Qualifié d’exemplaire par plusieurs experts, le plan d’action Vision Zero de Londres a tout pour inspirer les élus municipaux qui se préoccupent des enjeux de sécurité routière et de mobilité durable. Tant pour les élus montréalais, qui ont repoussé l’adoption de leur plan d’action à l’hiver 2019, que pour ceux des autres municipalités québécoises, il est encore temps de tirer certaines leçons de l’approche londonienne.
Réduire la prédominance de l’automobile
Londres, sous la gouverne de son maire, Sadiq Khan, est bel et bien déterminée à placer la santé des personnes au cœur de ses priorités. Sa Healthy Streets Approach mise de l’avant est d’ailleurs sans équivoque : pour que les rues soient sécuritaires, il est essentiel de réduire le nombre de déplacements par véhicules motorisés.
L’atteinte de cet objectif, clairement établi, va permettre d’engendrer un cercle vertueux. En effet, moins d’automobiles dans les rues est synonyme de moins d’accidents, ce qui accroît le sentiment de sécurité des gens qui, dès lors, vont plus volontiers marcher, enfourcher leur vélo ou utiliser les transports collectifs, avec pour conséquence de diminuer la prédominance de la voiture. Comme on dit, la roue tourne.
Safe System Approach
Le plan d’action londonien s’appuie donc sur les principes fondamentaux du Safe System Approach qui se trouve placé au cœur de la Vision Zéro.
- Puisque les humains sont sujets aux erreurs, les systèmes de transport et les politiques qui les encadrent doivent tenir compte de ces comportements imprévisibles.
- Le corps humain a ses limites et donc les systèmes de transports doivent être conçus pour « pardonner ». Autrement dit, puisque les accidents sont inévitables, alors ils ne doivent pas entraîner des blessures graves ou des décès.
- Tous ceux qui prennent part au design des rues, à leur construction, leur gestion et leur entretien, ont la responsabilité de veiller à la diminution des dangers.
Au final, tous les éléments du système doivent être améliorés de manière à en multiplier les effets protecteurs et faire en sorte de garantir la sécurité des personnes même si l’un d’entre eux connaît une défaillance.
De la parole aux actes
En vertu de ces principes, la Ville de Londres s’est donc dotée d’un ambitieux plan d’action dont les objectifs sont, d’ici 2041, que 80 % des déplacements se fassent à pied, à vélo ou en transport collectif et que l’on ne déplore plus aucun accident grave ou mortel. La stratégie mise sur pied par la Ville s’articule autour de 5 grands piliers :
- Vitesse sécuritaire : Puisque la sécurité passe avant la rapidité, la réduction de la vitesse est donc cruciale pour diminuer les dangers sur la route. Londres s’engage ainsi à faire passer, dans ses rues, la limite de vitesse de 30 miles à l’heure à 20 (30 km/h). D’autre part, l’administration municipale va revoir le design de ses rues pour mettre en place des aménagements qui ralentissent le trafic automobile.
- Rues sécuritaires : Puisque les intersections demeurent les zones les plus à risque d’accident, Londres s’est dotée d’un programme pour les sécuriser de manière prioritaire. En outre, la Ville veut s’assurer que tous les nouveaux projets respectent des critères de base en matière de sécurité et elle va revoir l’ensemble de ses gabarits de rue pour accommoder tous les usagers de la route.
- Véhicules sécuritaires : La Healthy Streets Approach préconise de réduire la prédominance des véhicules. Cela implique non seulement la diminution du nombre de véhicules motorisés sur les routes, mais aussi la réduction des dangers qu’ils posent. À cet égard, la Ville a mis en place des programmes pour rendre plus sécuritaires les gros véhicules, notamment les autobus et les camions.
- Comportements sécuritaires : La Ville met de l’avant un ensemble de mesures pour d’abord lutter contre les comportements à risque et ensuite faire respecter les règlements de la circulation. Mais au-delà de l’approche coercitive, elle mise aussi sur la sensibilisation et l’amélioration des aptitudes de tous les usagers de la route. À ce chapitre, un programme a été mis sur pied dans les écoles pour que la prochaine génération adopte des comportements sécuritaires en matière de mobilité durable et active.
- Apprentissage post-collision : La compréhension des causes d’un accident est fondamentale pour éviter qu’il ne se reproduise. À cet égard, la Ville souhaite, entre autres, colliger les données recueillies par les forces policières sur les scènes d’accident et les partager avec ses différents services afin d’en tirer des leçons utiles pour mieux orienter les interventions futures.
Petit bémol
Sur papier, ce plan d’action Vision Zéro paraît exemplaire. Par contre, certains jugent que les choses n’avancent pas assez vite et craignent surtout que sa mise en application dépende de nombreux impondérables. En effet, la mairie de Londres n’a de compétences que sur 5 % des rues de l’agglomération; toutes les autres étant contrôlées par les arrondissements (boroughs). Malgré tout, le maire Sadiq Khan demeure confiant et dit miser sur une « coalition de bonne volonté ». C’est donc une histoire à suivre, tout comme ici à Montréal…
Vision Zéro
« La vie humaine n’a pas de prix et puisque les accidents de la circulation sont évitables, alors aucun d’entre eux n’est acceptable. »
En 1997, le parlement suédois adoptait l’approche de sécurité routière que l’on appelle « Vision Zéro ». Elle repose sur un nouveau principe selon lequel aucune vie perdue n’est acceptable. Or, puisque les êtres humains commettent inévitablement des erreurs, il est essentiel que le réseau routier soit aménagé de manière à être sécuritaire en tout lieu et en tout temps. C’est un changement de paradigme qui exige des responsables du système de transport de transformer complètement les façons de concevoir et de construire les routes.