Santé et société

L’écoanxiété chez les jeunes : un phénomène grandissant

L’écoanxiété chez les jeunes : un phénomène grandissant

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Au fil de leur développement, les enfants et les adolescents rêvent de partir à la rencontre des lions et des gazelles de la savane africaine, de fouler le sommet enneigé du Kilimandjaro et de s’émerveiller des aras bleus de la forêt amazonienne. Mais la réalité – dérèglement climatique, fonte de la calotte glacière et effondrement de la biodiversité - a tôt fait de les rattraper. Les jeunes sont ainsi de plus à plus nombreux à appréhender avec angoisse l’avenir de la planète et à éprouver de l’écoanxiété.

Qu'est-ce que l'écoanxiété ?

Depuis déjà des décennies, on reconnaît les impacts de la pollution, des catastrophes environnementales et même des changements climatiques sur la santé physique. Néanmoins, l’attention portée aux conséquences de ces phénomènes sur la santé sociale et mentale des personnes est récente.

L’Office de la langue française du Québec propose la définition suivante de l’écoanxiété sur son site Internet : « Sentiment d’anxiété ou préoccupation ressentis par une personne devant les bouleversements causés par les changements climatiques et l’appréhension de leurs conséquences. » On y distingue l’écoanxiété de sa sœur, la solastagie, qui serait la « détresse ressentie par une personne devant les pertes ou les modifications touchant son environnement immédiat en raison des changements climatiques ».

La définition de l’écoanxiété évolue rapidement, au fur et à mesure que les chercheurs, penseurs, praticiens et citoyens s’intéressent à la question. En fait, il existe presque autant de définitions de ce concept que d’écrits récents à son sujet. Pour certains, il inclut toutes les réactions normales, saines, bien que souvent pénibles, face à une situation de danger et de perte, devant l’urgence collective à laquelle nous faisons face. Certains la définissent de façon très large, de manière à englober l’ensemble des réactions possibles face à la dégradation de l’environnement : déni, désarroi, sentiment d’impuissance, culpabilité, colère, révolte, anxiété, voire angoisse et tristesse, notamment.

« L’écoanxiété fait partie d’une famille plus large qu’on appelle les écoémotions, ce qu’on ressent en lien avec les changements climatiques ou, de façon plus générale, les désastres écologiques ou les problèmes environnementaux. Ces émotions ne sont pas nécessairement négatives. Elles peuvent aussi être positives et être génératrices d’espoir et d’optimisme, a expliqué la Dre Mélissa Généreux, médecin-conseil à la Direction Santé publique du CIUSSS de l’Estrie-CHUS et professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, lors du Sommet de la santé durable (janvier 2023). Parmi les écoémotions, on compte l’écoanxiété qui correspond à cet inconfort qu’on a sur le plan psychologique, mais aussi parfois sur le plan physique et qui peut être d’intensité variable. Il est en lien avec le fait qu’on appréhende les futures menaces liées aux changements climatiques et le regard passé sur l’impact que les changements climatiques ont déjà eu. »

L’écoanxiété n’est pas encore incluse dans la liste des troubles recensés dans le DSM-5 qui sert de livre de référence, en psychiatrie, à travers la planète. Cependant, depuis quelques années, l’Association américaine de psychiatrie qui le publie multiplie ses communications en lien avec les effets des problèmes environnementaux sur la santé mentale des personnes et des collectivités.

Écoanxiété : sentiment d’anxiété ou préoccupation ressentis par une personne devant les bouleversements causés par les changements climatiques et l’appréhension de leurs conséquences.

écoanxiété

Écoanxiété : les jeunes davantage touchés

Réagir à la menace réelle que constitue la crise environnementale est sain en soi. En effet, il est tout à fait sensé pour les jeunes de vivre des réactions émotionnelles négatives face à la menace environnementale. Les concepts d’écolucidité ou d’écoconscience émergent pour mettre en lumière la justesse de la réaction anxieuse face aux dangers présents et imminents de la crise environnementale.

Ces écoémotions peuvent s’apparenter aux réactions associées au deuil, explique la psychologue Karine St-Jean dans son livre Apprivoiser l’écoanxiété et faire de ses écoémotions un moteur de changement. Contrairement à l’anxiété provoquée par les monstres fictifs dans le placard, l’action sur les déclencheurs de l’écoanxiété est nécessaire et potentiellement bénéfique pour durablement atténuer les écoémotions. L’objectif est donc d’accueillir ces émotions avec douceur et à en prendre bonne note de manière à saisir les messages qu’elles véhiculent et à passer à l’action, soutient Mme St-Jean.

« On a tendance à voir l’écoanxiété comme un problème. Or, ce n’est pas toujours le cas, affirme la Dre Généreux. L’écoanxiété peut se traduire par une réponse adaptative. Elle peut nous amener à augmenter notre engagement dans la lutte contre les changements climatiques, dans des gestes pro-environnementaux. » Bien sûr, la réponse peut aussi être « maladaptative », prend-elle soin de préciser. L’écoanxiété peut engendrer de l’insomnie, des symptômes dépressifs et anxieux ou, au contraire, entraîner une paralysie, un déni.

