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Publicité alimentaire ciblant les enfants: démystifier le vrai du faux

Publicité alimentaire ciblant les enfants: démystifier le vrai du faux

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En 2015, le gouvernement canadien s’est engagé à protéger les enfants de la publicité d’aliments et de boissons qui les cible. Après la mort au feuilleton du projet de loi S-228, le gouvernement revient à la charge avec le projet de loi C-252. Et comme celui-ci sera étudié sous peu à la Chambre des communes, le combat de l’industrie alimentaire reprend de plus belle.

Sa stratégie est simple : convaincre les élus et le public que l’industrie alimentaire agit en tant que bon citoyen et qu’elle ne cible pas les enfants avec ses publicités. Alors pas besoin de loi ! Et ce n’est pas l’industrie elle-même qui vous le dira : ce sont des porte-parole connus qui le font à sa place.

Pourtant, les enfants sont bel et bien bombardés par les stratégies marketing de l’industrie alimentaire, que ce soit à la télévision, dans les équipes de sports organisés, dans les centres sportifs, dans les évènements familiaux, dans les magasins, dans les restaurants ou encore sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi je vous propose de jouer à « vrai ou faux » avec les arguments de l’industrie.

Publicité ciblant les enfants

Vrai ou faux ? Le projet de loi C-252 apporte une solution à un problème qui n’existe pas.

C’est faux. Selon l’Organisation mondiale de la Santé et UNICEF, qui ont dirigé la commission Lancet, le marketing de produits délétères à la santé auprès des enfants pose l’un des dangers les plus sous-estimés pour leur bien-être.

Le marketing alimentaire n’y fait pas exception ! Dans la grande majorité des cas, il met de l’avant des produits de pauvre valeur nutritive auprès de ce public très vulnérable. La science démontre que cette stratégie insidieuse influence les comportements, les préférences et les choix alimentaires des enfants.

Publicité ciblant les enfants

Vrai ou faux ? Un projet de loi fédéral sèmerait de la confusion au Québec.

C’est faux. Au Québec, depuis plus de quarante ans, la Loi de la protection du consommateur interdit la publicité destinée aux enfants. Malgré cela, l’industrie alimentaire profite largement des exceptions de la loi pour cibler les enfants, notamment avec les présentoirs et les emballages alimentaires.

C’est donc sans surprise que nos commerces regorgent de publicités qui s’adressent aux enfants. En 2019, la Coalition Poids a recensé plus de 450 emballages alimentaires ciblant les enfants dans les commerces de détail. Parmi ces produits, neuf sur dix étaient des aliments ultra-transformés riches en sucre, sel ou gras saturés.

En 2017 et en 2022, nous avons réalisé des travaux au Québec et au Canada sur la publicité destinée aux enfants. Comme plusieurs recherches, ces travaux démontrent très bien que la publicité alimentaire ciblant les enfants est omniprésente.

Parmi ces publicités, plusieurs compagnies de boissons sucrées, de céréales destinées aux enfants et de restaurants rapides utilisent le marketing de marque. Plutôt que de miser sur un produit, cette stratégie consiste à mettre en valeur un ou plusieurs éléments distinctifs de la marque, comme son logo, sa couleur, sa mascotte ou son slogan. Cela permet de créer un lien affectif à l’égard de la marque et le produit, qui perdure ensuite à l’âge adulte.

En ce sens, la loi fédérale permettrait notamment de couvrir les exceptions actuelles au Québec et de protéger l’ensemble des enfants du pays.

Publicité ciblant les enfants

Vrai ou faux ? L’industrie alimentaire devra se conformer à de nouveaux règlements qui exigeront une surveillance.

C’est vrai. Pour faire bonne figure, l’industrie alimentaire s’est dotée, il y a quelques années, de l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. Plus récemment, elle a adopté le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinés aux enfants. Il s’agit en réalité d’une stratégie pour éviter qu’une loi leur impose des règles de bonnes conduites.

