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Pour plusieurs ménages en situation de vulnérabilité, l’accès à des aliments sains, frais et locaux demeure un défi. C’est pour répondre à cet enjeu que l’Association des marchés publics du Québec (AMPQ), en collaboration avec le Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) – affilié à l’Institut national d’agriculture biologique (INAB) du Cégep de Victoriaville –, a lancé cet été un projet pilote de coupons nourriciers.
À l’instar de programmes similaires déployés ailleurs au Canada, notamment en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, ces coupons nourriciers sont remis à des personnes touchées par l’insécurité alimentaire. Ils peuvent être échangés directement auprès d’entreprises bioalimentaires locales qui vendent leurs produits dans les marchés publics.
En phase pilote, le programme est actuellement déployé dans cinq MRC du Québec : Portneuf, Kamouraska, Rimouski-Neigette, La Mitis et La Matanie. Durant la période estivale, près de 100 000 dollars en coupons nourriciers seront distribués à plus de 200 ménages en situation de vulnérabilité. L’objectif de cette expérience : évaluer les retombées sociales, économiques et humaines d’un tel outil pour contribuer à la sécurité alimentaire, et poser les bases d’un programme québécois à grande échelle.
Pourquoi des coupons nourriciers échangeables dans des circuits courts?
Les circuits courts, qu’il s’agisse de marchés publics, de kiosques à la ferme (y compris en libre-service), d’autocueillette ou encore de paniers ASC (Agriculture soutenue par la communauté), offrent des produits frais, diversifiés et de grande qualité. En plus de raccourcir la chaîne d’approvisionnement, ces circuits renforcent l’économie régionale, soutiennent la résilience alimentaire et favorisent une reconnexion directe entre les citoyen·nes et les producteur·rices, transformateur·rices et artisan·es bioalimentaires de leur territoire.
Au-delà du volet alimentaire, les circuits courts servent aussi de liant social, en offrant des espaces où se retrouver, nouer des échanges humains et développer un sentiment d’appartenance. Pour plusieurs personnes en situation de vulnérabilité, souvent affectées par la solitude ou l’isolement, fréquenter un marché public, c’est retrouver sa place dans une communauté. C’est faire partie d’un tout.
Ainsi, en encourageant les ménages vivant de l’insécurité alimentaire à s’approvisionner directement auprès de producteur·rices de leur région, les coupons nourriciers représentent bien plus qu’un simple soutien financier : ils sont un véritable outil de solidarité sociale, qui contribue à bâtir un Québec plus équitable, plus humain… et plus nourrissant pour toutes et tous.
Un programme fondé sur l’action communautaire et l’équité
Le programme de coupons nourriciers repose sur plusieurs principes directeurs visant à assurer sa pertinence, sa cohérence et son intégrité, à la lumière des réalités propres à chacun des territoires concernés.
Subsidiarité
Ce principe veut que la responsabilité d’une action publique soit assumée par l’acteur le plus proche des personnes directement concernées. Dans le cadre d’un programme de coupons nourriciers, ce sont les organismes communautaires qui sont les mieux placés pour identifier les personnes en situation de vulnérabilité et leur proposer l’accès au programme. De leur côté, les comités de gestion des marchés publics sont les plus aptes à s’assurer que les entreprises bioalimentaires participantes connaissent le programme et honorent les coupons nourriciers.
Reconnaissance de l’action communautaire
Ce principe vise à assurer une juste rétribution financière aux différents organismes qui contribuent à la mise en œuvre du programme. Les organismes communautaires, responsables de la sélection et de la distribution des coupons durant la période estivale, reçoivent une compensation pour leur travail. De même, les gestionnaires de marchés publics sont rétribués pour le remboursement des entreprises bioalimentaires acceptant les coupons, ainsi que pour la collecte de données qui permettront d’évaluer la portée et les retombées du programme.
Non-stigmatisation
Ce principe vise à préserver la dignité des personnes bénéficiaires en rendant impossible l’identification de l’origine des coupons. Pour ce faire, des chèques-cadeaux visuellement identiques aux coupons nourriciers sont également émis dans le cadre de campagnes d’achat local. Ainsi, les personnes qui les utilisent dans un marché public peuvent les avoir achetés ou reçus gratuitement par l’intermédiaire d’un organisme communautaire, sans distinction apparente. Seul un marquage discret, visible uniquement par les gestionnaires de marchés publics, permet de collecter les données nécessaires au suivi et à l’évaluation du programme lors du remboursement des coupons.
Vente directe
Ce principe repose sur l’idée que les coupons nourriciers doivent être utilisés exclusivement auprès d’entreprises bioalimentaires locales qui vendent leurs produits en circuit court, c’est-à-dire en contact direct avec les consommateur·rices. Au Québec, le programme ne se limite pas aux marchés publics : il encourage aussi les bénéficiaires à fréquenter les kiosques à la ferme (incluant ceux en libre-service) ou encore à pratiquer l’autocueillette. L’objectif est clair : favoriser une alimentation locale grâce à ce réseau de circuits courts.
Approche intégrée
Ce principe repose sur la collaboration entre plusieurs secteurs œuvrant dans un but commun. Dans le cadre d’un programme de coupons nourriciers, les secteurs de l’action communautaire et du développement bioalimentaire sont principalement impliqués. En misant sur une identification partagée des besoins et sur les capacités de chacun, cette approche intégrée permet de générer des résultats équitables et des bénéfices mutuels pour l’ensemble des acteurs engagés.
Faire le pont entre justice sociale et développement local
Avec cette première phase d’expérimentation, l’AMPQ et le CISA souhaitent démontrer que les circuits courts, en particulier les marchés publics, peuvent jouer un rôle déterminant en matière d’inclusion sociale, en rendant les produits locaux accessibles à un plus grand nombre.
À terme, un programme national de coupons nourriciers pourrait devenir une solution structurante pour lutter contre l’insécurité alimentaire, tout en soutenant le développement des circuits alimentaires de proximité.
D’ici là, partout au Québec, des producteur·rices agricoles et des entreprises bioalimentaires mettent leur cœur et leur savoir-faire au service d’une alimentation distinctive, savoureuse, saine et de qualité. À nous de faire en sorte que ces aliments soient accessibles à toutes et tous, grâce à ces espaces vivants et engagés que sont les marchés publics du Québec.
À propos de l’AMPQ
L’Association des marchés publics du Québec (AMPQ) regroupe, soutient et représente les marchés publics à l’échelle de la province. Elle œuvre à renforcer leur rôle en tant que lieux d’alimentation de proximité, favorisant le lien direct entre producteurs locaux et citoyens.
À propos du CISA
Le Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) est un centre collégial de transfert de technologie affilié à l’Institut national d’agriculture biologique (INAB) du Cégep de Victoriaville. Il mène des recherches en innovation sociale liées au développement territorial, à l’agriculture et à l’alimentation.