Mobilité durable

Rue-école : sécurité, mobilité active et convivialité au programme

Rue-école : sécurité, mobilité active et convivialité au programme

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Des enfants qui jouent dans la rue, des parents qui prennent le temps de jaser et des automobilistes qui roulent au pas. Voilà à quoi ont ressemblé cinq mercredis matins, cet automne, devant l’école Dollard-des-Ormeaux, à Montréal. Voici comment une maman engagée a su mobiliser sa communauté autour d’un projet de rue-école.

L’école primaire Dollard-des-Ormeaux, DDO pour les intimes, est située dans l’arrondissement Sud-Ouest, dans le quartier de Ville-Émard. Dans les deux rues qui la bordent, les automobilistes font souvent fi de la sécurité des jeunes piétons et cyclistes au moment où ceux-ci arrivent le matin et repartent l’après-midi.


En mars 2022, Nahoé Tardif, maman de deux garçons qui fréquentent l’établissement, a décidé de passer à l’action. « Je travaille pour le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), qui a mené trois projets-pilotes de rue-école en 2021 et 2022 et ça m’a donné envie de tâter le terrain dans mon quartier, explique-t-elle. Bien sûr, la proximité de mes collègues de travail m’a facilité la tâche, mais je tiens à préciser que j’ai fait cette démarche de façon entièrement bénévole. »

Rue-école

Définition d’une rue-école

Il s’agit de fermer, pendant 30 à 60 minutes, la circulation automobile sur un tronçon de rue situé aux abords immédiats d’une école, avant et après les classes. Objectif : créer un environnement convivial et sécuritaire afin de favoriser la mobilité indépendante et active des plus jeunes et rassurer les parents qui amènent leur enfant à l’école. Ils sont invités à se stationner à proximité de la rue fermée afin que l’enfant termine le trajet à pied, seul ou accompagné, dans un cadre sécuritaire grâce à la présence des bénévoles.


Le CEUM a mené trois projets-pilotes de ce genre dans trois écoles primaires de Montréal :

Rue-école

Premier partenaire à contacter : l’école

Comme le détaille bien la Boîte à outils conçue par le CEUM, la mise en place d’une rue-école repose sur un processus participatif impliquant la municipalité, le personnel de l’école, les enfants et les parents, ainsi que les acteurs du milieu.


En mars 2022, Nahoé Tardif a présenté le concept de rue-école à l’Organisme de participation des parents (OPP), puis au Conseil d’établissement (CÉ) de l’école DDO. Ceux-ci se sont montrés très intéressés. « La sécurité des enfants est un sujet qui revient très souvent dans nos réunions, souligne Nathalie Belley, présidente du CÉ. L’aspect mobilité active des jeunes, ainsi que la possibilité, pour eux et leurs parents, de s’approprier la rue ont également beaucoup plu aux membres du CÉ. »


C’est d’ailleurs Nathalie Belley qui a relancé Nahoé Tardif à la rentrée 2022-2023 pour l’encourager à aller de l’avant et qui a soumis un sondage sur la page Facebook de l’école. Les parents se sont montrés très favorables à l’initiative. « Le soutien du CÉ a été précieux ! » dit Nahoé.

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Anne-Marie Sigouin, conseillère d’arrondissement - Nahoé Tardif, organisatrice bénévole - Catherine Tcherneva , cheffe de division mobilité - Abdelghani Kacel, agent technique en circulation et stationnement

Deuxième étape de la rue-école : l’arrondissement et le poste de police

De novembre 2022 à février 2023, Nahoé a cherché des alliés. « La conseillère d’arrondissement Anne-Marie Sigouin a très bien accueilli le projet, relate-t-elle. Une proposition détaillée, rédigée avec le soutien de l’OPP, et approuvée par le CÉ, a été transmise à l’arrondissement en mars 2023. »


Mais, en avril, le poste de quartier a émis un avis défavorable en évoquant un danger lié à la potentielle utilisation d’une voiture-bélier. L’arrondissement s’est cependant montré proactif. « Un projet révisé a été présenté aux services d’urgence par le directeur de l’urbanisme et la cheffe de division mobilité de l’arrondissement, indique Nahoé. Il a été accepté à condition qu’une seule des rues soit fermée, soit celle qui donne sur l’entrée principale de l’école, et qu’une auto soit stationnée derrière les barrières de sécurité placées à chaque extrémité du tronçon fermé à la circulation. »

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Une bénévole escorte une auto au pas

Avis favorable des riverains sur la rue-école

L’arrondissement a ensuite demandé de documenter l’approbation des riverains. Nahoé a fait du porte-à-porte avec son conjoint. « Nous avons parlé à 35 personnes sur les 95 portes de la rue : 31 personnes se sont montrées favorables, 2 personnes neutres et 2 personnes ont émis des réserves, détaille-t-elle. Nous avons laissé un document décrivant le projet dans les boîtes aux lettres des autres personnes, avec une adresse courriel, mais n’avons pas reçu de commentaires. » 


Fort de ces résultats, le conseil d’arrondissement du Sud-Ouest a officiellement approuvé le projet, et le service des travaux publics a livré les barrières de sécurité (dites aussi « anti-émeute » ou « Mills »). L’école, le service de garde, les enfants et les parents ont ensuite été avisés.

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Recruter des bénévoles

Nahoé avait pris un peu d’avance en recrutant des bénévoles dans son entourage et en créant un groupe sur Messenger. « Je leur ai envoyé à l'avance un document décrivant leur rôle, fourni par le CEUM, qui a également donné une formation sur place, 15 minutes avant la première édition. Nous avons besoin d’au moins six bénévoles pour le bon déroulement de chacun des événements, et sept c’est encore mieux. »

Concrètement, pendant 30 minutes le matin et l’après-midi, deux bénévoles sont en poste à chaque extrémité de la rue, pour ouvrir les barrières lorsqu’un riverain ou un livreur circule en auto. Les deux autres les accompagnent au pas jusqu’au bout de la rue Dumas, qui est à sens unique.

