Le Réseau pour une alimentation durable (RAD) fait appel aux Canadiennes et aux Canadiens pour qu’ils fassent pression sur leurs élus dans le but de soutenir la stratégie nationale en matière de saine alimentation.
Il y a trois ans, le premier ministre Justin Trudeau énonçait les priorités de sa nouvelle ministre de la Santé. Et l’un des éléments clés de son mandat reposait sur la saine alimentation. Or, depuis ce temps, le lobby de l’industrie agroalimentaire n’a cessé d’exercer une énorme pression sur les élus afin de protéger ses intérêts corporatifs. Ce qui a non seulement retardé la mise en application de la stratégie nationale en matière de saine alimentation, mais qui au surplus en compromet les fondements mêmes.
« Certaines des avancées que nous avions crues acquises ne le sont plus, déplore Diana Bronson, directrice générale du RAD. L’industrie s’oppose de toutes ses forces à l’étiquetage sur le devant des emballages et à l’encadrement de la publicité ciblant les enfants. Seule la refonte du Guide alimentaire semble avoir échappé aux assauts de l’industrie. Et c’est parce que, dès le départ, Santé Canada s’est engagée à offrir les meilleurs choix aux Canadiennes et aux Canadiens sur la base des données scientifiques plutôt qu’en fonction des intérêts commerciaux de l’industrie. »
Bien entendu, le Guide alimentaire canadien n’a pas force de loi. Il n’a donc pas à être adopté par la Chambre des communes et le Sénat, comme c’est le cas pour les règles d’étiquetage ou de marketing alimentaire. Son élaboration a donc pu se faire à l’abri des pressions de l’industrie. Cela dit, il ne faut pas en minimiser l’importance, souligne Diana Bronson. « Le nouveau Guide va circuler dans toutes les grandes agences gouvernementales, les hôpitaux, les écoles et, même s’il n’est pas contraignant, il revêt tout de même une grande importance culturelle. »
Une question de définition
En ce qui concerne le projet de loi S-228, qui vise à restreindre la publicité d’aliments et de boissons malsains ciblant les enfants, la situation est tout autre. Adopté par la Chambre des communes, il est maintenant bloqué au niveau du Sénat. D’ailleurs, d’après le Registre des lobbyistes du Canada, 79 représentants d’industries ont exercé leurs pressions et 233 rencontres entre le gouvernement et des industries ont été documentées.
« Si nous sommes capables de définir ce qu'est un aliment sain, alors on peut très bien établir les critères qui permettent de classer les aliments malsains. » - Diana Bronson
« D’après ce qui ressort de toutes ces tractations, explique Diana Bronson, l’industrie s’opposerait vivement à ce que le texte de loi utilise le terme "unhealthy food", ou "aliment malsain". L’industrie refuse que le gouvernement se prononce sur la définition de ce qui est un aliment malsain. C’est d’ailleurs leur cheval de bataille. L’industrie ne veut surtout pas d’une définition de la malbouffe reposant sur des critères précis. Car, plus encore que le Guide ou l’encadrement du marketing, ce que l’industrie redoute, c’est que l’imposition de l’étiquetage sur le devant des emballages la force à indiquer les surplus de gras saturés, de sucres et de sel dans les aliments transformés. »
Saine alimentation et agriculture durable
« Je trouve déplorable que l’on soit toujours en train d’opposer la saine alimentation aux intérêts de la production agricole, poursuit Diana Bronson. Je pense que, au contraire, le milieu agricole peut non seulement contribuer à la saine alimentation des Canadiennes et des Canadiens, mais qu’il peut en tirer un grand profit. Notamment les plus petits producteurs qui font de l’agriculture de proximité. »
« Il faut que le gouvernement choisisse son camp : va-t-il se ranger du côté de l’intérêt public ou celui de l’industrie privée? » - Diana Bronson
« Quand on y réfléchit bien, précise-t-elle, saine alimentation et agriculture durable vont de pairs. Et, à cet égard, le gouvernement devrait consentir plus d’efforts pour anticiper les changements d’habitudes alimentaires des consommateurs qui, de plus en plus, souhaitent être en mesure de faire des choix plus éclairés et plus sains. Or, la politique agricole actuelle, alignée sur les besoins de la grande industrie agroalimentaire, n’est vraiment plus en phase avec l’évolution des mœurs, d’autant plus qu’elle considère toujours la production locale comme un secteur totalement marginal. »
Or, il est désormais avéré qu’une saine alimentation doit aussi être bonne pour la santé de la planète. En décembre dernier, l’OMS préconisait que les guides alimentaires tiennent désormais compte, dans leurs recommandations, des impacts environnementaux de la production des aliments. À cet effet, l’organisme a publié des fiches d’information pour guider les pratiques en la matière. Et cette semaine, la prestigieuse revue The Lancet rendait public un rapport, coréalisé avec la Fondation EAT, et qui conclut à la nécessité de radicalement transformer nos habitudes alimentaires. Il en va de notre santé et de celle de la planète !
« Bref, ce que nous souhaitons, enchaîne Diana Bronson, c’est que la nouvelle politique alimentaire en matière de production agricole, que nous attendons toujours, soit cohérente avec la politique sur la saine alimentation, qui tarde encore. Et pour cela, il faut que la société civile fasse entendre sa voix afin de défendre les intérêts publics contre ceux de l'industrie. Et c’est pourquoi nous avons lancé cet appel à l’action. Nous invitons donc le public à se rendre sur notre page pour signer différentes pétitions, notamment celle qui découle de la Déclaration de Calgary et à s’inspirer de nos différents modèles de tweets pour les adresser @ différents politiciens. »
Note de la rédaction: Cet article a été publié quelques jours avant le lancement du nouveau Guide alimentaire canadien. Consultez notre article sur le sujet: Guide alimentaire 2019: un virage majeur et un visuel très réussi!