Il ne faut pas se laisser berner par l’autoréglementation. De manière générale, elle ne prévoit pas de sanctions pour les compagnies qui y contreviennent, elle exclut certains médias et tactiques de marketing et elle s’édicte des critères nutritionnels trop peu sévères. À l’échelle internationale, plusieurs études démontrent d’ailleurs que cette tactique a peu d’impact sur la réduction de l’exposition des enfants aux publicités d’aliments malsains. 

Pour ce qui est de la surveillance, actuellement au Québec, le public peut dénoncer les stratégies qui semblent contrevenir à la loi. D’ailleurs, depuis sa création en 2006, la Coalition Poids surveille la publicité alimentaire qui cible les enfants. Chaque année, nous déposons une dizaine de plaintes au Québec contre des compagnies qui semblent enfreindre la loi. Plusieurs condamnations ont été faites : Coca-Cola, Saputo, Rice Krispies, Maple Leaf, McDonald’s et j’en passe. Ainsi, si on se fie à l’exemple du Québec, des plaintes pourront être déposées et l’exposition des enfants aux publicités qui les ciblent sera réduite. Pour l’instant, le gouvernement fédéral n’a pas précisé la méthode de surveillance qu’il prévoit mettre en place.

Publicité ciblant les enfants

Vrai ou faux ? La loi est nuisible à l’économie : elle coûtera cher aux contribuables, freinera les investissements dans l’industrie alimentaire et pourrait même faire augmenter le prix du panier d’épicerie.

C’est faux. Au Canada, plus de la moitié de l’apport énergétique des jeunes provient des aliments ultra-transformés. Or, la consommation de ces aliments, souvent riches en sucre, sel ou gras saturés et pauvres en protéines, fibres, vitamines et minéraux, est associée à un risque plus élevé de maladies chroniques et de mortalité.

Agir en amont des maladies chroniques permet de réaliser des économies substantielles à long terme. D’ailleurs, selon une étude australienne, la restriction de publicités alimentaires télévisées destinées aux enfants revient non seulement à faire des économies, mais aussi à réduire les inégalités sociales de santé.

Rappelons à ce chapitre que la prévalence des maladies chroniques est en hausse depuis les dernières décennies que les enfants ne sont pas épargnés : ils reçoivent de plus en plus tôt un diagnostic de maladie chronique.

À long terme, qu’est-ce qui coûte vraiment plus cher aux contribuables : la loi sur l’encadrement de la publicité aux enfants ou le fardeau des maladies chroniques liées à l’alimentation, qui s’élevait à près de 16 milliards de dollars en 2018 au pays ?

Et pour finir, une grande partie de la publicité qui cible les enfants est déjà interdite au Québec depuis longtemps. Or nous ne sommes pas plus affectés qu’ailleurs par la hausse du prix du panier d’épicerie.

Publicité ciblant les enfants

Vrai ou faux ? Le vrai problème, c’est le manque d’activité physique chez les enfants.

C’est vrai et faux. La sédentarité est effectivement un fléau, au même titre que les troubles de santé mentale, le vapotage, l’intimidation ou la consommation d’aliments ultra-transformés.

Il demeure qu’agir sur un déterminant de la santé n’empêche pas d’intervenir sur les autres. En détournant l’attention vers d’autres problèmes, l’industrie alimentaire tente de semer la confusion et de diluer les actions.

Vrai ou faux ? Une loi ne servira qu’à donner bonne conscience au gouvernement tout en n’accomplissant rien qui vaille, si ce n’est de compliquer les choses pour tout le monde.

C’est faux. Le projet de loi C-252 est conforme aux engagements du gouvernement canadien, appuyé par la littérature scientifique et basé sur un fort consensus. D’ailleurs, selon un sondage Léger réalisé en février 2022 pour le compte de la Coalition Poids, près de sept adultes québécois sur dix sont en faveur d’un tel projet de loi. 

Le choix me paraît évident ! Les jeunes générations, actuelles et futures, ont le droit d’apprendre, de jouer et de grandir dans des milieux de vie qui favorisent leur santé, et cela devrait toujours passer devant les intérêts financiers des géants de l’industrie alimentaire.

*Ce texte a été écrit en collaboration avec Marie-Jeanne Rossier-Bisaillon, nutritionniste et chargée de dossiers à la Coalition Poids.

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