Dialogue avec les citoyens, partage du pouvoir, renforcement de la démocratie, changement de culture administrative… Les trois élus municipaux rassemblés par le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM) ont échangé, avec grand enthousiasme, sur les succès des différents projets de budgets participatifs déployés dans leurs communautés.
La rencontre était animée par Véronique Fournier, directrice du CEUM. D’entrée de jeu, celle-ci s’est réjouie de pouvoir réunir à une même table, et ce, pour la première fois au Québec, des élus afin qu’ils parlent de leurs expériences en matière de budget participatif (BP). Un mouvement en émergence, a-t-elle souligné, et qui est en voie de transformer nos pratiques d’administration publique. Ce qui n’est pas étranger au fait que l’événement se tenait à l’École nationale d’administration publique, dont l’auditorium était gracieusement mis à la disposition du public.
Le panel se composait de Mme Marlene Cordato, mairesse de Boisbriand, de M. Pierre Lessard-Blais, maire d’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et de Mme Nathalie Pierre-Antoine, conseillère d’arrondissement, district de Rivière-des-Prairies.
Véronique Fournier a d’abord mis la table en expliquant que l’approche par budget participatif est une démarche grâce à laquelle les citoyens décident eux-mêmes comment utiliser une portion bien déterminée du budget d’une ville, ou d’un quartier, pour améliorer leur milieu de vie. Il s’agit aussi d’une réponse au défi démocratique qui permet de rétablir un dialogue entre les élus, les fonctionnaires et les citoyens.
Par, pour, avec les citoyens
Première à s’exprimer sur les raisons qui l’ont poussée à se lancer dans cette aventure, Marlene Cordato a expliqué que pour elle, il s’agissait avant tout de tisser des liens avec la communauté. « C’était pour faire travailler les citoyens avec nous, parce que même si nous sommes à leur service, ils ont aussi un rôle à jouer plutôt que de toujours attendre après les initiatives de la Ville. »
« Ce qui nous motive, a enchaîné Pierre Lessard-Blais, c’est de combattre le cynisme et renforcer notre démocratie, quartier par quartier. Le BP, c’est un modèle qui favorise la participation citoyenne encore plus efficacement que les traditionnelles consultations publiques à la suite desquelles ce sont toujours les élus qui décident. C’est une manière de rejoindre un bassin de personnes plus large que les habitués des conseils d’arrondissement ou de ville. »
Nathalie Pierre-Antoine, quant à elle, voit dans le BP la possibilité pour les citoyens de participer aux prises de décisions qui ont un impact sur leur vie. « C’est une forme de partage du pouvoir, a-t-elle souligné. Sans oublier le volet pédagogique que représente l’exercice de concevoir, avec les fonctionnaires, des projets à l’intérieur d’un cadre budgétaire bien précis. Cela permet aux citoyens de mieux comprendre la réalité avec laquelle les élus doivent composer et les contraintes auxquelles doivent faire face les fonctionnaires. »
Du cas par cas
Les intervenants ont par la suite expliqué à tour de rôle les spécificités de leurs démarches. Par exemple, à Boisbriand, même si toutes les ficelles n’étaient pas attachées pour encadrer la démarche, la mairesse a quand même tenu à lancer le processus, préférant corriger les inévitables erreurs à la prochaine occasion plutôt que de tout retarder d’une année.
Dans le cas de Mercier – Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, qui se compose de trois quartiers d’environ 45 000 habitants chacun, les élus ont choisi de lancer le programme de budget participatif dans un seul quartier. Entre autres parce que, avec une enveloppe de 350 000 $, on obtenait un ratio de 8 $ par personne, ce qui correspond, selon les études internationales et les conseils du CEUM, au montant optimal pour obtenir la participation des citoyens.
A Rivière-des-Prairies, toujours à Montréal, l’une des particularités a été de se porter à la rencontre des organismes communautaires qui desservaient les populations riveraines des deux parcs concernés par la démarche afin de mieux connaître leurs besoins. Les représentants de la ville se sont donc déplacés pour cogner aux portes et ainsi rejoindre des citoyens qui n’avaient pas la capacité ou les moyens de se déplacer pour participer aux ateliers, comme les personnes âgées vivant en résidence.
Changement de culture administrative
Il était remarquable de constater que si tous s’entendaient pour dire que le BP a d’abord pour objectif de renforcer le tissu social et d’amener les citoyens à discuter entre eux pour ainsi consolider nos espaces démocratiques, ils ont aussi constaté, en retour, que cette démarche induit des changements au sein même de l’appareil administratif. Ils ont, entre autres, parlé d’une plus-value pour les fonctionnaires puisque, dans le cadre d’un projet de co-construction avec les citoyens, ils ont l’occasion de partager leurs connaissances, de faire valoir leur expertise.
Pierre Lessard-Blais a bien résumé le changement de culture administrative qui s’opère dans la foulée d’un BP. « Les professionnels découvrent alors que les élus ne considèrent pas les citoyens comme un mal nécessaire. Bien au contraire. La participation citoyenne bonifie l’administration publique et le processus de gouvernance ! »
Véronique Fournier a conclu la rencontre en dévoilant, en grande primeur, le premier site de référence sur le budget participatif au Québec. Cette nouvelle ressource constitue le premier espace de convergence des pratiques et des initiatives inspirantes qui émergent dans toutes les régions en matière de budget participatif. Le CEUM invite d’ailleurs les municipalités à faire connaître leurs démarches en lui écrivant à budgetparticipatif@ecologieurbaine.net de manière à faire rayonner l’expertise québécoise et accélérer le mouvement de ville participative au Québec.