Santé environnementale

Comment protéger les abeilles en ville?

Comment protéger les abeilles en ville?

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En milieu urbain, les espèces d’abeilles indigènes sont moins nombreuses et moins diversifiées que partout ailleurs. Il faut dire qu’elles doivent faire face à des perturbateurs spécifiques à cet environnement. Mais il existe des pistes d’actions sérieuses, à l’échelle individuelle ou collective, pour tenter de les protéger.

Dans le monde entier, les insectes pollinisateurs sont en péril. En Amérique du Nord, par exemple, plus de la moitié des espèces d’abeilles indigènes seraient en déclin. « C’est un phénomène qui est bien documenté à la campagne, mais on estime que le problème est le même en ville », note Sabrina Rondeau, chercheuse postdoctorale à l’Université de Guelph et l’une des initiatrices d’Abeilles citoyennes, un projet de science participative de l’Université Laval. « On sait, en revanche, que l’on trouve une plus petite diversité d’abeilles en milieu urbain qu’en zone rurale », précise-t-elle.

Les spécialistes évoquent une combinaison de facteurs pour expliquer ce déclin généralisé : les pesticides, et en particulier les néonicotinoïdes, les parasites, comme le varroa, le réchauffement climatique, et non des moindres, la perte d’habitat.

Mais en ville, s’ajoutent des problématiques spécifiques. « Il fait plus chaud, l’air est plus pollué, il y a moins de fleurs et l’espace est davantage fragmenté qu’à la campagne », détaille la chercheuse. Aussi, la présence d’asphalte et de béton empêche la nidification de nombreuses abeilles indigènes. Quand on sait qu’au Québec, environ 70 % d’entre elles nichent dans le sol, c’est un sacré problème.

Apiculture urbaine

Des ruches en ville : une fausse bonne idée  

Les abeilles ont la cote : leur déclin fait la une des médias. Et même si le problème prend une envergure particulière en dehors des villes, des citadins ont tout de même souhaité participer à la protection des butineuses. Alors les ruches urbaines se sont multipliées, sur les terrains des résidences, et sur les toits des organismes ou des entreprises.

« Beaucoup de gens s’imaginent, à tort, qu’avoir une ruche peut participer à la sauvegarde des abeilles. Mais il y en a trop, et c’est le contraire qui se produit, c’est une fausse bonne idée », prévient Amélie Legrand, chargée du service apicole de la coopérative de solidarité Polliflora. On comptait par exemple une dizaine de ruches en 2010 à Montréal, contre environ 1 500 à 2 000 aujourd’hui !

En plus de favoriser la transmission de parasites, l’apiculture urbaine crée une compétition déloyale pour les abeilles indigènes et entraîne une raréfaction des ressources. « Pour obtenir un gramme de miel, il faut butiner environ 8 000 fleurs », illustre Amélie Legrand. Les plantes mellifères, riches en pollen et nectar, doivent donc être présentes en abondance pour contenter tous ces insectes. C’est déjà là une première piste d’action.

Apiculture urbaine

Des actions concrètes à différentes échelles 

« Il existe plusieurs moyens de venir en aide aux pollinisateurs, en ciblant directement les principales causes de leur déclin », tempère Amélie Legrand. La coopérative Polliflora, pour laquelle elle travaille, vante par exemple les avantages de : 

  • mieux consommer en privilégiant une agriculture biologique et écologique 
  • bannir les pesticides et les intrants chimiques dans le jardin, et préférer les semences ou semis biologiques  
  • construire un abreuvoir pour les pollinisateurs qui ont besoin de beaucoup d’eau pour boire et se nettoyer  
  • choisir des plantes mellifères pour fleurir les balcons, les terrasses ou les cours, et préférer des espèces indigènes pour garantir une présence toute la saison 


Mentionnons d’ailleurs l’initiative l’Effet papillon, chapeautée par la fondation David Suzuki. Des centaines de personnes partout au pays sont recrutées et formées pour créer des jardins dans les espaces privés et publics de leur quartier et restaurer l’habitat des pollinisateurs sauvages tels que les papillons et les abeilles. Depuis 2017, les bénévoles ont créé un véritable corridor de plantes, de Rimouski à Vancouver. 
  
Pour que ces actions engendrent un impact réel, elles devraient s’accompagner d’un changement dans les manières de faire à grande échelle. En novembre 2022, Montréal a par exemple dévoilé un plan de protection des pollinisateurs pour les cinq prochaines années. Parmi les actions qu’elle propose, la municipalité compte notamment accroître la superficie des milieux naturels protégés en les faisant passer de 8 à 10 % sur son territoire. En outre, la Ville entend tondre moins souvent le gazon sur ses terrains afin de favoriser la biodiversité, et s’engage à effectuer un inventaire de la population des pollinisateurs.  
  
Et quid d’une régulation du nombre de ruches en ville ? En attendant une réglementation officielle, Polliflora a élaboré, en 2015, la Charte de l’apiculture urbaine dans laquelle elle énonce les principes respectueux du cadre écologique urbain. Autre exemple, la ville française de Lyon a quant à elle décidé, dès 2015, de limiter le nombre de ruches en ville, après avoir fait le constat qu’elles se retrouvaient en trop grand nombre sur son territoire et que cela nuisait aux abeilles sauvages.  

Apiculture urbaine

L’un des moyens de garantir aux pollinisateurs un avenir meilleur, c’est de faire en sorte que les gens comprennent l’importance des abeilles pour la biodiversité. « On a à cœur de proposer des activités ludiques et éducatives pour piquer la curiosité des petits et des grands sur l’importance des pollinisateurs », souligne Amélie Legrand. Polliflora propose, à cet effet, des kiosques de sensibilisation, des formations au jardinage ou à l’apiculture urbaine raisonnée, ou encore des conférences.  

Une autre façon de faire adhérer les gens à la cause des abeilles, c’est de les faire participer ! C’est ce que propose Abeilles citoyennes, qui vise à inventorier la biodiversité des insectes pollinisateurs sauvages à l’échelle du Québec. « On fait appel à des participants bénévoles, partout dans la province, sauf à Montréal et à Québec pour l’instant, pour qu’ils nous aident à collecter des abeilles présentes dans leur cour arrière, sur leur toit vert ou leur terrain, explique Sabrina Rondeau. Ensuite ils nous envoient leurs saisies pour qu’on puisse les identifier ».

Autant d’idées, de pistes d’actions, de réalisations, qui, quelles que soient leur envergure et leur portée, peuvent contribuer à stopper le déclin de nos infatigables butineuses.   

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