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La colère et le sentiment d’injustice des jeunes face à l’inaction environnementale et à ses impacts présents et futurs sont justifiés. Néanmoins, il est possible de renforcer leur confiance en l’avenir, leur résilience et leur pouvoir d’agir face aux défis complexes de notre monde et à l’évolution vertigineuse de ceux-ci.
D’une part, il y a l’urgence climatique, les guerres et dérives politiques, ainsi que les crises sociales et économiques. D’autre part, il y a le raz de marée du numérique, les médias sociaux et l’intelligence artificielle. Au centre de tout cela, les jeunes sont frappés de plein fouet et émettent des signaux de détresse aussi diversifiés que clairs. De plus en plus, les données qui émergent nous indiquent qu’une proportion grandissante de jeunes, au Québec comme ailleurs, ressent de l’inquiétude et de l’impuissance face à la crise environnementale.
Mais ce n’est pas tout. Si l’on se fie aux résultats d’une vaste étude publiée dans le journal The Lancet Planetary Health, un pourcentage élevé de jeunes à travers le globe se sentiraient trahis, voire abandonnés, par les décideurs du monde entier. De plus, la méfiance envers les gouvernements ou le manque de foi en leur capacité à résoudre la crise environnementale seraient associés à une écoanxiété plus prononcée. Ici même au Québec, une publication récente de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur la santé des jeunes du secondaire révèle qu’un nombre grandissant d’adolescent·e·s se sentent peu soutenu·e·s par leur famille, leur communauté et même leurs ami·e·s.
Que vous soyez éducateur·rice, intervenant·e ou décideur·euse, voici quelques antidotes à la peur et au sentiment d’impuissance éprouvés par les jeunes, afin de mieux les accompagner et de contrer l’inaction face aux défis à relever.
Permettre aux jeunes d’exprimer leur écoanxiété : un premier pas vers la résilience
Selon le Baromètre de l’action climatique réalisé en 2023 par le Groupe de recherche sur la communication marketing climatique de l’Université Laval, près d’une personne sur trois (31 %) déclare être « fatiguée d’entendre parler des changements climatiques ». S’il est vrai qu’un ras-le-bol généralisé face au déferlement quotidien de nouvelles accablantes concernant l’urgence climatique se fait sentir au sein de la population, on entend toutefois peu la voix des jeunes sur la place publique et leurs réactions à ces dernières. En effet, les jeunes ont relativement peu de lieux et d’occasions de s’exprimer librement et d’être entendus en ce qui a trait à leurs préoccupations environnementales ou aux impacts de ces dernières sur eux.
Même si leurs témoignages peuvent être difficiles à entendre et que nous craignons peut-être que leur colère et leur indignation soient dirigées vers nous et nous mettent en cause, donner la parole aux jeunes est un point de départ pour établir un pont avec eux. Puis, afin de les soutenir adéquatement, on peut accueillir leurs réactions et tenter de comprendre leurs besoins en tenant compte de leur vécu, de leur vision, de leurs aspirations et de leur potentiel.
Sachant que, selon les données recueillies par l’ISQ, la proportion d’adolescent·e·s estimant bénéficier d’un faible soutien social a augmenté significativement au Québec entre 2016-2017 et 2022-2023, il devient primordial de les écouter davantage. Simplement leur tendre l’oreille avec bienveillance, les encourager à s’exprimer, accepter d’entendre ce qu’ils et elles ont à dire et légitimer leurs réactions est simple à faire et essentiel.
Cependant, pour que les jeunes s’ouvrent à nous sur des sujets sensibles, il faut d’abord établir avec eux une relation de confiance, de manière à renforcer leur sentiment de sécurité. Cette relation se bâtit à coup d’authenticité, de patience et de constance. Tout en étant clair sur le rôle que nous pouvons jouer auprès d’eux, signifier aux jeunes que nous sommes résolument à leurs côtés représente déjà une puissante forme de soutien.
Favoriser les sentiments de cohérence et d’efficacité par des actions concrètes
Chez certains jeunes ayant une conscience écologique plus aiguë et qui tentent de poser des actions en adéquation avec leurs valeurs, le besoin de cohérence peut être difficile à combler dans un système qui ne facilite pas les choix écoresponsables. Cela pourrait contribuer à effriter leur résilience personnelle et collective.
