Propriété du gouvernement du Québec depuis 1975, l’île Sainte-Thérèse est située entre les rives de Pointe-aux-Trembles et de Varennes et s’allonge même jusqu’à la pointe de Repentigny. Ce territoire de 5,4 km², soit 36 fois la superficie du parc du Mont-Royal, est administrativement rattaché à la Ville de Varennes.

Lieu de passage pour les Autochtones, puis seigneurie à partir de 1672, l’île a déjà été entièrement boisée. Les chênes qui la peuplaient ont toutefois été coupés et expédiés en Europe pour y construire des bateaux, ce qui a progressivement transformé l’île en territoire agricole.

Des dizaines de milliers de citoyens ont fréquenté les plages de l’île jusqu’aux années 1950, mais la pollution causée par construction de l’usine d’épuration de Rivière-des-Prairies a mis fin à la baignade. L’agriculture s’est estompée au fil du temps, laissant la plus grande partie de l’île à l’abandon. Il reste aujourd’hui, un seul agriculteur qui cultive sa terre, ainsi que des parcelles qu’il loue au ministère des Ressources naturelles et des Forêts.

La SNAP Québec cherche notamment à protéger des terres publiques dans le sud du Québec et à proximité des populations. À ce titre, l’île Sainte-Thérèse était une candidate idéale. Comme l’explique Benoit Tendeng, biologiste et responsable en conservation urbaine à la SNAP Québec, il s’agit d’un des rares espaces publics d’envergure disponibles dans le Grand Montréal. De plus, l’île, dont la biodiversité est exceptionnelle, est en grand besoin de protection et de renaturalisation. En 2021, Canards Illimités y a notamment finalisé la restauration d’une série d’étangs qui accueillent une riche faune aviaire.

« Toutefois, nuance le biologiste, les rives du côté de Varennes sont sujettes à une forte érosion causée, entre autres, par les navires qui empruntent la voie navigable. Et plusieurs secteurs sont colonisés par le phragmite, une plante exotique envahissante qui a des effets néfastes sur la végétation et la faune indigènes. La plantation d’arbres contribuera à atténuer ces deux problèmes, tout en créant des habitats supplémentaires susceptibles d’attirer d’autres espèces animales. »

« L’emplacement de l’île est également très stratégique, poursuit-il. L’est de Montréal est en déficit d’espaces verts et les activités industrielles y causent une pollution importante, notamment de l’air. Ces 100 000 arbres vont créer un véritable poumon dans ce secteur, ainsi qu’un vaste îlot de fraicheur. »  Autre avantage : cette plantation massive contribuera à l’enrichissement de la Trame verte et bleue de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

Tous les éléments de ce projet complexe, amorcé par la SNAP Québec en 2018, sont tombés en place au fur et à mesure de son élaboration explique le biologiste et ingénieur forestier de formation. « Le ministère des Ressources naturelles et des Forêts a accepté d’aller de l’avant avec la protection de l’île et les élus et les citoyens de la Ville de Varennes se sont montrés très intéressés, car la volonté d’assurer la protection et la mise en valeur de l’île est présente depuis au moins 10 ans. En 2019, nous avons d’ailleurs organisé un forum citoyen sur l’avenir de l’île Sainte-Thérèse à Varennes. »

Plusieurs partenaires, notamment le gouvernement fédéral (programme 2 milliards d’arbres) et la coopérative de solidarité Arbre-Évolution (Programme de Reboisement Social) ont accepté de financer le projet pilote qui a permis de planter 5 000 arbres en 2021.

Cette première plantation, à laquelle ont participé près de 300 bénévoles, s’est avérée un succès. Le financement fédéral est maintenant assuré jusqu’en 2030, à raison de 50 % des coûts de la plantation de 10 000 arbres par an. La Ville de Varennes, l’arrondissement Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, la Fondation du Grand Montréal et One Tree Planted soutiennent également ce vaste projet, en nature ou en espèces. « Quelques partenaires sont en passe de s’ajouter, et ceci, pour le long terme », fait savoir Benoit Tendeng.

Le biologiste est habitué à la perplexité suscitée par l’envergure du projet, mais assure que le l’objectif est réaliste. « La plantation de 2022 a permis de mettre 10 000 arbres en terre et ce nombre pourrait atteindre 11 000 certaines années. »

Il faut dire que la SNAP Québec a trouvé en Arbre-Évolution un prestataire de services dont les compétences multiples cadrent parfaitement avec la réalisation de cet ambitieux projet. « Leur grande expertise, non seulement au chapitre de la plantation, mais aussi en matière de mobilisation et d’encadrement des bénévoles, est une combinaison gagnante pour nous », fait valoir Benoit Tendeng.