Bien que personne ne soit à l’abri de l’écoanxiété, il semblerait que certains groupes y soient plus vulnérables que d’autres, dont les ados qui arrivent en tête de liste. Les femmes, les jeunes parents, les scientifiques et les militants, mais aussi les anglophones et les immigrants seraient davantage touchés par ce phénomène prenant des allures de raz-de-marée. Les enfants seraient aussi particulièrement sensibles à l’écoanxiété, à la question de l’extinction des animaux et aux menaces de catastrophes environnementales, notamment.

D’autre part, l’expérience vécue d’une catastrophe naturelle ou le fait d’avoir subi des conséquences directes de problèmes environnementaux accroîtrait le risque de présenter de l’écoanxiété. À titre d’exemple de communautés affectées par les changements climatiques, les peuples autochtones du Nunavut et de la Côte-Nord se trouvent aux premières loges de la fonte des glaces et en subissent des conséquences directes. Les agriculteurs seraient aussi plus touchés par les changements climatiques et par l’écoanxiété. Ce qui sera ressenti comme une vague culpabilité passagère chez l’un pourra prendre des proportions démesurées, voire handicapantes, chez d’autres. Christina Popescu, doctorante en psychologie sociale à l’Université du Québec à Montréal, s’intéresse aux symptômes de l’écoanxiété qui peuvent s’apparenter, selon elle, à ceux du trouble d’anxiété généralisée - notamment stress, insomnie, crises d’angoisse et de panique. Elle observe aussi parfois de la tristesse et de la dépression chez les personnes écoanxieuses. Elle souligne cependant que, à la différence de l’anxiété généralisée, l’écoanxiété prend sa source dans une menace réelle. Elle distingue aussi ceux qui sont préoccupés par l’environnement, sans pour autant être écoanxieux, de ceux qui sont affectés par leur écoanxiété dans leur fonctionnement.

10 trucs pour apaiser les craintes des jeunes

1 | PRENDRE CONSCIENCE DE SES PROPRES ÉMOTIONS ET SE DOTER DE MOYENS POUR EN ATTÉNUER L’INTENSITÉ.

Pour éviter d’accentuer les inquiétudes chez les jeunes, en leur communiquant une charge émotionnelle trop intense, prendre conscience de ses propres réactions et voir à les canaliser positivement dans l’action est une stratégie importante à mettre en œuvre.

2 | FAIRE DES CHOIX ÉCORESPONSABLES POUR QUE LES JEUNES CONSTATENT QUE L’AVENIR DE LA PLANÈTE (ET LE LEUR) NOUS IMPORTE.

Les jeunes ont besoin de constater que l’avenir de la planète importe aux adultes autour d’eux. Une panoplie de choix s’offrent à nous dans toutes les sphères de nos vies : réduire sa consommation de biens, faire des déplacements actifs, préparer des lunchs, acheter en vrac, prendre des vacances à proximité.

3 | PERMETTRE AUX JEUNES D’EXPRIMER LEURS ÉMOTIONS ET ACCUEILLIR LEUR ÉCOANXIÉTÉ AVEC EMPATHIE.

Lorsque les enfants nous font part de leurs inquiétudes pour les ours polaires à la dérive ou lorsque les adolescents font la grève et reprochent aux adultes de ne pas prendre les moyens radicaux nécessaires pour assurer leur avenir… nos cœurs se brisent. Accueillons leurs craintes et leurs colères avec toute l’empathie qu’elles méritent. Partageons leur indignation avec eux, tout en demeurant solides.

4 | DONNER CHAQUE JOUR DES OCCASIONS DE BOUGER, DE FAIRE DU SPORT ET D’ALLER DEHORS, EN NATURE.

En plus de générer une kyrielle d’effets bénéfiques, tant sur le plan physique que psychologique, l’adoption et le maintien d’un mode de vie physiquement actif peut aider à apaiser l’écoanxiété chez les jeunes, surtout lorsqu’on leur offre l’occasion de passer beaucoup de temps en nature. Il faut garder à l’esprit que l’activité physique doit aussi rimer avec le plaisir. C’est la meilleure manière d’en maintenir l’habitude. D’autre part, être en contact étroit avec la nature apporte des bénéfices inégalés sur le plan de la santé mentale. Assurons-nous d’encourager et de favoriser la découverte de ces bienfaits par les jeunes auprès de qui nous jouons un rôle clé. Jardinons avec eux, par exemple, ou donnons-leur l’occasion de vivre des expériences enrichissantes en plein air. Les retombées de ces activités pour la santé physique et mentale, comme pour la santé de la planète, sont incalculables. L’écoanxiété chez les jeunes : un phénomène grandissant

5 | FAVORISER L’ACQUISITION DE SAINES HABITUDES DE VIE.