Ainsi, un accompagnement adapté aux besoins des jeunes visera à renforcer leur sentiment de cohérence. D’abord se connaitre, puis s’engager dans des actions en adéquation avec leurs valeurs, leurs besoins et leurs ressources, pourrait constituer l’une des clés afin de favoriser une bonne capacité d’adaptation des jeunes en contexte d’adversité. Le fait de reconnaitre les limites que posent actuellement les systèmes dans lesquels nous évoluons lorsque vient le temps de faire nos choix individuels fait aussi partie de l’équation.
Nous l’avons dit, les jeunes ressentent bien souvent de l’inquiétude et de l’impuissance face à la complexité, à l’ampleur et à la globalité des problèmes environnementaux, politiques, sociaux et de santé auxquels notre planète est confrontée. Ce sentiment d’impuissance, observé chez de nombreux jeunes face à la crise environnementale, et l’approche souvent individualisante des réponses à celle-ci semble limiter leur sentiment d’efficacité (qu’on appelle aussi le pouvoir d’agir). Pourtant, l’action – efficace de surcroit – est nécessaire pour faire face aux défis actuels, tant sur le plan de la santé et de la résilience des personnes et des populations, que sur le plan de la santé sociale et environnementale.
Plus encore, dans le contexte de la transition socioécologique, il semble que, pour vaincre le sentiment d’impuissance menant à l’inaction, l’action elle-même fasse partie de la solution.
Le faible sentiment d’efficacité chez de nombreux jeunes ne concerne pas uniquement la crise environnementale. Seuls 21% des élèves du secondaire sondés par l’ISQ en 2022-2023 ont la perception d’avoir un niveau élevé d’efficacité personnelle globale. Ce sentiment d’efficacité, ou pouvoir d’agir, est pourtant une pierre angulaire, tant pour le bien-être des personnes et des collectivités que pour le passage à l’action. Ainsi, se sentir efficace favorise l’action, alors qu’agir efficacement accroit à son tour le sentiment d’efficacité.
Renforcer ce sentiment d’efficacité ou ce pouvoir d’agir individuel et collectif des jeunes, en matière de santé mentale et d’environnement, est au cœur des efforts à mener. En effet, les jeunes doivent être soutenus dans leur participation à des actions écocitoyennes pour ainsi développer leurs compétences en la matière et en constater les impacts, tout en nourrissant leurs sentiments de cohérence et d’efficacité.
S’engager dans des initiatives intégrées combinant la justice, la santé, la résilience et la transition socioécologique
La mobilisation des efforts de la communauté autour des jeunes est indispensable à leur bien-être et à leur santé, durement éprouvés ces dernières années. En écho à la crise environnementale, et encore plus dans un contexte postpandémique, la santé psychologique des jeunes se serait globalement détériorée au cours de la dernière décennie. Ainsi, il importe de leur permettre d’expérimenter des environnements et des stratégies favorables à leur santé globale. Un accès de proximité à la nature et des contacts fréquents avec celle-ci figurent parmi les besoins fondamentaux, souvent négligés, auxquels répondre en priorité.
De plus, les stratégies visant à favoriser la santé des jeunes devraient s’inscrire dans une approche inclusive. Il importe de mettre en œuvre des stratégies efficaces pour joindre et soutenir les jeunes en situation ou en contexte de handicap, d’exclusion ou de vulnérabilité. Le but est de permettre à toutes et tous de participer, en tenant compte des caractéristiques et des besoins spécifiques des jeunes de votre milieu et en faisant des efforts soutenus pour établir des ponts avec eux lorsqu’ils sont rompus. Participer à quoi? À fournir, comme nous l’avons déjà énoncé, des réponses aux défis contemporains et aux transformations sociales et écologiques nécessaires, aujourd’hui et dans l’avenir.
De grands acteurs de la transition socioécologique s’entendent actuellement sur le fait que les actions les plus prometteuses sont celles qui s’appuient sur la définition commune d’une vision claire de l’avenir souhaité et des étapes à franchir pour le créer. Ces dernières sont systémiques, collectives et participatives, en plus d’être ancrées dans un territoire donné. Les deux phases du projet Québec ZéN du Front commun pour la transition énergétique, la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité et le projet de Collectivités ZéN, ont mis en lumière ces ingrédients actifs dans leurs démarches de transition socioécologique.
