Après le Mexique, la France, la Grande-Bretagne et certains États scandinaves, nombreux sont les pays qui ont opté pour l’application d’une taxe sur les boissons sucrées.
Pourquoi s’attaquer particulièrement à ces dernières? Parce que ce type de boissons est la principale source de sucre dans notre alimentation. Considérant que près du quart des jeunes Québécois boit une boisson sucrée tous les jours, de nombreux intervenants en santé publique se montrent catégoriques : il y a urgence d’agir.
En février dernier, une étude cofinancée par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC estimait qu’au cours des 25 prochaines années, la consommation de boissons sucrées au pays entraînerait des coûts de plus de 50 milliards de dollars et plus de 63 000 décès. On prévoit aussi qu’elle sera responsable de plus de 1 million de cas d’embonpoint, de plus de 3 millions de cas d’obésité, de près de 1 million de cas de diabète de type 2, de 300 000 cas de cardiopathie ischémique, de 100 000 cas de cancer et de près de 40 000 AVC au pays sur cette même période. À la lumière de ces constats alarmants, une question persiste : qu’attendent donc nos gouvernements pour mettre en place des actions efficaces pour contrer ce fléau?
Voir au-delà de la taxe
En matière de santé publique, l’instauration d’une taxe va bien au-delà du simple fait d’amasser des fonds pour garnir les coffres de l’État. Il s’agit d’une mesure éducative en soi. Elle envoie un message clair qui conscientise les consommateurs, freine la surconsommation et invite à adopter des comportements plus sains. Une taxe sur les boissons sucrées aurait aussi pour effet d’augmenter le prix de produits moins nutritifs et d’encourager les consommateurs à se tourner vers des produits plus sains. De plus en plus, les études sur le sujet tendent à en démontrer l’efficacité. En mars 2015, le canton de Berkeley, en Californie, a introduit une taxe substantielle sur les boissons sucrées. Un an plus tard, les résultats étaient déjà au rendez-vous : l’implantation d’une taxe de 10 % a permis de diminuer la consommation de ces boissons de 9,6 %, alors que les chiffres de ventes de boissons plus saines, telles que l’eau, augmentaient de 15,6 %.
L’instauration d’une telle taxe permettrait donc de mettre en place des initiatives santé qui pourraient réduire le nombre de cas de certaines affections associées à la consommation des boissons sucrées. Les retombées potentielles sont évidentes, et les prévisions sont très significatives : en 25 ans, les Canadiens épargneraient 11,5 milliards de dollars en soins de santé et profiteraient de retombées de 43,6 milliards de dollars. Il s’agit d’une somme qui devrait être réinvestie pour valoriser de saines habitudes de vie et prévenir d’éventuels problèmes de santé, disent les groupes impliqués dans cette étude. Ainsi, selon plusieurs, les fonds recueillis pourraient financer des programmes de saines habitudes de vie, faciliter l’accès à des aliments sains plus abordables dans les communautés autochtones, favoriser un mode de vie sain, et j’en passe.
Une taxe régressive?
Certains estiment qu’une taxe sur les boissons sucrées serait une mesure régressive, c’est-à-dire que son fardeau financier serait plus lourd pour les personnes les plus démunies. L’argument régressif a notamment été utilisé pour critiquer des taxes comme la TPS ou la TVQ. Mais, cet argument tient-il vraiment la route pour les boissons sucrées? D’une part, pour qu’une taxe soit régressive, ne doit-elle pas s’appliquer au produit de base? De toute évidence, ce ne serait pas le cas de ces boissons, étant donné qu’on taxerait un produit considéré comme malsain. D’autre part, les fonds générés par la taxe devraient être réinvestis dans des politiques qui favorisent l’accès aux aliments sains et dans des initiatives de promotion de la santé. Loin d’être régressive, cette mesure serait plutôt progressiste et favorable à la santé des populations défavorisées.
Loin d’être régressives, les sommes épargnées par cette mesure permettraient un partage de la richesse en faveur de la santé populationnelle. Elle nous apparaît donc particulièrement progressiste. Alors que plus de 50 % du budget de la province est destiné au réseau de la santé, avons-nous vraiment le luxe de négliger l’implantation d’une telle taxe?