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Alain Vaillancourt, conseiller de la Ville – Benoit Dorais, maire de l’arrondissement du Sud-ouest - Anne-Marie Sigouin, conseillère d’arrondissement - Mikael St-Pierre et Manuel Moreau, du CEUM, flanqués de deux bénévoles dont Françoise Ruby.

Première édition de la rue-école

Il y avait de l’excitation dans l’air le 7 juin au matin. Des élus et des employés de l’arrondissement étaient présents, ainsi qu’un constable du poste de quartier. Mikael St-Pierre et Manuel Moreau représentaient le CEUM. Les bénévoles portaient fièrement leurs dossards orange affichant les logos de l’École de santé publique de l’université de Montréal et du CEUM.


« Bien sûr, il y a eu un peu de confusion et de frustration pour les automobilistes qui voulaient emprunter la rue, mais somme toute, ils ont bien réagi lorsqu’on leur a expliqué le but de la rue-école, relate Nahoé. Toutefois, une chauffeuse d’autobus scolaire n’a vraiment pas apprécié, car elle n’avait pas été prévenue. »


Les parents et les enfants ont été un peu timides ce matin-là, peu habitués à prendre possession de la rue, mais les explications et les encouragements des bénévoles ont porté fruit. Au fur à mesure des trois journées de rue-école, qui ont eu lieu trois mercredis de suite, matin et après-midi, ils ont apprivoisé le concept et en ont bien profité ! « Les parents restaient un peu plus longtemps pour échanger, et les enfants voulaient arriver plus tôt à l’école pour s’amuser et faire du vélo dans la rue, se réjouit Nahoé. La sécurité des déplacements est au cœur de cette initiative, mais la convivialité aussi. »

Après avoir fait un court bilan du projet, Nahoé a rencontré l’OPP, qui a souhaité que le projet soit reconduit en septembre. « L’initiative a suscité beaucoup d’intérêt chez les parents et des résidents ont même manifesté leur appréciation, souligne-t-elle. Un des impacts visibles a été le nombre d’enfants se rendant à l’école à vélo : un parent bénévole a compté plus du double du nombre habituel de vélos les jours de rue-école. Mais j’ai signalé que la préparation et la coordination du projet avaient été exigeantes pour moi ».

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Deuxième édition !

En août 2023, l’arrondissement a spontanément suggéré que le projet reprenne à la rentrée. « J’ai soumis à nouveau une proposition détaillée, qui a été approuvée par le conseil d’arrondissement fin août. Cette fois nous avons choisi de fermer la rue seulement le matin, car il est plus facile pour les bénévoles d’être présents entre 7 h 45 et 8 h 15, qu’à l’heure de la sortie des classes. En revanche, nous avons étalé le projet sur cinq semaines et une autre personne a pris en charge la gestion de l’horaire des bénévoles, ce qui a mieux réparti les responsabilités. »


Cette fois-ci, les parents, les enfants et les bénévoles avaient déjà leurs repères et la très grande majorité des automobilistes étaient souriants. « On est toutes et tous vraiment contents et fiers du travail accompli », résume Nahoé.

Rue-école

À chaque rue-école sa façon de faire

Comme le souligne Manuel Moreau, chargé de projet et développement au CEUM, il n’y a pas de recette unique. « Chaque projet de rue-école tient compte de la réalité et du contexte de l’école et du quartier, explique-t-il. Par exemple, la durée de la fermeture de la rue varie d’un endroit à l’autre, tout comme la durée du projet. Dans le cas de l’école Saint-Benoît, la rue-école a eu lieu chaque vendredi pendant toute l’année scolaire 2021-2022. De plus, le service de garde a utilisé la rue l’après-midi, ce qui a donné lieu à des parties de hockey et de soccer. Un organisme du quartier a également organisé des activités pour les enfants. Ce fut toute une mobilisation de la communauté ! »


En septembre 2023, un regroupement de parents d’élèves de l’école Saint-Ambroise, dans Rosemont–La Petite-Patrie, a contacté le CEUM. Il s’agissait donc de la cinquième école à tester le concept de la rue-école. Les jeudis 7, 14 et 21 septembre, un tronçon de la rue donnant sur l’entrée de l’école, a été fermé à la circulation automobile durant 30 minutes le matin et 45 minutes l’après-midi.

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Une étude sur les impacts des rues-écoles

Dès le début des projets de rue-école, le CEUM s’est associé avec l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM). « Les chercheurs ont compilé les données des trois projets-pilotes en comparant les journées avec et sans rue-école sur les plans de la sécurité et des déplacements des enfants, rapporte Manuel Moreau. Les résultats sont parlants et seront rendus publics d’ici la fin de l’année. »


De son côté, le CEUM planche sur des façons de rendre les rues-écoles permanentes et quotidiennes. « La sécurité et la mobilité active des enfants ne devraient pas se limiter à des projets-pilotes, soutien Manuel Moreau. C’est en organisant des rues-écoles le plus souvent possible que les perceptions des parents et les habitudes de déplacement des enfants changeront vraiment. Aller à l’école à pied et à vélo dans un environnement sécuritaire devrait être la norme, pas l’exception. »


Note. L’auteure de ce texte a été bénévole au printemps et à l’automne à l’école DDO que fréquentent ses deux petits-enfants. Le plaisir manifeste des écoliers qui couraient ou pédalaient dans la rue et les sourires de leurs parents valaient leur pesant d’or.

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