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C’est une tendance qui ne se dément pas. De plus en plus d’enseignants et intervenants œuvrant auprès des jeunes déploient inventivité et créativité pour leur offrir davantage d’occasions de passer du temps en plein air. Et on ne peut qu’espérer que ce mouvement prenne de l’ampleur, car toutes les raisons sont bonnes pour rapprocher les jeunes de la nature.
Détresse psychologique à la hausse, explosion du temps-écran, sédentarité toujours aussi inquiétante… Les études et les rapports ne cessent de s’accumuler pour nous rappeler à quel point nos jeunes ont décidément besoin qu’on leur offre des milieux plus favorables à un développement sain. On n’a qu’à penser au fait que les jeunes d’aujourd’hui passent plus de 7 heures par jour1 devant des écrans, soit près de la moitié de leur temps d’éveil, alors que le temps maximal recommandé est de 2 heures par jour2, pour comprendre qu’il s’agit là d’un véritable enjeu de santé publique.
Heureusement, loin de baisser les bras, une multitude d’acteurs d’horizons variés agissent et se rassemblent pour préserver les espaces naturels en milieu urbain et rural, pour créer des espaces verts et les rendre accessibles, pour enseigner aux jeunes à ciel ouvert ou leur faire vivre des expériences en contexte de plein air. Et pour cause ! La nature offre des avantages et des bienfaits inégalés et irremplaçables.
Si vous avez déjà eu la chance de marcher en forêt l’automne, de vous réchauffer près d’un feu après avoir joué dans la neige, de pique-niquer au bord d’une chute d’eau ou d’escalader une montagne, vous avez probablement ressenti les bienfaits de la nature sur vous. Vous souhaitez faire vivre de telles expériences aux jeunes auprès de qui vous travaillez ? N’hésitez plus : les bénéfices de ces activités surpassent largement les efforts nécessaires pour les organiser !
Vous êtes à la recherche d’arguments pour appuyer vos initiatives ou en quête de motivation pour passer à l’action ? Voici neuf bonnes raisons pour lesquelles nous devrions, selon moi, tout faire pour rapprocher nos jeunes de la nature.
1- Des horizons qui permettent de voir loin
Les jeunes passent une grande partie de leur temps devant des livres, des cahiers et, bien sûr, des écrans… Toutes des activités qui se pratiquent la tête penchée sur un horizon très rapproché. Au contraire, les grands espaces dégagés proposent un profond champ de vision. Les environnements naturels riches et variés sollicitent la vigilance. Ils exigent de porter attention aux êtres et aux objets proches et éloignés, de s’orienter et de se mouvoir en conséquence. Ils offrent ainsi, à la fois repos et entrainement à l’esprit, au corps, à la posture, comme à la vision. D’ailleurs, les activités extérieures sont associées à la prévention de la myopie3.
2- Des arbres et de l’air sain à respirer pour la santé du cœur et des poumons
La pollution de l’air est non seulement néfaste pour la santé cardiaque et pulmonaire4, mais elle endommage le cerveau et peut entraver les performances cognitives des personnes qui y sont exposées5. Les liens entre la qualité de l’environnement, la biodiversité, la présence d’arbres, en particulier, et la santé cardiovasculaire ne sont plus à démontrer. Le Dr François Reeves, cardiologue et auteur du livre Planète cœur – Santé cardiaque et environnement6, affirme d’ailleurs que : « La pollution augmente la morbidité cardiovasculaire, or, l’arbre est un grand dépollueur. Non seulement il capte des tonnes de CO2, mais aussi les composés organiques volatils toxiques émis par les combustibles fossiles (benzène, aromatiques, ozone). Les particules polluantes sont absorbées par le feuillage, qui les métabolisent et les rendent inertes7. » Il met également en relief le fait que la présence d’arbres peut atténuer les inégalités sociales en santé, en allongeant significativement l’espérance de vie des populations qui en bénéficient.
3- Des micro-organismes qui renforcent le système immunitaire
Les activités en nature et le jardinage permettent aux jeunes d’être en contact avec une bactérie présente dans le sol, le mycobacterium vaccae, dont les effets bénéfiques sur la santé pourraient être spectaculaires. Des études tendent en effet à démontrer que l’exposition à ce micro-organisme renforce le système immunitaire8, réduit le stress, agit « comme un antidépresseur » en régulant l’humeur et favorise les apprentissages9.
