Les réglementations qui visent à réduire l’exposition des enfants à la publicité des aliments et boissons de faible valeur nutritive sont efficaces, et représentent une option de choix pour tout gouvernement soucieux de créer des environnements favorables à la saine alimentation.
Voilà, dans ses grandes lignes, le message essentiel que l’on devrait retenir d’une récente synthèse des connaissances publiée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et intitulée L’efficacité des stratégies de réglementation de la publicité et de la promotion alimentaires. Et que, dans l’ensemble, ces réglementations s’avèrent plus efficaces que les initiatives d’autorégulation de l’industrie.
La logique d’action
Qu’elles soient implantées à l’échelle nationale ou municipale, les réglementations étudiées dans cette synthèse ont pour but de réduire la « puissance de persuasion des techniques utilisées » pour faire la promotion des produits alimentaires ultra-transformés, riches en gras saturés, en sucres libres et en sel. Ces interventions dans l’environnement socioculturel sont susceptibles de modifier le comportement des consommateurs et, potentiellement, de diminuer l’incidence des taux de surpoids dans la population.
Toutefois, la portée de ces mesures risque d’être compromise par les stratégies de contournement utilisées par les acteurs de l’industrie, ou encore d’être annulée par la commercialisation transfrontalière que facilitent, notamment, les nouvelles technologies de l’information. À ce chapitre, on mentionne le fait que l’Organisation mondiale de la Santé recommandait, dès 2010, que les États membres coopèrent entre eux afin d’encadrer cette commercialisation transfrontalière.
Le cas québécois
Le rapport de l’INSPQ s’est penché sur des études portant sur 6 cadres réglementaires : Québec, Grande-Bretagne, France, Comté de Santa Clara en Californie, Ville de San Francisco et État du Maine. Dans chaque situation, que ce soit à l’échelle municipale ou nationale, l'auteure de la synthèse a pu mettre en lumière des constats utiles et des pistes d’action prometteuses. Et bien entendu, le cas du Québec, qui fait d’ailleurs figure de proue à l’échelle internationale, demeure particulièrement intéressant.
Les articles 248 et 249 de la Loi sur la protection du consommateur du Québec sont représentatifs des réglementations à couverture large. Leur principe directeur repose sur la protection des enfants contre l’influence indue de la publicité à but commercial. En ce sens, les articles 248 et 249 n’ont pas pour objectif spécifique d’encadrer la promotion de la malbouffe ciblant les enfants, mais toute publicité à laquelle ils sont susceptibles d’être exposés, tous médias confondus ou presque…
En effet, si toutes les techniques publicitaires sont visées sur toutes les plateformes médiatiques (radio, télévision, Internet, téléphonie mobile, imprimé, affichage, objets promotionnels), par contre demeurent permises les publicités dans les magazines pour enfants, les publicités annonçant un spectacle pour enfants, ainsi que les vitrines et étalages des commerces, les contenants, les emballages et les étiquettes des produits commercialisés1.
Cela dit, les articles 248 et 249 protègent en partie les enfants québécois, surtout ceux qui évoluent dans un environnement francophone, alors que les jeunes du côté anglophone sont plus exposés au phénomène de la « commercialisation transfrontalière ».
Pistes d’action
Selon l'auteure de cette synthèse, la conception de réglementations qui limitent l’exposition de jeunes à la publicité alimentaire doit reposer sur une large couverture qui vise non seulement l’ensemble des plateformes médiatiques, mais aussi toutes les techniques publicitaires comme l’offre de jouets, l’utilisation de mascottes ou les commandites d’événements, etc. À cet égard, la chercheuse cite le cas du Chili dont le cadre réglementaire a, entre autres, entraîné la disparition des personnages sur les boîtes de céréales qui ne répondent pas aux critères nutritionnels.
Dans la mesure où les communications publicitaires et promotionnelles ont tendance à se déplacer vers des espaces médiatiques et non médiatiques moins contrôlés (médias numériques, commandites, vente au détail, etc.), le rapport recommande la mise en œuvre de modalités de surveillance pour mieux s’adapter aux stratégies de contournement de l’industrie.
Éthique et politique
L’acceptabilité sociale est généralement acquise en matière de réglementation de la publicité alimentaire, tout particulièrement lorsqu’elle vise la protection des enfants. Et, sur le plan éthique, elle est entre autres justifiée par le fait que les enfants, à ce stade de leur développement cognitif, sont vulnérables aux stratégies publicitaires, car mal outillés pour discerner clairement les intentions commerciales qui les ciblent.
Ne serait-ce qu’en vertu de cette vulnérabilité, souligne le rapport, nous sommes justifiés d’intervenir sur l’environnement des jeunes enfants et même des adolescents. Car, de plus en plus, ces jeunes partagent en partie l’espace socioculturel des adultes, ce qui les expose à davantage de publicités, même si elles ne les visent pas directement. Et l’encadrement de ces tactiques publicitaires demeure l’un des meilleurs outils à la disposition des gouvernements pour la création d’environnements favorables à la saine alimentation.
1Le projet de Loi S-228 qui visait à limiter la publicité d’aliments et de boissons riches en sel, en sucre ou en gras saturés ciblant les enfants de 12 ans et moins, aurait justement pu combler les lacunes de la Loi québécoise sur la protection du consommateur. Il est malheureusement mort au feuilleton faute d’avoir reçu la sanction royale de la Chambre haute.