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Aujourd’hui, plus que jamais, la santé mentale des jeunes est préoccupante. Le nombre d’adolescents et de jeunes adultes qui manifestent des symptômes d’anxiété et qui souffrent de détresse psychologique grimpe en flèche depuis au moins une dizaine d’années. La pandémie n’a fait qu’accélérer cette tendance et laisse des traces qui pourraient persister dans le temps. Toutefois, le portrait n’est pas que noir. Des experts s’intéressent à la question, des initiatives voient le jour et, au gouvernement, on prend la situation au sérieux.
Des jeunes connectés, allumés et anxieux
Les jeunes nous disent vivre dans un monde où ils sont bombardés d’informations. Ils sont connectés, très allumés, sensibilisés, mais ils ont besoin de recul sur ce qu’ils apprennent, indique Myriam Day Asselin, cheffe expertise et innovation chez Tel-Jeunes. Il y a cette contradiction entre leur grande maturité intellectuelle et la fragilité de l’adolescence. Ils ont besoin d’être écoutés, accompagnés. »
Période charnière de la vie, l’adolescence est marquée par des bouleversements sociaux, cognitifs et émotionnels. L’identité se construit, l’autonomie se développe, l’avenir se dessine. Cette étape transitoire, qui se présente sous forme de rite de passage, est critique pour la santé mentale des jeunes. L’arrivée au secondaire, les conflits en amitié, les relations amoureuses, le passage vers la vie adulte, la responsabilité d’un premier emploi ou la désertion du domicile familial peuvent d’emblée devenir sources d’émois et de perturbations. L’adversité, comme un deuil, la séparation des parents ou la violence à l’école, peut accentuer cette vulnérabilité.
« La santé mentale fluctue selon les événements vécus et les épreuves rencontrées. On doit la voir dans une perspective de parcours de vie, affirme Marie-Claude Roberge, conseillère scientifique, responsable de la promotion de la santé mentale, à l’Institut national de santé publique du Québec. À l’adolescence et au début de l’âge adulte, on développe notre identité, on se détache de nos parents, on se consolide comme être humain. Les situations de vie y sont particulièrement marquantes. » La réalité des jeunes diffère de celle des générations précédentes. Leur cheminement vers la vie adulte est aujourd’hui plus long, moins direct, moins prévisible et marqué par l’omniprésence des écrans et par la place grandissante des préoccupations environnementales, notent intervenants et experts. L’impact du numérique dans leur quotidien et la montée de l’écoanxiété constituent de nouveaux enjeux qui les touchent particulièrement.
Néanmoins, malgré la transformation de leur univers, les adolescents éprouvent en gros les mêmes inquiétudes qu’avaient les jeunes il y a 30 ans, remarque Mme Day Asselin. « Les questions les plus fréquentes sont relatives à leur monde émotif : Comment je fais pour dire à quelqu’un que je l’aime? Comment régler un conflit avec un ami? Comment connaître mon orientation sexuelle? Comment faire ce que j’aime et répondre aux attentes de mes parents? Ça n’a pas changé. »
Il est difficile pour les adolescents de trouver l’équilibre entre leur volonté de voler de leurs propres ailes et le désir de plaire à leurs parents, entre l’influence grandissante des pairs et leurs propres buts et intérêts, entre la prise de risques et les règles et la sécurité. Ces dichotomies internes créent parfois des tsunamis. « Les adolescents vivent tout avec intensité. C’est une période importante sur le plan neurobiologique, souligne le Dr Martin Gignac, chef du département de pédopsychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Il y a chez eux un décalage entre les circuits de récompense, associés à la quête de nouveauté et de sensations fortes, qui sont en pleine effervescence, et le lobe frontal qui n’est pas à pleine maturité et qui ne permet pas toujours une prise de décision réfléchie. Les jeunes sont à risque du sexe, drogues et rock and roll. Leur cerveau y est prédisposé. »
Néanmoins, malgré la transformation de leur univers, les adolescents éprouvent en gros les mêmes inquiétudes qu’avaient les jeunes il y a 30 ans, remarque Mme Day Asselin. « Les questions les plus fréquentes sont relatives à leur monde émotif : Comment je fais pour dire à quelqu’un que je l’aime? Comment régler un conflit avec un ami? Comment connaître mon orientation sexuelle? Comment faire ce que j’aime et répondre aux attentes de mes parents? Ça n’a pas changé. »
Il est difficile pour les adolescents de trouver l’équilibre entre leur volonté de voler de leurs propres ailes et le désir de plaire à leurs parents, entre l’influence grandissante des pairs et leurs propres buts et intérêts, entre la prise de risques et les règles et la sécurité. Ces dichotomies internes créent parfois des tsunamis. « Les adolescents vivent tout avec intensité. C’est une période importante sur le plan neurobiologique, souligne le Dr Martin Gignac, chef du département de pédopsychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Il y a chez eux un décalage entre les circuits de récompense, associés à la quête de nouveauté et de sensations fortes, qui sont en pleine effervescence, et le lobe frontal qui n’est pas à pleine maturité et qui ne permet pas toujours une prise de décision réfléchie. Les jeunes sont à risque du sexe, drogues et rock and roll. Leur cerveau y est prédisposé. »
Santé mentale des jeunes: un portrait qui s'assombrit ?