4- De l’espace pour bouger librement et dépenser de l’énergie
Le mode de vie des jeunes limite bien souvent les occasions de maintenir, aiguiser et développer leurs habiletés motrices, si importantes pour favoriser leur sécurité, leur sentiment de compétence et leur motivation à bouger. De plus, à l’instar de la pollution de l’air, le manque d’activité physique se répercute négativement sur la santé cardiovasculaire. La sédentarité entraîne également des effets négatifs sur le tonus musculaire et la densité osseuse. Bien qu’il ne suffise pas d’aller dehors pour bouger, les grands espaces et les activités extérieures sont propices aux activités physiques10, entre autres parce qu’ils offrent plus de liberté et permettent une plus grande amplitude des mouvements. Ils sont aussi associés à plus d’intensité dans l’activité physique, une clé indispensable à une santé optimale.
5- Des surfaces variées, des reliefs et des éléments pour relever des défis
Avec ses éléments tels que l’eau et la glace, le feu, le vent, les montagnes, le sable, les racines des arbres et les rochers, la nature offre un terrain de jeu idéal pour relever des défis moteurs. Dans un environnement naturel, chaque jeune peut, si on l’y encourage, progresser à son rythme et à sa façon. Il peut aussi expérimenter sainement la prise de risque11 — la hauteur, la grande vitesse, la proximité d’éléments dangereux, les jeux plus rudes ou sans règles, l’éloignement de la surveillance des adultes — dont les bienfaits12 sur le développement moteur, cognitif, social et affectif sont incomparables.
6- De l’immensité à laquelle se connecter
Avoir le souffle coupé, non pas par l’ascension ardue d’un sommet, mais par le paysage grandiose qui se révèle aux yeux de ceux qui l’ont bravée… Rares sont les expériences dont la puissance égale celle de se retrouver, tout petit, sous un dôme étoilé ou devant le spectacle d’une baleine qui émerge de l’eau. Elles rendent muet, émeuvent aux larmes, connectent à l’immensité de la vie, et revêtent, pour certains, une dimension spirituelle.
7- La paix et l’enchantement des sens pour être à son meilleur
Les yeux se sentent apaisés par les tons de vert et de terre, comme par les étendues d’herbe, de neige ou d’eau. Suite à une opération, la simple vue sur un environnement naturel réduit la durée de l’hospitalisation des patients, diminue le taux de complications et le besoin en analgésiques13. La nature offre des expériences sensorielles uniques dont les effets bénéfiques sont immédiatement ressentis. L’odorat s’éveille en découvrant des parfums aquatiques ou végétaux. La peau est ressourcée au contact de l’eau, de la boue et du vent chaud. Le clapotis d’une rivière, les chants d’oiseaux et le son d’une brise dans les feuillages procurent un effet de détente.
Sur un plan plus terre-à-terre, soulignons que l’on observe physiologiquement la réduction du stress au contact de la nature par la diminution du taux de cortisol, de la tension artérielle et du rythme cardiaque des personnes qui en bénéficient[14. Bouger en nature permet aussi de réduire les ruminations et d’améliorer l’humeur15, des symptômes associés à la dépression. De surcroit, jouer dehors améliore la créativité, la résolution de problèmes, l’attention et l’autodiscipline16.
8- Des occasions de rencontre, d’entraide et d’appartenance
Les animateurs de camps de vacances et les intervenants en aventure thérapeutique l’ont bien compris : les activités de plein air favorisent les interactions, les contacts sociaux17 et même la création d’un réseau social18. Dans le contexte de défis de plein air de plus grande envergure, les occasions d’entraide et la création de sentiments d’appartenance sont nettement favorisés. De plus, jouer dehors permet de canaliser l’énergie, de réduire les tensions, l’agitation et les comportements agressifs19, ce qui contribue à la qualité des relations interpersonnelles.
9- La vie à apprivoiser pour mieux la chérir
Découvrir un trille délicat, cette petite fleur sauvage des forêts québécoises, dans l’ombre d’une épinette. Apercevoir un lièvre, une perdrix, un chevreuil, un renard. Inspirer profondément un vent de mer salé. Pincer une aiguille de sapin pour en humer le parfum… Dans son livre, Perdus sans la nature20, François Cardinal, sensibilise ses lecteurs à l’importance d’offrir l’opportunité aux jeunes d’être initiés à la nature, d’apprivoiser les insectes, les animaux et les plantes, de goûter au plein air, d’en ressentir les retombées positives. Il avance que si nous voulons que les jeunes aient à cœur de respecter et préserver l’environnement naturel, il faut d’abord leur permettre d’apprendre à l’aimer.