La Boussole de la transition socioécologique, un outil participatif créé par le Campus de la transition écologique, en partenariat avec la Chaire de recherche sur la transition écologique de l’UQAM, peut aussi vous soutenir au moment de définir vos actions. En plus de mettre tous ses outils et guides d’utilisation à la disposition du grand public, ce groupe offre des ateliers à ceux et celles qui voudraient être accompagnés dans leurs réflexions, peu importe l’envergure de leur projet. Par ailleurs, la Boussole climatique nationale autochtone, un projet aux objectifs similaires, réalisé « pour les Autochtones, par les Autochtones », est également en développement.
Écoanxiété et inégalités sociales : devenir des alliés des jeunes
Malgré le fait que les jeunes sont et seront parmi les générations les plus durement frappées par la crise planétaire sans précédent qui se joue, l’action environnementale semble peu accessible ou envisageable pour bon nombre d’entre eux. Qui plus est, les jeunes, en particulier ceux et celles qui cumulent plusieurs facteurs de risque (appartenance à une communauté autochtone, personne racisée, famille moins scolarisée ou à faibles revenus, précarité du statut migratoire, etc.), sont plus vulnérables sur le plan de la santé et des impacts subis en lien avec la crise climatique.
Ainsi, la perte de confiance envers les décideurs et le sentiment d’injustice éprouvé par bon nombre de jeunes semblent justifiés, alors qu’on constate que les problèmes environnementaux touchent en premier lieu et avec force les populations plus vulnérables. De plus, dans un contexte de déclin du pouvoir d’achat, de difficultés d’accès aux services de santé et d’effritement de nombreux filets sociaux, la solidarité est affaiblie et l’exclusion sociale est en hausse.
Ainsi, même à Montréal ou ailleurs au Québec, certaines populations sont beaucoup plus durement touchées que d’autres par les impacts des problèmes environnementaux, notamment par les chaleurs extrêmes de plus en plus fréquentes. Aussi, pour de nombreux jeunes préoccupés par la crise écologique, la détresse vécue peut être importante et même devenir handicapante dans diverses sphères : santé, habitudes de vie, réussite scolaire ou autres.
Enfin, les jeunes ne sont pas tous équitablement entourés et outillés pour faire face à tous ces défis contemporains. Certains individus ou groupes auront davantage besoin d’être soutenus et accompagnés dans le renforcement de leur pouvoir d’agir, en lien avec toutes ces questions.
Quand simplement joindre ces jeunes représente déjà un défi, les épauler dans leurs luttes peut l’être d’autant plus. Néanmoins, en soutenant la participation des personnes, des groupes ou des milieux (territoires, écoles ou autres) où les populations cumulent des facteurs de risque ou de vulnérabilité plus importants dans nos efforts collectifs de transition, il est possible de contribuer à une plus grande équité ou justice sociale en réponse aux problèmes environnementaux.
Miser sur la solidarité, la créativité et l’empathie
Lorsque les jeunes sont inquiets et en colère ou se désaffilient du monde et de l’avenir, la communauté entière est appelée en renfort. Il est important de leur tendre la main et de rétablir les liens brisés, en légitimant leurs sentiments et en devenant leurs alliés. De plus, il est possible et important de renforcer leur résilience et leur capacité d’agir afin qu’ils et elles puissent faire face aux enjeux complexes de l’heure avec confiance, même si cela exige de parfaire nos propres forces et compétences en chemin.
Clairement, détacher nos yeux de nos écrans pour les poser sur eux devient impératif. Les jeunes ont besoin d’être entendus, épaulés, soutenus et accompagnés dans le renforcement de leur pouvoir d’agir, à l’heure des grands défis planétaires. Et c’est tout particulièrement vrai pour ceux et celles qui subissent des injustices plus prononcées ou pour ceux et celles, de plus en plus nombreux semble-t-il, qui tournent le dos à la possibilité d’un avenir heureux ou à l’idée du bien commun.
Pour nos jeunes, répondons présent. Semons et cultivons l’espoir, l’empathie, la créativité et la gentillesse. Ils et elles ont grandement besoin de notre solidarité afin de réaliser leur grand potentiel et de façonner, à leur tour, le monde de demain.
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