Grâce à un solide réseau, Arbre-Évolution a en effet la capacité de mobiliser des écoliers et des employés de diverses institutions et entreprises qui viennent participer à la plantation de façon bénévole. La coopérative, qui agit désormais à titre de partenaire contributeur au projet par le biais de son service de Renaturalisation, se charge également de l’achat et de la livraison des plants et du matériel de plantation.

Du côté de la mobilisation, la SNAP Québec peut également compter sur les services de communication de la Ville de Varennes et de l’arrondissement Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. « Un formulaire facilite l’inscription, et les citoyens répondent en masse », se réjouit Benoit Tendeng. 

Comme l’île n’est accessible que par bateau, la préparation des plantations, qui ont lieu au printemps et à l’automne, implique toute une logistique. Benoit Tendeng retient donc les services de la compagnie maritime Navark pour le transport des passagers et ceux de Montréal Boatmen, qui assure le transport des arbres, du matériel de plantation, des toilettes chimiques, des véhicules de service, etc. Une vidéo de 8 minutes illustre bien le travail accompli : Île Sainte-Thérèse : un nouveau poumon pour l’est de Montréal.

« À partir de Pointe-aux-Trembles, où se trouve le seul quai qui permet d’accéder facilement à l’île, la traversée des bénévoles dure de 3 à 5 minutes, mais environ 30 minutes à partir de Varennes, puisqu’il faut faire le tour de l’île », précise Benoit Tendeng.

Il ajoute que le quai utilisé pour les opérations de la SNAP Québec est situé sur la terre de M. Étienne Lamoureux, l’unique agriculteur encore actif de l’île. « C’est un allié essentiel, car non seulement il nous autorise à accoster sur sa propriété, mais, avec sa machinerie agricole, il facilite le débarquement du matériel et prépare le terrain en fauchant la végétation. Ce travail, indispensable aux déplacements sur l’île et à la plantation, représente un soutien en nature assez considérable ! »

L’éradication du phragmite constitue un autre défi. Les peuplements de cette plante exotique font concurrence à la végétation indigène et gênent l’utilisation du territoire par la faune, ce qui entraîne une diminution des biodiversités végétale et animale. « Là où le phragmite progresse, nous allons planter des arbres à croissance rapide qui, d’ici quelques années, vont l’étouffer en le privant de lumière, explique le biologiste. En collaboration avec des chercheurs universitaires, nous aurons recours à des méthodes complémentaires pour arriver à nos fins. »

Le reboisement massif de l’île est un préalable à l’aménagement d’un parc écotouristique dont la Ville de Varennes, notamment, rêve depuis longtemps. En 2021, la CMM a annoncé le financement d’un plan directeur qui définira les aménagements et usages prévus pour ce parc, dont la première fonction serait de protéger l’île, tout en offrant à la population des infrastructures et des activités de plein air à faible impact. De plus, à l’occasion de la COP15, en décembre 2022, elle a confirmé que l’île Sainte-Thérèse serait classée milieu naturel protégé et bientôt aménagée en parc métropolitain écotouristique, donc à l’abri de tout développement immobilier. Le plan directeur devrait être dévoilé prochainement selon Benoit Tendeng.

L’île est riche de son écosystème naturel, mais aussi de son histoire, et tous ces aspects seront mis en valeur. Sur le plan archéologique, des artéfacts témoignent notamment de l’utilisation de l’île par les Premières Nations et de l’occupation coloniale par les Français et les Anglais. « La vocation agricole sera également préservée sous une forme éducative et scientifique, dans le but de sensibiliser les jeunes et d’offrir un lieu d’enseignement et d’expérimentation en agriculture biologique et urbaine », rapporte Benoit Tendeng, en soulignant que M. Étienne Lamoureux est très favorable à ce type d’aménagement.

Les astres sont donc bien alignés pour assurer la protection et une mise en valeur écoresponsable de l’île. L’avenir nous dira si la baignade y sera de nouveau possible.

Toutes les photos montrant les bénévoles en action ont été gracieusement fournies par la SNAP Québec

Consultez les articles suivants :

• Les microforêts: nouvelle tendance en verdissement urbain
• 5 bonnes raisons d’aménager encore plus de parcs et d’espaces verts
• Planter 80 000 arbres aux quatre coins du Québec pour séquestrer du carbone? Arbre-Évolution sait comment faire!