À nous de jouer !
La nature a tant à offrir ! Au fond, c’est évident. Il s’agit de l’écosystème dont nous, êtres humains, sommes issus. Il est bien normal qu’un mode de vie qui nous en éloigne se répercute sur la santé physique et psychologique, comme sur le développement des jeunes. Surmontons les craintes, obstacles et défis logistiques, lorsqu’il y en a. Engageons-nous, chacun dans nos rôles respectifs, à donner accès aux bienfaits de la nature aux jeunes.
Et pour que les générations futures puissent, elles aussi, s’épanouir dans un environnement propice à leur santé et à leur bien-être, rendons la pareille à la généreuse nature en nous engageant également à poser des gestes concrets pour la protéger.
Pour en savoir plus sur les bienfaits des contacts avec la nature et de la pratique du plein air, vous pouvez consulter :
- Au Québec, on bouge en plein air ! — Avis sur le plein air du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Gouvernement du Québec, 2018.
- Ados plein air — Création d’environnements favorables à la pratique du plein air chez les adolescents du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et de ses partenaires.
- Enseigner le plein air, c’est dans ma nature ! — Manuel d’implantation et de développement d’options plein air dans les écoles secondaires.
- Le plein air, c’est dans ma nature ! — Manuel d’organisation de clubs de plein air pour les adolescents du Conseil québécois du loisir.
- Perdus sans la nature : pourquoi les jeunes ne jouent plus dehors et comment y remédier de François Cardinal.
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Visionnez la conférence de François Cardinal « Déclin du jeu libre extérieur »
Références bibliographiques
- [1] Institut National de Santé Publique du Québec, Le temps d’écran, une autre habitude de vie associée à la santé, TOPO, Synthèses de l’équipe Nutrition – Activité physique – Poids, Numéro 12, Septembre 2016.
- [2] Institut National de Santé Publique du Québec, Le temps d’écran, une autre habitude de vie associée à la santé, TOPO, Synthèses de l’équipe Nutrition – Activité physique – Poids, Numéro 12, Septembre 2016
- [4] Sacramento Metropolitan Air Quality Management District and the air districts of the Sacramento region (2019), Air Quality Information for the Sacramento Region, consulté le 31 janvier 2019
- The Conversation, La pollution de l’air va-t-elle nous rendre bêtes ?, 9 janvier 2019
- [6] Reeves, F. (2011).Planète Coeur - Santé cardiaque et environnement, Éditions du CHU Sainte-Justine, en coédition avec les Éditions MultiMondes, Hors collection - Grand public, 200 pages.
- [7] Médecins francophones du Canada, Reeves, F. (2010). L’Arbre et le Cœur, Santé et environnement, Chroniques. Consulté le 31 janvier 2019
- [8] Reber, O. S. and al. (2016). Immunization with a heat-killed preparation of the environmental bacterium Mycobacterium vaccae promotes stress resilience in mice, Proceedings of the National Acadamy of Sciences of the United States of America (PNAS), 31 mai 2016, 113 (22), E3130-E3139,
- [9] Matthews, D. M., Susan M. Jenks, S.M. (2013). Ingestion of Mycobacterium vaccae decreases anxiety-related behavior and improves learning in mice, Behavioural processes, Février 2013, 96 : https://www.researchgate.net/publication/235775776_Ingestion_of_Mycobacterium_vaccae_decreases_anxiety-related_behavior_and_improves_learning_in_mice
- [10] Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (2017). Au Québec, on bouge en plein air! – Faits saillants de l’Avis sur le plein air
- [12] Morgan Leichter-Saxby (Pop-Up Adventure Play), posted in 2016. Risky play. Video by Be Active Kids :
- [13] Médecins francophones du Canada, Reeves, F. (2010). L’Arbre et le Cœur, Santé et environnement, Chroniques. Consulté le 31 janvier 2019
- [10] Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (2017). Au Québec, on bouge en plein air! – Faits saillants de l’Avis sur le plein air
- [10] Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (2017). Au Québec, on bouge en plein air! – Faits saillants de l’Avis sur le plein air