Santé et société

L’omniprésence des écrans dans nos vies

L’omniprésence des écrans dans nos vies

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Les écrans sont partout ! Partout autour de nous et en permanence avec nous. S’ils sont devenus des outils de travail indispensables pour bien des gens, ils ont aussi envahi la sphère de nos loisirs. En fait, ils sont littéralement en train de remodeler nos vies, tant sur le plan professionnel que personnel. Pour le meilleur et pour le pire.

Dans le cadre du 2e Sommet de la santé durable, organisé par l’Association pour la santé publique du Québec, le président-directeur général de Capsana, Guy Desrosiers, a prononcé une allocution bien sentie sur la multiplication des écrans et de leurs usages dans nos vies. Dans le but d’approfondir ces questions, 100º s’est entretenu avec lui.
 
Guy Desrosiers place ses réflexions sur les technologies de l’information dans l’optique de la santé durable. Ce que l’on appelle aussi : Une seule santé. Car l’omniprésence des écrans interfère sur de nombreuses facettes de notre existence : physique, psychologique, émotionnelle, culturelle, économique, démocratique, environnementale… Or, si les appareils électroniques nous sont très utiles, on ne doit surtout pas ignorer leurs effets délétères.

Temps d'écran

Les méfaits des écrans

« En matière de démocratie, explique Guy Desrosiers, on sait que les technologies de persuasion ont désormais acquis la capacité de prédire et d’influencer nos actions. Par exemple, une fausse information circule 6 fois plus rapidement dans les réseaux sociaux qu’une nouvelle avérée. »
 
« Sur le plan de la culture, poursuit-il, on peut certes se réjouir que nos artistes bénéficient d’une exposition planétaire. Mais l’inverse est tout aussi vrai, inondés que nous sommes par les produits de l’anglosphère, ce qui risque de conduire à la dilution de notre culture. »
 
Évidemment, ces technologies disruptives entraînent aussi des mutations considérables dans nos économies et donc le monde du travail. Que l’on songe au modèle Uberéconomique, connu sous l’euphémisme d’économie du partage, ou de la délocalisation, sans bien sûr oublier l’intelligence artificielle qui menace de bouleverser ou de remplacer bien des emplois.
 
En ce qui concerne la santé humaine, les écrans ont des impacts sur le plan physique, par exemple, avec la prévalence du télétravail et du magasinage en ligne qui contribuent davantage à la sédentarité. Mais leurs effets se font aussi sentir sur le plan mental en raison du stress lié au travail : ce fameux enjeu de déconnexion, alors que la limite entre le personnel et le professionnel devient toujours plus floue. D’ailleurs, selon un sondage de Capsana, 70 % des utilisateurs souhaiteraient diminuer leur temps d’écran.
 
« Enfin, au chapitre de l’environnement, Guy Desrosiers rappelle que l’industrie des technologies est une championne de l’obsolescence programmée. Les nouveaux modèles, toujours plus performants, se succèdent à un rythme affolant. Or, 75 % des appareils, devenus caducs, sont tout simplement jetés, même s’ils contiennent des métaux rares et précieux. Ajoutons enfin que la consommation énergétique de tous ces appareils équivaut à celle d’un pays comme la France ». 

Temps d'écran

Au pays de géants

« On compte 5,2 milliards d’internaute dans le monde, souligne Guy Desrosiers. De ce nombre, 5 milliards de personnes sont connectées sur les médias sociaux et 82 % d’entre elles sont des adeptes de jeux vidéo, soit plus de 4 milliards. Et tout ce beau monde se retrouve entre les mains des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). »
 
« Le problème, enchaîne-t-il, c’est que le modèle d’affaires de ces géants repose sur l’économie de l’attention. Ils ne cessent d’ailleurs de développer de nouvelles stratégies de rétention : notifications, reconnaissance/gambling, algorithmes, chambres d’écho, démarrage automatique, personnalisation, avant-première… Et c’est pour capter notre attention le plus longtemps possible. Car plus ils ont de citoyens à l’écoute, plus leurs spots publicitaires prennent de la valeur. Et plus ils sont en mesure de colliger de l’information sur nous. »
 
À titre d’exemple, il mentionne la compagnie Axiom, basée au Royaume-Uni, qui se targue de détenir de l’information à propos 2,5 milliards d’individus sur terre, avec 30 000 points de données par personne !

Temps d'écran

Dépendance comportementale

À l’instar des compagnies de tabac ou de l’industrie de la malbouffe, les GAFAM ne cessent de raffiner leurs tactiques pour nous rendre toujours plus dépendants de leurs produits. « Les GAFAM sont toutefois immensément plus puissants que les cigarettières ou les géants de l’agroalimentaire, s’inquiète Guy Desrosiers. Et ils jouissent d’un avantage considérable : leurs produits et solutions sont omniprésents. Ils nous suivent partout. Ils sont accessibles 24 heures sur 24. »
 
« C’est ce qui rend si complexe ce phénomène de “dépendance comportementale”, à la différence de la “dépendance aux substances”. Pas besoin d’aller au dépanneur pour acheter son paquet de cigarettes. Ces technologies, elles nous accompagnent tout le temps. Et, en plus, comme nous en avons besoin, on ne peut pas s’en passer. C’est ça le problème. On dit souvent qu’en dépendance, la solution c’est l’abstinence. Mais dans le cas de dépendance comportementale aux écrans, l’abstinence n’est pas une solution, ce qui rend les stratégies d’intervention d’autant plus délicates. »

