En décembre dernier, le Congrès américain adoptait une loi qui, en 2020, fera passer de 18 à 21 ans l’âge minimum pour acheter du tabac ou des cigarettes électroniques. Une timide mesure, diront certains, quand on songe à l’ampleur du phénomène. Voici un petit rappel des plus récents événements.
Pour de nombreux acteurs de la santé publique, ce vote du Congrès procède d’un décevant compromis destiné à rassurer l’industrie. D’autant plus que, en septembre 2019, le président des États-Unis laissait lui-même entendre qu’il souhaitait interdire la vente des produits du vapotage aromatisés. On lui aura sans doute fait comprendre que le jeu n’en valait pas la chandelle en cette année électorale.
Cette nouvelle réglementation paraît, d’autre part, assez symbolique dans la mesure où déjà 19 des 50 États américains ont adopté le même genre d’interdiction. Et au rythme où leurs noms s’ajoutaient sur la liste, ils auraient facilement pu tous s’y retrouver d’ici la fin de l’année.
Mais, rehausser l’âge légal du vapotage, est-ce bien la solution pour endiguer le phénomène ? Car ce sont ces produits aromatisés qui sont en cause dans la hausse phénoménale du vapotage chez les adolescents. De 2017 à 2019, aux États-Unis, le nombre d’adolescents qui vapotait a doublé. Une situation d’ailleurs jugée alarmante de ce côté-ci de la frontière, selon la Déclaration du Conseil des médecins hygiénistes.
Des produits à saveur ajoutée
Il apparaît désormais assez clair que l’industrie met sciemment sur le marché des produits qui ciblent directement les adolescents. On lui reproche, entre autres, de chercher à les tromper en vantant l’innocuité de leurs préparations. À l’heure actuelle, le plus gros joueur de cette industrie est poursuivi à la fois par les États de la Californie et de New York.
La rapidité avec laquelle les nouveaux produits font leur apparition, sans oublier ceux qui sont frelatés, alarme déjà les spécialistes. Si bien que l’American Cancer Society et l’American Medical Association demandent au gouvernement de bannir tout produit de vapotage qui ne répond pas aux normes de la Food and Drug Administration à titre d’outil de cessation du tabagisme.
Au nord du 45e parallèle
Chez nous, la situation est déjà préoccupante, particulièrement dans la région de Québec. Heureusement, certaines législatures ont pris la mesure du phénomène. Ainsi, à compter du 1er avril 2020, la Nouvelle-Écosse va interdire la vente des cigarettes électroniques aromatisées et des liquides aromatisés pour le vapotage. Une mesure que l’hygiéniste en chef de Toronto, la Dre Eileen de Villa, appelle de ses vœux et dont elle souhaiterait la mise en application à la grandeur du pays.
D’ailleurs, le gouvernement fédéral semble prendre l’affaire au sérieux en annonçant qu’il allait resserrer les règles relatives à la publicité des cigarettes électroniques auprès des jeunes. Une mesure saluée par l’organisme Cœur + AVC, mais que la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac juge toutefois insuffisante.
Du côté de Québec, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann a décidé de prendre les choses en main. Elle s’est engagée à mettre en place, cette année, de nouvelles mesures pour lutter contre le tabagisme et le vapotage. Pour ce faire, elle a confié au directeur national de Santé publique, Horacio Arruda, le mandat de piloter un groupe spécial d’intervention qui doit proposer ces mesures.
Sans préjuger du résultat, on serait en droit d’espérer que les produits du vapotage, par souci de cohérence, soient placés sous la Loi concernant la lutte contre le tabagisme. Cette dernière est très claire: « Il est interdit de vendre, d’offrir en vente ou de distribuer un produit du tabac comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac (…) ».
D’ici là, comme le rappelait Horacio Arruda, au nom du principe de précaution, les jeunes, les femmes enceintes, les non-fumeurs, incluant les anciens fumeurs, devraient carrément s’abstenir de vapoter.
Et, s’il est bien avéré que la cigarette électronique peut servir d’outil à la cessation du tabac, alors aussi bien la vendre en pharmacie sur présentation d'une prescription, et à cette seule condition.