Ressource
Une municipalité peut-elle interdire aux enfants de jouer dans la rue et de faire du bruit? Me Vrouyr Makalian a offert des précisions à ce sujet, au cours de la journée intitulée Bâtir une ville en santé – Un rôle gagnant pour les élus, organisée le 12 mai par l’Association de la santé publique du Québec (ASPQ).
Le jeu libre est très important pour permettre aux enfants d’être actifs et les rues tranquilles et les ruelles y sont propices. Mais parfois, des citoyens se plaignent du bruit ou une municipalité inflige une contravention parce que les jeunes jouent dans la rue.
Le bruit des enfants qui jouent dehors n’est pas une nuisance
« La jurisprudence indique que les tribunaux québécois ne considèrent pas le jeu des enfants comme étant un trouble de voisinage. Une reconnaissance similaire dans les règlements municipaux serait donc cohérente », a souligné Vrouyr Makalian, avocat et associé chez CAMLEX, un groupement nominal d’avocats. Il a cité en exemple une décision de la juge Michèle Pauzé de la Cour du Québec, rendue en 2009. La juge a précisé que le bruit des enfants qui jouent dehors n’est pas de nature à nuire à la quiétude des gens du voisinage, parce qu’il est normal que les enfants lorsqu’ils sont nombreux, parlent fort ou crient. Elle a déclaré qu’elle ne pouvait donc retenir leur geste comme étant fautif.
En 2013, le juge Simard, de la Cour du Québec, a tranché de façon similaire dans une cause opposant un citoyen à son voisin, parce que les enfants de ce dernier faisaient du bruit en se baignant dans la piscine. « Le juge a déclaré que le bruit d’enfants qui se jettent bruyamment à l’eau, n’est pas un élément suffisant pour constituer une cause en vertu d’un trouble de voisinage, a souligné Me Makalian. Quant à la Cour suprême, elle a précisé que, pour invoquer un trouble de voisinage, il faut que les inconvénients aient un caractère anormal et exorbitant. Les juges comprennent donc très bien que le bruit des enfants, c’est normal », a-t-il poursuivi.
Me Makalian a ajouté que l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal, a un règlement qui précise que le bruit des voitures n’est pas considéré comme un bruit nuisible. « S’il y a un consensus là-dessus, on peut peut-être en arriver à un consensus que les enfants qui jouent dans la rue, ce n’est pas la fin du monde non plus, » a dit l’avocat, sourire en coin.
Jouer dans la rue : inspirons-nous de Kingston, dit une juge de la cour municipale de DDO
Quant aux règlements qui empêchent les enfants de jouer dans la rue, Me Makalian s’appuie sur un jugement de la Cour municipale de Dollard-des-Ormeaux, pour déclarer qu’ils ne sont pas acceptables. « On n’a pas le droit d’avoir de tels règlements comme l’a souligné en 2011, la juge Nathalie Accoun de la Cour municipale de Dollard-des-Ormeaux », a-t-il insisté. Dans ce cas, la plainte d’une voisine avait entraîné une amende de 75 $ infligée à un parent qui jouait au hockey dans un croissant de rue avec plusieurs enfants.
L’article du règlement municipal de Dollard-des-Ormeaux indique que les enfants ne peuvent pas jouer dans la rue sauf si c’est une « rue de jeu ». Or, aucune rue de ce type n’ayant été désignée ainsi à Dollard-des-Ormeaux, la juge a estimé qu’il était prohibitif et discriminatoire d’interdire le hockey dans la rue. Elle a même suggéré que la municipalité s’inspire de Kingston, en Ontario, où le hockey est permis dans certaines rues peu passantes, quand l’éclairage est suffisant. « La juge a invalidé la contravention, mais elle n’a pas le pouvoir d’invalider le règlement », a précisé Me Malakian.
L’argument du Code de la sécurité routière pour empêcher le jeu dans la rue ne tient pas la route non plus, soutient Me Malakian. « L’article 500 du Code précise qu’on ne peut pas entraver la circulation. Or, les enfants qui jouent dans une rue résidentielle où la vitesse est limitée ne représentent pas une grande entrave à la circulation. Donc il y a moyen de permettre le jeu dans la rue sans enfreindre la Code de la sécurité routière », a exposé l’avocat.