l’aventure, il s’agit d’une démarche intégrée, pensée et documentée de bout en bout qui s’échelonne du bâti jusqu’à la pédagogie.
« En amont de chaque projet, explique-t-il, les représentants du personnel enseignant, de la direction, des parents, des élèves, de la communauté et du centre du service scolaire étaient appelés à siéger au comité de travail afin de rêver ensemble leur école. Ils avaient notamment pour tâche de s’assurer que le programme architectural soit à l’image des élèves, du quartier et de la communauté. »
Rêver l’école de demain
Ces six écoles modèles ont d’ailleurs été implantées dans différents écosystèmes aux profils socioéconomiques divers. Le but était de documenter non pas une formule passe-partout, mais des manières de concevoir des écoles à hauteur d’enfants, voulues, choisies et rêvées par leurs milieux, qui favorisent la persévérance, la motivation et l’engagement de l’élève, mais aussi celui de l’enseignant.
« Lors de nos consultations, explique Denis Morin, les parents nous disaient : “C’est bien beau d’avoir les plus belles écoles au monde. Mais ce n’est pas ça le plus important. Ce qui compte le plus à nos yeux, c’est que nos enfants soient heureux à l’école. C’est que nos enfants éprouvent du plaisir à apprendre. Que nos enfants réussissent et s’épanouissent.” »
Réinventer la pédagogie dans les nouveaux espaces d’apprentissage
Pendant plus d’un demi-siècle, au Québec, on a construit les écoles sur le même modèle; celui hérité de l’ère Duplessis. Des écoles composées d’une enfilade de classes, côté rue, et d’une enfilade de classes côté cour, avec, entre les deux, un large couloir. Bref, une approche architecturale strictement quantitative, puisqu’elle n’allouait que neuf mètres carrés par élève.
Or, l’un des legs du Lab-École, c’est que, désormais, ce seuil minimum est passé à 12 mètres carrés, même si, dans les meilleurs pays, le ratio peut s’élever jusqu’à 16 mètres carrés. « Autrement dit, souligne Denis Morin, c’est un surplus de mètres carrés de 33 %. Et ça se traduit par des espaces partagés, communs, où on va travailler en équipe ou individuellement, où les enfants de différents âges vont se mêler entre eux. Donc, on ne peut plus enseigner aujourd’hui comme on le faisait dans les écoles Duplessis. Parce que, en même temps que l’on réinvente les espaces, il faut que l’on réinvente la pédagogie, qu’on la fasse évoluer. »
« L’ajout de mètres carrés, enchaîne-t-il, a permis de faire déborder la pédagogie en dehors de la classe, et aussi de mieux l’intégrer aux activités de la journée, dans ces espaces qui sont flexibles, et où se vivent la socialisation, la coopération et le développement de l’autonomie. »
L’architecture au service de la pédagogie
« Tout le monde s’entend sur les nouveaux paramètres de construction, souligne Denis Morin. Les écoles que le gouvernement du Québec construit actuellement s’inspirent des principes architecturaux que le Lab École a définis dans son document “Penser l’école de demain”. Ce qui manque, ce qui manquait, à ces « écoles signature », comme on les appelle, c’est le mode d’emploi pour que les équipes-écoles tirent le meilleur parti de ces nouveaux lieux d’apprentissage pour en faire profiter pleinement les jeunes. »
Des écoles pour favoriser le plaisir d’enseigner et le plaisir d’apprendre
« Au cours des trois dernières années, ajoute-t-il, nous avons mis en place des communautés de pratiques portant sur la pédagogie dans les aménagements flexibles. Nous avons développé du mentorat pour accompagner les directions d’écoles et les équipes-écoles. Nous avons offert de la formation continue, tenu des colloques pour les aider à comprendre quelle posture il faut adopter sur le plan professionnel afin d’habiter ces espaces nouveaux, d’en maximiser les usages. Et surtout, pour éprouver du plaisir à enseigner. Parce que le plaisir d’enseigner développe aussi le plaisir d’apprendre. »
La publication Accompagner l’évolution de la pédagogie dans les nouveaux espaces d’apprentissage repose donc sur l’expérience acquise durant les processus d’élaboration et de construction des six écoles modèles. Mais aussi sur ce volet d’accompagnement mis en place avec les équipes-écoles pour les soutenir dans la manière de s’approprier leurs nouveaux espaces. C’est à la fois un guide pratique, une source d’inspiration et un appel à l’action.
« Les écoles doivent parler avec les parents, affirme Denis Morin. Les écoles doivent parler avec les municipalités. Elles doivent aussi se parler entre elles. On doit repenser leurs espaces intérieurs, extérieurs. Et bien sûr, la pédagogie… Mais aussi les chemins qui mènent vers l’école. Il faut penser et placer les écoles au cœur de leurs quartiers. Des quartiers qui doivent être bienveillants. »
Apprendre autrement
Le Lab-École propose une vision renouvelée de l’école, axée sur la collaboration, la créativité et l’engagement des élèves. Il repousse les limites des salles de classe traditionnelles par l’offre d’espaces ouverts, adaptables et inclusifs. Un changement de paradigme qui, inévitablement, demande de repenser la pédagogie.
« Quand on sort des murs de la classe, insiste Denis Morin, on va à la rencontre des autres. On apprend avec les autres. Et parce qu’on apprend tout au long de la vie, parce qu’on est constamment en évolution en tant qu’être humain, il faut que l’école adopte, elle aussi, une approche qui conduit l’enfant à apprendre autrement et à se prendre en main. »
« Vous savez, ajoute-t-il, on est présentement au cœur d’un vaste chantier. Parce que la durée de vie d’un bâtiment publique, c’est 75 ans. Donc, on construit présentement pour les 75 prochaines années. Ça signifie qu’on est en train d’investir dans les adultes de demain. On est en train de tabler sur notre plus grande richesse, qui est celle de faire grandir des enfants pour que, demain, ils deviennent les forces vives de leur communauté. »
Photo en Une : © Atelier 5e colloque Lab-École Québec / Cristelle Coulombe
« L’expérience nous montre déjà que les enfants des Lab-Écoles bougent beaucoup plus que dans les écoles traditionnelles et qu’ils mangent mieux. »
Denis Morin
Dans la foulée de cette publication, le Lab-École vient de rendre public les faits saillants d’une recherche sur les effets du bâti sur le bien-être, la réussite éducative des élèves et les conditions de pratique des membres des équipes-écoles. Menée par une équipe de chercheurs de six universités (UQAM, UQTR, Université Laval, Cergy-Paris, Paris-Cité et Fribourg, en Suisse) cette étude permet déjà de constater que les élèves et le personnel scolaire bénéficient, à plusieurs égards, des espaces et de l’ambiance offerts dans les écoles Lab-École. Le rapport complet sera rendu public à la fin juin et servira à l’ensemble de la société québécoise afin de poursuivre le chemin vers l’école contemporaine.