À Copenhague, 95 % des écoles servent des repas composés de produits biologiques et locaux. Aux États-Unis, Kaiser Permanente achète de plus en plus d’aliments locaux et produits de façon durable. Zoom sur une tendance d’autant plus forte, que le marché s’adapte et que les coûts d'opération n'augmentent pas.
Le 5 septembre, la Maison du développement durable et Équiterre ont organisé une conférence intitulée « Du bio local dans nos institutions : apprendre des modèles danois et américains ». 100° y était.
Président de la Danish Society of Clinical Nutrition et professeur émérite, Jens Kondrup a œuvré comme médecin-chef en nutrition clinique pendant 28 ans. Il a présenté les réalisations de la Copenhagen House of Food, une fondation constituée en 2007 dans le but d’améliorer la qualité des repas offerts dans les institutions de la ville et de créer un système alimentaire sain et durable. Les chiffres qu’il a présentés parlent d’eux-mêmes. Ainsi, entre 2009 et 2015 :
- le pourcentage d’aliments biologiques servis dans les institutions municipales est passé de 54 % à 88 % ;
- dans les centres pour aînés équipés d’une cuisine : de 56 % à 82 % ;
- dans les repas livrés au domicile des personnes âgées : de 0 à 60 % ;
- dans les écoles : de 71 % à 95 %.
En ce qui concerne les services de garde à l’enfance, l’augmentation est moins spectaculaire, tout simplement parce qu’en 2009, le menu de ces établissements comportait déjà plus de 85 % d’aliments biologiques. En 2015 : 94 % ! Selon Jens Kondrup, deux leviers déterminants ont mené à cette profonde transformation.
La volonté politique et l’intersectorialité
La Copenhagen House of Food est née sous la houlette de sa mairesse, Ritte Bjerregard, qui avait été ministre durant de longues années (Éducation, Services sociaux, Agriculture et Pêcheries). « Cette femme avait une volonté politique de fer, a souligné Jens Kondrup. Ce leadership politique a été déterminant dans le succès de la transformation de l’approvisionnement des institutions publiques. »
De plus, le conseil d’administration de la Copenhagen House of Food, réunissait les directeurs de 8 services municipaux, dont : Enfance et Jeunesse, Santé et Services sociaux, Logistique et Environnement, ainsi que Finances. « Ces directeurs devaient rendre compte de la progression de leurs dossiers directement à la mairesse », a précisé Jens Kondrup.
Le soutien concret au changement dans les services alimentaires
« Lorsqu’on veut transformer l’approvisionnement alimentaire des institutions, deux façons de faire sont possibles, a déclaré Jens Kondrup. On peut remplacer les aliments non biologiques par des aliments biologiques et se retrouver avec une facture majorée de 20 % à 30 %. Ou bien, on change les menus et les méthodes de préparation des aliments, ce qui permet, dès la deuxième année, de servir 100 % d’aliments biologiques, sans coûts additionnels. » Cette seconde façon de faire est appelée la « conversion des casseroles ET des esprits » (saucepans AND heads).
C’est Anne-Birgitte Agger, la directrice de la Copenhagen House of Food qui a mené ce chantier tambour battant de 2007 à 2018. Parmi les changements mis en place, on compte :
- moins de viande et achat de coupes différentes ;
- plus de légumes de saison ;
- fruits servis seulement en saison ;
- plus de grains entiers et de légumineuses ;
- faible recours à des aliments transformés ;
- planification serrée des menus et surveillance des prix ;
- gestion rationalisée (moins de gaspillage et plus d’efficience).
« La transition vers une alimentation biologique a été un succès à Copenhague, car elle continue de faire l’objet d’une ambition politique persistante qui s’incarne dans un soutien constant de la démarche et une formation concrète du personnel » a insisté Jens Kondrup. Bref, les élus de Cophenague se sont donné les moyens de leurs ambitions, au coût d’environ 1 million de dollars canadiens par année pendant 10 ans.
Pendant ce temps en Californie…
Skip Skivington, est vice-président des Services de continuité des soins chez Kaiser Permanente (KP), une organisation basée à Oakland, qui offre à la fois de l’assurance santé et des soins de santé.
Depuis quelques années, KP, qui sert plus de 5 millions de repas par an à ses patients, a pris un virage développement durable graduel, notamment au chapitre de l’alimentation. « Notre démarche a commencé par la création de marchés fermiers aux portes de nos hôpitaux et centres médicaux, a raconté Skip Skivington. Plus de 55 établissements disposent actuellement d’un tel marché. »
Promouvoir les aliments sains et l’approvisionnement local
L’objectif était de sensibiliser les patients, les clients et le personnel aux aliments sains et frais. La démarche s’est poursuivie à travers une campagne de promotion des légumes, puis des légumes et des fruits locaux.
« Nous avons ensuite voulu donner l’exemple à l’intérieur même de nos hôpitaux en améliorant la qualité de notre offre alimentaire, mais aussi en nous penchant sur la provenance de nos achats, a raconté Skip Skivington. J’étais convaincu que notre pouvoir d’achat finirait par faire baisser le prix de ces aliments, ce qui a pris environ deux ans ».
La tendance à la baisse se maintient
Deux éléments ont entraîné cette baisse de prix selon Skip Skivington. « D’une part, d’autres organisations ont emboîté le pas, ce qui a forcé le marché à prendre note, et, d’autre part, les exigences des millénariaux accélèrent le mouvement du développement durable », a-t-il expliqué. À tel point, que l’approvisionnement local est maintenant moins coûteux pour KP que l’approvisionnement « traditionnel » !
La patience est de mise
« Changer la culture alimentaire du système de santé demande de la persévérance, a observé Skip Skivington. Par exemple, certains médecins perçoivent l’alimentation végétarienne comme un dogme dont les effets positifs sur la santé restent à prouver. Il faut donc leur fournir des données convaincantes et faire preuve de patience. »
Des résultats concrets
Les résultats obtenus par KP sont loin d’être aussi spectaculaires que ceux de la Copenhagen House of Food, mais les États-Unis (et le Canada…) ne sont pas le Danemark. Les avancées de l’organisation sont cependant inspirantes. Ainsi, en 2017 :
- 28 % des dépenses alimentaires de KP étaient consacrées à des aliments durables ;
- les menus de toutes les cafétérias et services alimentaires offraient au moins un repas végétarien répondant aux critères nutritionnels établis par l’organisation.
- KP établit des partenariats avec des distributeurs alimentaires, des hôpitaux, des écoles et d’autres grands acheteurs, afin de faire augmenter la demande en aliments locaux produits de façon durable.
D’ici 2025 (autant dire demain!), KP a pour objectif d’acheter uniquement des aliments locaux ou produits par des producteurs agricoles dont les pratiques sont durables, incluant une utilisation responsable des antibiotiques.
Que se passe-t-il au Canada?
Le milieu de la santé et le milieu scolaire bougent au Canada, mais, pour le moment, les initiatives restent parcellaires. 100° a rendu compte de certains de ces projets innovants :
Institutions publiques: 10 pistes d’action pour s’approvisionner en aliments sains et locaux
Alimentation à l’hôpital: le CHU Sainte-Justine à l’avant-gard