Le gouvernement du Québec vient de lancer sa Politique bioalimentaire 2018-2025 , qui pour une toute première fois, met explicitement la santé de la population au cœur de ses priorités. Survol des points saillants à ce chapitre, et réactions de Corinne Voyer, directrice de la Coalition Poids et Diana Bronson, directrice du Réseau pour une alimentation durable.
Lancée le 6 avril dernier, cette politique vise clairement à favoriser la santé des consommateurs, mais aussi à assurer une concertation interministérielle dans sa mise en œuvre. « Le virage est clair, se réjouit Corinne Voyer, car, pour la première fois, on approche le secteur de l’alimentation pas seulement sous l’angle économique, mais également sous l’angle de la santé. Et la concertation interministérielle est très importante pour assurer la cohérence des décisions et des mesures gouvernementales. »
Marché solidaire Frontenac
Des aliments sains accessibles à tous
Pour répondre aux attentes des consommateurs à l’égard de la santé, recueillies lors de rencontres préalables, la nouvelle politique énonce les actions suivantes :
- Soutenir le développement des connaissances et des compétences alimentaires et culinaires des Québécois, notamment en milieu scolaire;
- Accroître la présence et favoriser l’achat d’aliments sains, locaux et écoresponsables dans les institutions publiques;
- Accompagner et soutenir les entreprises pour améliorer la valeur nutritive des aliments transformés;
- Développer avec les partenaires concernés des moyens innovants pour améliorer l’offre d’aliments québécois de bonne qualité nutritive;
- Améliorer l’accès et l’identification des aliments favorables à la santé (ex. : dans les déserts alimentaires, les commerces et les services alimentaires, le commerce en ligne).
Diana Bronson applaudit la volonté du gouvernement du Québec d’agir en matière d’approvisionnement alimentaire sain, local et écoresponsable dans le secteur public. « Il est vraiment temps que les repas sains servis dans les établissements publics de santé deviennent la norme plutôt que l’exception », précise-t-elle, en ajoutant que le Québec est un chef de file à cet égard au Canada.
En ce qui concerne l’amélioration de la valeur nutritive des aliments transformés, le gouvernement prévoit surveiller leur teneur en sel, en sucre et en gras saturés. Sur ce point, Corinne Voyer précise que les aliments quotidiens trop salés ou sucrés comme les céréales à déjeuner, les barres tendres et les yogourts doivent être ciblés de façon ferme et prioritaire. « C’est un enjeu pressant qui n’avancera pas si on compte uniquement sur une approche volontaire, parce que des mesures plus strictes vont faire bouger l’industrie alimentaire », insiste-t-elle en déplorant que le marketing de ces aliments les enrobe d’une auréole santé non méritée.
« L’approche danoise représente une source d’inspiration comme façon de favoriser une alimentation biologique, locale et saisonnière dans les institutions publiques. » Politique bioalimentaire 2018-2025 – Alimenter notre monde
Des aliments sains produits de façon durable et responsable
La politique bioalimentaire précise également que le gouvernement du Québec veut encourager les approches concertées visant à protéger la santé et l’environnement. Voici les pistes de travail mentionnées :
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur bioalimentaire et sa vulnérabilité aux changements climatiques;
- Développer et appuyer les approches concertées pour améliorer la qualité de l’eau, la santé des sols et la protection de la biodiversité;
- Poursuivre la croissance du secteur biologique;
- Renforcer la réduction des risques liés à l’utilisation des pesticides;
- Réduire le gaspillage et les pertes alimentaires, et favoriser les dons alimentaires;
- Encourager l’économie circulaire et valoriser les coproduits.
« La réduction du gaspillage alimentaire est une cible importante, mais la lier directement aux dons alimentaires est mal avisé, souligne Diana Bronson. Renforcer le réseau des banques alimentaires n’est pas une solution pour réduire l’insécurité alimentaire, il faut plutôt aider les personnes vulnérables à sortir de la pauvreté. »
Au chapitre des pratiques « responsables » du secteur bioalimentaire, le gouvernement prévoit aussi encourager les entreprises qui tiennent compte de la santé, de la sécurité et de la qualité de vie des travailleurs, ainsi que de la santé et du bien-être des animaux.
Ferme la Récolte des Dames, Saint-Angèle-de-Monnoir
Les terres agricoles et la relève
La protection des terres agricoles pour les générations futures fait également partie des objectifs de la politique, tout comme le soutien à la relève entrepreneuriale et à l’agriculture urbaine. À ce sujet, Diane Bronson salue particulièrement la piste de travail qui vise à favoriser la diversité des activités agricoles. « Cela signifie que le gouvernement ne soutiendra pas uniquement le modèle agricole industriel et c’est un tournant important », explique-t-elle.
La suite des choses
La politique bioalimentaire 2018-2015 est ambitieuse et s’accompagne d’un budget prévisionnel de 560 M$ sur 5 ans, dont 53,9 M$ seront consacrés à « Favoriser une offre alimentaire québécoise plus saine et locale ».
Diana Bronson souhaite que ces sommes financent adéquatement des initiatives concrètes comme l’approvisionnement sain et local des établissements de santé et scolaires, ainsi que la production de proximité à petite échelle (NDLR: un montant de 28 M$ est prévu à cet effet).
Le gouvernement prévoit pérenniser cette politique en présentant rapidement un projet de loi1, mais Diana Bronson doute de la possibilité qu’il soit adopté avant les prochaines élections provinciales.
« La politique bioalimentaire du Québec me semble actuellement la plus ambitieuse et la plus robuste au Canada et j’espère qu’elle inspirera la version finale de la future politique alimentaire canadienne qui devrait être lancée cette année ». Diana Bronson, directrice du Réseau pour une alimentation durable
Pour Corinne Voyer, la vigilance demeure toutefois de mise : « Nous allons surveiller de près la façon dont le gouvernement va concrètement passer à l’action. Il est essentiel que les fonds publics servent à appuyer la production des aliments que l’on veut voir davantage dans l’assiette des Québécois et évitent de soutenir les produits qui nuisent à la santé, et conséquemment à l’économie du Québec. Toutefois, cette politique amène une nouvelle vision de l’alimentation : c’est très encourageant et c’est un grand pas pour la santé des citoyens ».
Alimenter notre monde - La Politique en un coup d’œil
Politique bioalimentaire 2018-2025 - Alimenter notre monde
Budget 2018-2019 : Bioalimentaire - Une priorité économique et une occasion d’améliorer la santé des Québécois
Communiqué de presse de la Coalition Poids
1. Ici Première Radio Canada - Entrevue avec M. Laurent Lessard, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, 6 avril 2018.