La santé mentale des jeunes se détériore depuis une dizaine d’années. Avant même que la pandémie ne vienne chambarder leur vie, près du tiers (29 %) des élèves du secondaire présentaient déjà un niveau élevé de détresse psychologique, selon l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2016-2017 de l’Institut de la statistique du Québec. En 2010-2011, c’était 21 %. Les troubles anxieux ont doublé pendant cette même période, passant de 8,6 % à 17,1 %.
Des chiffres qui se répercutent sur le terrain. « Avant la pandémie, on voyait déjà une hausse progressive du nombre de jeunes en crise qui consultaient à l’urgence en détresse aiguë, souligne le Dr Martin Gignac. Il y a dix ans, on parlait de 200 à 300 consultations annuellement. Aujourd’hui, on dépasse le cap du 1500, voire 2000 consultations. Il semble effectivement y avoir une augmentation de détresse. »
La prescription d’antidépresseurs chez les moins de 17 ans a parallèlement bondi de 260 % en 15 ans, selon les chiffres de la RAMQ rapportés par La Presse. Le manque de ressources serait associé à cette hausse. En 2016-2017, autour de 15 % des jeunes rapportaient avoir pris des médicaments prescrits pour se calmer ou se concentrer dans les deux semaines précédentes. Près de 4 % des élèves déclaraient également avoir pris des médicaments prescrits pour l’anxiété ou la dépression. « On voit une augmentation de l’usage de la médication : des psychotropes, des antidépresseurs et des psychostimulants, confirme le Dr Gignac. À cela s’ajoute le risque que les jeunes consomment des drogues pour s’autotraiter. Ils disent : quand je consomme, ça m’aide à gérer mes émotions. Mais quand l’effet cesse, les émotions sont encore plus perturbées. Ça crée un cercle vicieux. »
Chez Tel-Jeunes, on remarque aussi une montée de l’anxiété parmi les 50 000 jeunes rejoints par année. « Ils se comparent beaucoup aux autres, surtout sur les réseaux sociaux, et cherchent à répondre aux attentes de leurs parents qui leur mettent, souvent sans le vouloir, beaucoup de pression, dit Myriam Day Asselin. Dans une société de performance et devant les nombreuses possibilités qui s’offrent à eux, ils s’inquiètent : comment vont-ils réussir leur vie? »
Certains jeunes sont plus susceptibles de présenter une santé mentale fragilisée. C’est particulièrement le cas des personnes qui sont en situation de précarité ou qui vivent de la discrimination et de la marginalisation, comme les jeunes de la communauté LGBTQIA+ et les minorités racisées. « Les expériences négatives dans l’enfance comme la négligence, la maltraitance, le fait de vivre dans une famille en situation de défavorisation matérielle et financière ou avec un parent qui a un trouble de santé mentale sont aussi d’importants déterminants de la santé mentale. La violence à l’école est également un enjeu majeur », souligne Marie-Claude Roberge.
La situation est-elle aussi alarmante qu’on le croit ?
S’il ne fait pas de doute que la santé mentale des jeunes doit être au cœur des préoccupations, il faut néanmoins se garder d’en arriver à des constats erronés, voire alarmistes. Au Centre d’étude sur le stress humain, on fait valoir que les deux types d’anxiété les plus répandus sont le trait anxieux (une personne est de nature plus anxieuse) et la sensibilité à l’anxiété (la peur d’être stressé). Sans diminuer la grande anxiété vécue par plusieurs, il faut tout de même relativiser, a déclaré à La Presse la directrice du Centre, Sonia Lupien. Avant un examen, il est normal d’être anxieux. Et, oui, le stress a aussi du bon.
Par ailleurs, les résultats d’enquêtes ponctuelles, menées par sondages, doivent être interprétés avec prudence, selon Marie-Claude Roberge, conseillère scientifique à l’INSPQ. « Ces études par sondages peuvent donner des indications d’une tendance à surveiller, mais présentent généralement de résultats plus désastreux et moins représentatifs que ceux des enquêtes populationnelles. Certaines données de sondage sont alarmistes. Est-ce que les jeunes vont plus mal qu’avant? On sait que plusieurs rapportent qu’ils ne vont pas bien, les intervenants semblent confirmer ce constat. Mais on ne peut aller plus loin. Il faut attendre de nouvelles données justes et comparatives. »
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Pour poursuivre votre lecture sur le sujet, consultez notre dossier spécial « La santé mentale des jeunes : l’affaire de tous », appuyé par les statistiques les plus récentes ainsi que des entrevues avec plusieurs experts. Notre équipe de rédaction y décortique le concept de « santé mentale positive », qui fait l'objet d'un intérêt croissant depuis quelques années. Une attention particulière est également portée à deux problématiques des plus actuelles: l'utilisation des écrans et l'écoanxiété.
Ce dossier spécial invite également les lecteurs à faire connaissance avec trois personnes qui, chacune à leur manière, ont créé des programmes exceptionnels et innovants pour encourager le bon développement et le bien-être des jeunes:
- Mary Gordon, fondatrice du programme scolaire international Roots of Empathy/Racines de l’empathie
- Jean-Philippe LeBlanc, fondateur de l'organisme Face au vent et du programme H(être)
- Martin Dusseault, fondateur et coordonnateur du programme Bien dans mes baskets
Une grande série d'initiatives inspirantes, au Québec ou ailleurs, y sont également présentées pour encourager le passage à l'action, dans les différents milieux de vie.
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