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À ce jour, le Programme de Reboisement Social, une initiative unique de séquestration du carbone, a financé des plantations dans plus de 200 collectivités au Québec, au nom de plus de 100 bailleurs de fonds. Entrevue avec Julien Hamelin-Lalonde, chargé de projets en chef chez Arbre-Évolution.
Un peu de contexte. La Coopérative de solidarité Arbre-Évolution a débuté ses activités en 2010, à L’Islet, dans Chaudière-Appalaches. Spécialisée en solutions de compensation carbone, ainsi qu’en restauration des écosystèmes et aménagements comestibles, elle accorde également beaucoup d’importance à l’écoéducation. En 2022, après 10 ans d’existence, le Programme de Reboisement Social a permis de planter près de 80 000 arbres et plus de 15 000 arbustes. Regard sur une initiative qui mise autant sur l’expertise en reboisement et l’innovation numérique que sur une forme de solidarité entre l’humain et la nature.
Comment fonctionne le Programme Reboisement Social ?
Nous offrons aux entreprises et aux organisations une façon fiable et validée de compenser, en tout ou en partie, leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) en plantant, en leur nom, des arbres dans différentes collectivités au Québec.
Depuis quelques années, plusieurs de nos commanditaires ne cherchent toutefois pas à acheter des crédits carbone, mais souhaitent financer des projets de verdissement ou de reboisement. Dans ce cas, nous disposons de plus de flexibilité et plantons des arbres et des arbustes. En effet, même si ceux-ci ne deviennent pas assez gros pour contribuer de façon significative à la séquestration du carbone à long terme, ils améliorent les écosystèmes et la qualité de vie des citoyens. Actuellement, sur les quelque 20 000 végétaux mis en terre chaque année, de 25 à 30 % sont des arbustes.
Vous lancez deux appels de projets par année. Qui peut y répondre ?
Dans 95 % des cas, ce sont des municipalités ou des villes qui y répondent, même s’ils sont également ouverts aux écoles, aux commissions scolaires, aux associations de riverains, aux fiducies foncières, etc. Nous pouvons, en effet, reboiser une grande variété de terrains publics : espaces en friche, parcs gazonnés, cours d’école, boisés communautaires, zones de conservation, terrains vagues, etc. Nous plantons aussi des haies brise-vent le long des pistes cyclables et des bandes riveraines.
En 2022, par exemple, dans le cadre d’un projet soumis par la Société de Conservation des Îles-de-la-Madeleine, nous avons mis 450 végétaux en terre.
Nous avons réalisé des projets aux quatre coins du Québec, de Forestville à Alma, en passant par Lac-des-Écorces, Contrecœur et l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Nous sommes allés plusieurs fois dans certaines municipalités comme Saint-Constant et Saint-Lambert. Notre plus gros projet à ce jour est celui de l’Île-Sainte-Thérèse qui est située entre Varennes et Pointe-aux-Trembles. Nous y avons planté 5 000 arbres et arbrisseaux en 2021, dans le cadre d’une collaboration avec le chapitre québécois de la Société pour la Nature et les Parcs du Canada.
Quels sont vos critères de sélection ?
Le projet soumis doit inclure la plantation d’au moins 150 arbres et avoir des impacts favorables sur la communauté et son environnement. Avant de donner notre aval, nos professionnels effectuent une visite de caractérisation du site afin d’établir la faisabilité du projet et son impact sociocommunautaire réel.
Nous vérifions également si la municipalité est en mesure de s’impliquer financièrement et de quelle façon elle peut faciliter notre travail au moment de la plantation, par exemple, en fournissant du compost, des tuteurs, des pelles, de l’eau pour l’arrosage, etc. En cas de sol compacté, la municipalité se charge de l’ameublir avec sa machinerie pour faciliter notre travail. Nous demandons également qu’au moins un employé responsable de l’entretien soit sur place au moment de la visite de caractérisation des parcelles.
Enfin, il est essentiel que des citoyens participent à la reforestation et à l’embellissement de leur communauté. Nous encourageons donc la mobilisation d’élèves des écoles locales, de jeunes des Carrefours jeunesse-emploi, ou encore des membres de clubs d’horticulture ou de groupes d’aînés. Plusieurs partenaires financiers participent également aux plantations. Ceci permet d’enraciner l’initiative de reboisement dans le milieu et permet de développer un sentiment d’appartenance.
Une fois le projet accepté, est-ce que Programme de Reboisement Social prend tout en charge ?
Presque ! Le programme encadre et finance toutes les étapes du projet, comme la caractérisation du site, la rédaction du plan de reboisement, ainsi que la plantation. Cette dernière inclut la main-d’œuvre qualifiée, le fertilisant racinaire, le paillis et les protecteurs antirongeurs ou anticervidés. Le programme fournit les arbres et arbustes mesurant de 30 cm à 60 cm de haut. Lorsqu’une municipalité souhaite planter des spécimens plus grands, elle paye la différence de coût. Notre prestation inclut la mise en ligne d’une page Web dédiée au projet avec photos, un soutien professionnel après la mise en terre et un suivi de la plantation sur 50 ans.
Comment se déroule ce suivi ?
Les municipalités ont en main notre Guide des bonnes pratiques d’entretien pour une gestion durable des plantations et peuvent nous joindre si des problèmes surviennent. Nous envoyons chaque année un courriel automatisé de rappel d’entretien au responsable du projet, afin d’impliquer la municipalité dans la surveillance et l’optimisation de la croissance des végétaux. Nous invitons le responsable à nous contacter, même si tout va bien. Certains le font avec beaucoup d’enthousiasme !