Temps d'écran

L’urgence d’encadrer les nouvelles technologies

L’appétit des géants du web pour la conquête de nouveaux marchés est insatiable. Et leur influence est à la hauteur de leurs moyens. « Si on combinait les valeurs respectives des grands joueurs de l’industrie, souligne Guy Desrosiers, on se retrouverait avec la 4e ou 3e puissance économique mondiale ! »
 
Et pour protéger leur chasse gardée contre toute tentative de réglementation, ces géants se sont regroupés au sein de NetChoice en brandissant l’étendard de la liberté de choix et d’expression. Ils prétendent d’ailleurs n’offrir que des solutions neutres. Car c’est ensuite aux individus que revient la responsabilité de s’autodiscipliner.
 
Soucieux de sa réputation, l’industrie multiplie les gestes pour redorer son blason. « Elle vient par exemple d’obtenir une caution du monde olympique, fait remarquer Guy Desrosiers, avec son Olympic Esports Week. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard puisque les GAFAM sont désormais les plus gros commanditaires des Jeux olympiques, prenant ainsi la relève de Coke et McDonald… »
 
Sinon, ils se donnent bonne presse en prétendant pouvoir filtrer eux-mêmes les messages que véhiculent leurs plateformes grâce à l’IA. Autrement dit, ils nous demandent de leur faire confiance, puisqu’ils prétendent avoir la capacité de s’autoréglementer. Car, bien sûr, ils refusent systématiquement d’être encadrés par des entités étatiques.
 
Les choses sont toutefois en train de bouger, nous apprend Guy Desrosiers. Meta (Facebook) est présentement poursuivi par 42 États américains. Dans ce même pays, un groupe non partisan d’une cinquantaine de sénateurs porte à bout de bras le Kids Online Safety Acts. Certains pays tentent de mieux encadrer les médias sociaux, comme l’Irlande, qui tente d’adopter une loi sur le contrôle des discours haineux et violents, ce à quoi s’oppose fermement Elon Musk. On compte aussi 136 pays dans le monde qui cherchent à s’entendre pour imposer un impôt minimum à ces compagnies qui font des milliards et des milliards sur leurs territoires, à partir de la Silicon Valley. Ce à quoi s’opposent les États-Unis…

Temps d'écran

À l’heure actuelle, les gouvernements tirent de l’arrière. Les développements de l’industrie sont si rapides qu’ils n’arrivent pas à les encadrer. Pourtant, rappelle Guy Desrosiers, qui invoque la Charte d’Ottawa, les gouvernements ont la responsabilité, dans leurs interventions en politiques publiques et dans leurs modèles d’action en santé, de prendre en considération les répercussions de la transformation numérique en matière d’inégalités et d’externalités.
 
« En attendant, il faut éduquer, sensibiliser les gens, leur donner des trucs, les aider à se déconnecter. Chez Capsana, nous avons pris conscience de ces enjeux en 2013 et, en 2018, nous lancions Pause, une initiative sociétale pour guider notamment les milieux de l’éducation et de la petite enfance, en leur offrant des recommandations sur les meilleurs usages, sur la détection précoce, etc. »
 
D’autres initiatives, nées en même temps que Pause, existent au Québec, comme les interventions de la Maison Jean-Lapointe en milieu scolaire, ou encore l’initiative CIEL. On peut aussi mentionner, aux États-Unis, Game Quitters ainsi que Screenagers, qui, comme leurs contreparties québécoises, travaillent à sensibiliser les individus aux méfaits potentiels des écrans.
 
« C’est un vaste sujet qu’il faut voir dans son entièreté pour saisir l’urgence d’agir, insiste Guy Desrosiers. Et il ne faut pas croire que ce sont uniquement les jeunes qui sont à risque. Sinon, on ne comprendra pas les racines du problème. De ce contrôle insidieux qui s’installe progressivement dans nos vies et nos sociétés. Et de se doter d’une solide littératie numérique afin de conserver un esprit critique à l’égard des nouvelles, souvent fausses, qui circulent dans les médias sociaux, et depuis peu des hypertrucages. »
 
Trop souvent, les gens confondent plateformes de diffusion et sources d’information. Ce qui compte, ce n’est pas où on l’a vu, mais d’où ça vient, réellement.
 
 
L’évolution de ces technologies se fait plus rapidement que la capacité de nos sociétés à les encadrer. Car c’est le propre des technologies disruptives de se déployer dans des zones grises juridiques que les législateurs n’étaient pas en mesure de prévoir. « Or, avec l’IA, prévient Guy Desrosiers, la situation devient encore plus inquiétante, car comment encadrer une entité qui risque de rapidement devenir plus intelligente que nous ?
 
En attendant, Guy Desrosiers nous invite à la prudence et nous suggère d’adhérer aux cinq principes énoncés par le Center for human technology. Principes que, non sans malice, il a soumis à ChatGPT pour qu’il les résume en quelques mots :

  • Humain d’abord
  • Responsabilité éthique
  • Diversité et inclusion
  • Autonomie et émancipation
  • Transparence
     
    Outre ces 11 mots, ce texte a été rédigé sans l’aide de l’IA.

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