Efforçons-nous, dès que c’est possible, d’offrir aux jeunes des alternatives aux écrans pour favoriser leurs apprentissages scolaires, comme dans leurs moments de repos ou de loisirs. Accordons de l’importance à leurs habitudes de sommeil et à une saine alimentation. En effet, bien que l’utilisation des écrans comporte de nombreux avantages, ils entraînent aussi certains risques. Ils peuvent conduire à la sédentarité, amputer le temps consacré aux activités physiques ou écourter les nuits. Il importe donc d’atteindre un équilibre numérique et d’établir, avec la participation de l’enfant, des règles d’utilisation claires et surtout constantes afin d’éviter les frustrations.

6 | LES ACCOMPAGNER AVEC HUMILITÉ ET BIENVEILLANCE DANS LEURS EFFORTS POUR COMPRENDRE LE MONDE QUI LES ENTOURE.

Les enfants et les adolescents sont exposés à une multitude de messages et d’images qui peuvent les perturber, sans pour autant qu’ils soient en mesure de bien les interpréter. Le rôle des adultes est d’accompagner les jeunes dans la découverte de leur environnement, dans le plus grand respect possible de leur développement et de leurs besoins de compréhension. Aider les jeunes à effectuer des recherches, en les sensibilisant à la pertinence des différentes sources d’informations, et à développer leur esprit critique est un moyen important de les accompagner dans la gestion de leurs émotions.

7 | LES EXPOSER, SANS MODÉRATION, AUX BONNES NOUVELLES ENVIRONNEMENTALES.

Les initiatives favorables à la santé de la planète se multiplient comme des petits pains! Informonsnous de ces initiatives (dont les exemples regorgent dans les pages de 100° ou Unpointcinq) et faisonsles découvrir aux jeunes. Visitons avec eux des jardins communautaires, des commerces zéro déchet, des friperies, des cuisines où les légumes moches sont revalorisés ou des centres de tri. Organisons des conférences ou des rencontres avec des porteurs de projets inspirants. Faisons part des gains dans les luttes environnementales. Ne ménageons pas nos efforts pour leur faire part des bonnes nouvelles!

8 | SE POSITIONNER EN ALLIÉS DANS LA LUTTE ENVIRONNEMENTALE.

La protection de l’environnement ne devrait pas seulement être l’affaire des jeunes. Partageons les responsabilités, avec équité, entre les générations, en tenant compte des leviers et des besoins développementaux de chacun. Faisons équipe avec les jeunes auprès desquels nous jouons un rôle significatif. Aidons-les à développer leurs capacités d’agir et leur sentiment d’efficacité personnelle. Consultons-les au sujet de leurs préoccupations et accompagnons-les dans la mise en œuvre d’initiatives signifiantes pour eux.

9 | LES AIDER À COMPRENDRE LEUR ÉCOANXIÉTÉ.

Tout en validant leurs émotions, nous pouvons aider les jeunes à prendre conscience de ce qu’ils pensent et ressentent, à identifier les effets de leurs pensées sur leurs émotions. Parmi les stratégies pouvant contribuer à réduire le stress et l’anxiété, les différentes méthodes favorisant la pleine conscience, comme la méditation, sont reconnues pour leurs effets bénéfiques importants. Accueillons nos émotions et celles de nos jeunes avec bienveillance et servons-nous de leurs messages pour relever nos manches et prendre les mesures nécessaires afin d’assurer un avenir sain à tous les êtres vivants de la Terre.

10 | LES ACCOMPAGNER VERS DES RESSOURCES D’AIDE PROFESSIONNELLES LORSQUE L’ANXIÉTÉ OU TOUTE AUTRE FORME DE MAL-ÊTRE DEVIENT ENVAHISSANTE.

Lorsque la souffrance est importante ou lorsque le fonctionnement d’un jeune est perturbé, il importe de lui offrir une aide appropriée. On peut se tourner vers Info-Social 811, le CLSC, les organismes communautaires, etc.

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Pour poursuivre votre lecture sur le sujet, consultez notre dossier spécial « La santé mentale des jeunes : l’affaire de tous », appuyé par les statistiques les plus récentes ainsi que des entrevues avec plusieurs experts. Notre équipe de rédaction y décortique le concept de « santé mentale positive », qui fait l'objet d'un intérêt croissant depuis quelques années. Une attention particulière est également portée à deux problématiques des plus actuelles: l'utilisation des écrans et l'écoanxiété.

Ce dossier spécial invite également les lecteurs à faire connaissance avec trois personnes qui, chacune à leur manière, ont créé des programmes exceptionnels et innovants pour encourager le bon développement et le bien-être des jeunes:

  • Mary Gordon, fondatrice du programme scolaire international Roots of Empathy/Racines de l’empathie
  • Jean-Philippe LeBlanc, fondateur de l'organisme Face au vent et du programme H(être)
  • Martin Dusseault, fondateur et coordonnateur du programme Bien dans mes baskets

Une grande série d'initiatives inspirantes, au Québec ou ailleurs, y sont également présentées pour encourager le passage à l'action, dans les différents milieux de vie.

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