Ensuite, selon le cas, nous effectuons un suivi sur place, au plus tôt deux ans après la plantation ou, au plus tard, cinq après. Nous vérifions si les végétaux sont en bonne santé et s’ils s’enracinent bien. Si le taux de survie est inférieur à 80 % à cause de phénomènes naturels, comme une sécheresse, une inondation ou des rongeurs, nous replantons pour revenir à 100 % du projet initial.
Par la suite, nous appliquons le protocole « Suivis, surveillance et vérification basée sur la communauté (SSVC) ». Notre logiciel Wiki, propre à notre organisation, nous permet de tenir un registre très détaillé de nos plantations : les parcelles sont identifiées séparément et géoréférencées, les essences d’arbres plantées sont dûment répertoriées, ainsi que leur nombre et leur taille, etc. C’est un exercice de transparence essentiel au maintien du rapport de confiance entre nous et nos partenaires financiers. Une version publique et vulgarisée de cette base de données peut être consultée en ligne. C’est ce logiciel qui gère le calendrier de rappels automatisés sur 50 ans.
De plus, depuis 2021, sur chaque parcelle de plantation accessible, Arbre-Évolution fixe une pancarte en acier munie d’un code QR, ce qui permet aux citoyens de communiquer plus facilement avec Arbre-Évolution pour signaler des problèmes, par exemple en nous envoyant des photos, ce qui optimise le suivi.
Quels sont les engagements des municipalités ?
L’entente-cadre qu’elles signent comporte plusieurs points essentiels au respect de nos engagements auprès des bailleurs de fonds en matière de compensation de carbone ou d’amélioration à long terme des milieux de vie. Par exemple, durant les 50 ans qui suivent la plantation, les municipalités s’engagent à ne pas couper les arbres et à faire le maximum d’effort pour limiter la mortalité occasionnée par les humains, comme le piétinement, le manque de protection ou le manque d’entretien.
Nous réalisons des plantations faciles d’entretien, parce que notre objectif est de planter le bon arbre au bon endroit en fonction des caractéristiques spécifiques à chaque site. Et, même si nous tenons compte de la largeur de la machinerie municipale pour déterminer l’espacement entre les rangées de végétaux, une intervention humaine est nécessaire pour optimiser la survie des végétaux.
Ainsi, les municipalités s’engagent, par exemple, à maintenir un paillis au pied des arbres jusqu’à ce qu’ils atteignent 3 pi de hauteur, à arroser en cas de besoin ou encore à faucher certaines parcelles. Si la mortalité de cause humaine dépasse le seuil de 20 %, la replantation à hauteur de 100 % du projet initial se fait à leurs frais.
Vous avez déjà plus de 200 projets à votre actif. Est-ce que votre carnet de commandes est complet pour 2023 ?
Non, mais notre appel de projets printanier est ouvert jusqu’au 24 mars. Nous devrions planter autour de 20 000 arbres et arbustes cette année. Nous avons de la difficulté à répondre à la demande, car nous devons aussi nous concentrer sur les suivis et les replantations, qui font partie intégrante du programme. Nos autres programmes sont aussi très populaires : Arbre-Évolution compte maintenant 26 membres travailleurs ou producteurs, dont 17 ont été embauchés entre 2019 et 2022 !
Qui sont vos partenaires financiers ?
Il s’agit d’entreprises ou d’organisations œuvrant dans des secteurs très diversifiés ! Parmi la centaine d’entre eux, on compte, par exemple, Le Grand-Prix de Trois-Rivières, la Fondation des Cowboys Fringants, le Groupe Marie-Claire et la Fédération Québécoise des Clubs Quads, mais aussi des commerçants locaux, des cégeps, ainsi que la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Autre exemple : le groupe de musique traditionnel Vent du Nord, qui fait des tournées partout dans le monde, s’est joint à nous en 2019 dans le but de compenser les émissions de GES générées par ses nombreux déplacements en avion. Depuis, nous avons planté 1200 arbres en leur nom dans cinq communautés du Québec.
Tous nos partenaires nous font confiance en raison de notre longue expertise dans le domaine du reboisement. Notre réputation repose également sur le fait que notre modèle compensatoire est validé par la COOP Carbone et que nous sommes parrainés par le Forest Stewardship Council (FSC) du Canada.
Qu’est-ce qui vous distingue d’autres programmes de compensation carbone ?
Ce qui nous caractérise, c’est de réaliser des projets à échelle humaine aux quatre coins de la province, dont les résultats positifs sont visibles et concrets. Et de le faire grâce à des entreprises ou organisations québécoises. Par exemple, le fabricant de mobilier contemporain À Hauteur d’homme utilise notre programme pour faire planter en son nom 10 fois plus d’arbres qu’il en utilise annuellement.
Autre exemple : en 2017, 350 arbres ont été plantés Saint-Patrice-de-Beaurivage au nom du Réseau québécois des Villes et villages en santé, dans le but de compenser l’empreinte carbone de son colloque international qui avait eu lieu en novembre 2016 à Montréal.
Du côté des projets d’embellissement et de renaturalisation, nous avons planté 3 000 végétaux à Verchères en 2022, dont 9 arbres au CPE Petit à Petit, afin de créer des zones d’ombre pour les enfants et d’amener de la biodiversité. Notre mission ne se limite pas à la compensation carbone, elle vise aussi à améliorer les milieux de vie et à susciter une véritable écocitoyenneté !
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