J’applaudis chaudement l’initiative de l’IGA Duchemin, dans l’arrondissement Saint-Laurent, à Montréal, qui devient la première épicerie au Canada à vendre des produits qui poussent sur son toit.
Avec la collaboration de l’entreprise La ligne verte, le commerce a créé une véritable ferme de 1,5 acre au sommet de son bâtiment. Sur ces hauteurs, les maraîchers cultivent au moins 30 sortes de légumes qui sont vendus dans le magasin sous la marque « Frais du toit ». Et la cerise sur le sundae : les clients peuvent observer le toit vert sur un écran en temps réel placé dans la section des légumes. Peut-on faire plus local que ça ? N’est-ce pas un signe de changement dans le domaine du commerce de détail et de l’agriculture urbaine ?
Le chargé de projets et maraîcher urbain pour La ligne verte, Tim Murphy, m’a confié que cette initiative est « novatrice pour les consommateurs et pour les supermarchés au Québec ». Selon lui, elle possède l’énorme potentiel de sensibiliser les consommateurs à l’importance des aliments sains, locaux, en saison et cultivés de manière responsable.
M. Murphy m’a aussi expliqué que « les gestionnaires de l’épicerie sont en train d’apprendre le métier d’agriculteur afin de mieux intégrer des aliments locaux dans leurs étalages ». Ils devraient donc être en mesure de mieux comprendre tous les défis auxquels font face nos agriculteurs : le climat, les insectes, les fertilisants, la planification de la production en fonction de la demande de la clientèle, et j’en passe. Selon M. Murphy, il s'agit d'un travail d’apprentissage énorme qui va prendre du temps et qui va aussi exiger un effort de sensibilisation auprès de la clientèle. Car, si on veut encourager nos producteurs locaux, il faut aussi accepter de ne pas avoir tous les aliments frais sur les étalages en tout temps.
Un exemple inspirant
L’IGA Duchemin est un exemple à suivre pour tous les autres propriétaires de grandes surfaces afin d’en faire plus et de créer une version 2.0 du supermarché. J’ai eu le plaisir de rencontrer un des propriétaires, M. Richard Duchemin, dans le cadre d’un événement du Système alimentaire montréalais, alors qu’il faisait une présentation de leurs efforts pour réduire les pertes et le gaspillage alimentaires au magasin. En plus du toit vert, ils ont également construit un bâtiment certifié LEED, avec plusieurs bornes de recharge pour des voitures électriques. Je suis convaincue que ce toit vert n’est qu’une des étapes de la longue série d’améliorations qui seront mises en place par cette dynamique famille entrepreneuriale.
Ça y est ! Nous en sommes rendus là, au Québec ! Je pense qu’on peut, enfin, suivre le mouvement déjà amorcé dans d’autres pays, et revoir le fonctionnement de nos supermarchés. On peut même rêver, et les voir comme faisant partie intégrante de nos communautés afin de nous aider à bien manger et à soutenir une agriculture locale tout en réduisant notre impact environnemental. Nos supermarchés peuvent devenir des promoteurs de la saine alimentation et du développement durable. Je rêve de ce changement depuis tellement longtemps !
Il y a deux ans, en visite chez mon frère, à Brooklyn, j’ai découvert un supermarché en me promenant dans un quartier dense et éclectique qui ressemble à certains des arrondissements centraux de Montréal. Imaginez un peu : le stationnement est équipé d’éoliennes, il y a des auvents couverts de panneaux solaires, un four à pain est installé devant le commerce… C’est simple : je n'en croyais pas mes yeux !
Et ce n’est pas tout : à l’intérieur de cet audacieux commerce alimentaire, dans la section des légumes, on trouve toute une gamme de produits qui viennent directement du toit. Grâce à des panneaux d’information, les consommateurs sont invités à monter au 2e étage pour voir la serre où a poussé la laitue qu’ils peuvent acheter. On y trouve même un café avec un espace confortable où l’on peut s’asseoir, manger, siroter un breuvage en contemplant la serre.
Penser en dehors du cadre
J’ai souvent remis en cause le concept de supermarché tel qu’on le connaît aujourd’hui. Est-ce que ces commerces peuvent être plus que des simples lieux où on achète nos aliments ? En général, ce sont de grands bâtiments sans fenêtres, avec d’immenses toits plats et inoccupés, souvent entourés de stationnements à moitié vides, somme toute des lieux qui ne sont pas accueillants et qui sont dépourvus d’espace de rencontres. C’est l’extrême opposé de ce qu’on recherche quand on va faire nos emplettes dans un marché public, avec de la musique, des dégustations et de l’ambiance, quoi ! Et il ne faut pas oublier le lien avec les producteurs, et la terre qui ont produit nos aliments. Les supermarchés auxquels nous sommes habitués semblent être très loin de la source même de nos aliments.
Je sais très bien que ces nouvelles pratiques comportent leur lot de défis techniques, et que tous ne peuvent pas commencer à cultiver des légumes sur leur toit du jour au lendemain. Mais soyons créatifs, et souhaitons que davantage de supermarchés osent innover en hébergeant des fermes ou des serres sur leur toit. Ou en aménageant des espaces en magasin pour les producteurs locaux, voire urbains. Imaginons aussi qu’ils fassent de la place pour des cuisines collectives, des cafés, des soupes populaires, autrement dit des espaces d’apprentissages et tissage de liens entre citoyens. Tout le monde mange. Alors, pourquoi ne pas rêver d’un endroit où l’ont fait nos emplettes et qui soit aussi un espace accueillant, productif et inspirant ? Je pense, avec l’exemple récent « Frais du toit », que ce rêve commence à devenir réalité.
Collaboration spéciale: Rotem Ayalon