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Les astres semblent alignés pour que le gouvernement fédéral, dans le cadre de sa grande loi sur les infrastructures, exige des États et des organismes de planification métropolitains qu’ils aménagent davantage de rues conviviales (complete streets) afin d’assurer la sécurité des piétons et des cyclistes. Quoique…
En effet, durant la dernière décennie, aux États-Unis, le bilan routier s’est constamment détérioré. Les chiffres sont attristants. Seulement en 2018, 36 560 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route. C’est l’équivalent de l’écrasement d’un Boeing 737 Max tous les deux jours. Or, on se souviendra qu’à la suite de deux tragédies aériennes en six mois, tous ces appareils avaient été cloués au sol pendant près de deux ans.
Mais il y a pire. Les statistiques les plus alarmantes concernent les personnes qui ne sont pas au volant d’un véhicule. Dans les villes américaines, de 2009 à 2019, la population s’est accrue de 13 % et le nombre de déplacements motorisés de 14 %. Toutefois, au terme de cette période, on comptait 69 % plus de décès chez les cyclistes et de 48 % chez les piétons. Aussi bien dire que le temps était venu d’agir. Et justement, cette récente loi sur les infrastructures, qui repose sur un budget pharaonique de 1 200 milliards de dollars, stipule que les organismes de planification métropolitains doivent consacrer au moins 2,5 % de leur financement à l’aménagement de rues conviviales.
Une approche qui divise
Donc, en janvier dernier, le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, annonçait une stratégie nationale globale de sécurité routière, dans la foulée de laquelle la Federal Highway Administration (FHWA) vient de publier son plan pour « encourager » l’adoption du modèle des rues conviviales. Et qui parle d’encouragement pense souvent en termes d’incitatifs. À cet égard, la FHWA a le mérite d’être claire : l’organisme a déclaré que le modèle des rues conviviales deviendrait son « approche par défaut pour le financement et la conception de routes en dehors de sa juridiction »…
Bien entendu, déjà plusieurs membres du Congrès sont montés aux barricades, alléguant que la FHWA n’a pas le pouvoir de dicter aux États la manière d’utiliser leur « formule fédérale de financement », un euphémisme commode pour éviter de dire que ces argents ne leur appartiennent pas, ni de donner la priorité au transport en commun ou aux pistes cyclables. Bref, aux États-Unis, il semble bien que l’on puisse être contre la vertu. C’est donc une histoire à suivre…
Qu’est-ce qu’une rue conviviale?
Selon le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec, « une rue complète [conviviale] est conçue pour répondre aux besoins d’un maximum d’usagers, peu importe leur âge et leurs capacités : piétons, cyclistes, personnes à mobilité réduite, usagers du transport en commun, automobilistes, camionneurs, véhicules d’urgence, etc. Des aménagements physiques sont alors réalisés afin que chacun d’eux puisse se déplacer de façon sécuritaire et efficace. […] Le plus souvent, ces aménagements ont pour effet de ségréguer certains modes [de transport] en fournissant, aux piétons et cyclistes principalement, des réseaux qui leur sont propres, séparés des voies automobiles. »
Bref, le but premier d’une rue conviviale est d’en recentrer l’aménagement sur les personnes qui l’utilisent plutôt que sur les véhicules qui l’empruntent, ce qui la rend plus sécuritaire, efficace et confortable pour tous ses usagers. Qui pourrait être contre cet objectif ?