Depuis plus de 20 ans, Bien dans mes baskets transforme la vie de nombreux jeunes de l’école secondaire Jeanne-Mance en utilisant la pratique du basketball comme outil d’intervention psychosociale. Ce programme du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, dont les impacts positifs ne sont plus à démontrer, poursuit aujourd’hui sa mission auprès des jeunes immigrants en français de transition au centre Gédéon-Ouimet, situé au cœur du Centre-Sud de Montréal.
En quelques mois, ce formidable projet pilote, qui vise à favoriser l’intégration par le sport collectif, a déjà fait tomber les barrières et permis au travailleur social Sébastien Pavia de tisser des liens de confiance avec ces nouveaux arrivants dont plusieurs ont vécu un parcours migratoire tourmenté.
« Quand tu fais du sport, tu joues! Et quand tu joues, tu as moins de barrières. Il y a de l’ouverture à la communication, de l’ouverture aux apprentissages et de l’ouverture au contact avec les autres. Depuis l’automne, les étudiants socialisent beaucoup plus et des liens se sont créés. » – Sébastien Pavia
GO comme dans Gédéon-Ouimet !
Le centre Gédéon-Ouimet est un centre de formation générale pour adultes. Il offre aussi un programme de français de transition aux jeunes immigrants de 16 à 20 ans provenant de classes d’accueil ou nouvellement arrivés au Canada qui souhaitent terminer leurs études secondaires. C’est dans ce volet de francisation que s’inscrivent les services de Bien dans mes baskets offerts depuis la rentrée de l’automne 2020.
Comme le raconte Martin Dusseault, l’instigateur et coordonnateur du programme Bien dans mes baskets au CIUSSS-CSM, l’équipe a commencé à travailler sur ce projet il y a deux ans après que des infirmières scolaires aient constaté de lourdes problématiques psychosociales chez les jeunes fréquentant le centre Gédéon-Ouimet. Interrompu à l’époque par manque de support financier, le projet est redevenu possible cette année grâce au soutien de la Fondation Santé Urbaine qui a obtenu un financement de 271 000 $ du gouvernement du Canada pour le déploiement de ce projet innovant. « L’objectif, précise Martin Dusseault, c’est vraiment l’intégration des nouveaux arrivants. Nous avons alors développé un programme spécialement pour eux, mais en reprenant tous les principes de Bien dans mes baskets. »
Le sport comme outil d’intégration
Depuis la rentrée 2020, le travailleur social Sébastien Pavia, qui a longtemps œuvré aux côtés de Martin Dusseault avec les Dragons de l’école Jeanne-Mance, rencontre chaque semaine les 175 étudiants en francisation du centre Gédéon-Ouimet au gymnase, selon un protocole sanitaire très strict. Répartis en 9 classes-bulles, les jeunes participent à des activités sportives d’une durée de 75 minutes qui sont autant d’occasions d’entrer en relation, d’apprendre à mieux communiquer et de dénouer parfois des situations souffrantes ou conflictuelles.
« La trajectoire d’immigration, parfois traumatisante, que ces jeunes-là ont vécue peut ressurgir à l’intérieur de nos séances sous différentes formes. Dans le mouvement, il y a des choses qui se passent, ce n’est pas seulement cérébral. L’intervention par le sport répond de façons multiples à des problématiques qui le sont tout autant. » — Sébastien Pavia
Au cours de l’année scolaire, trois sports d’équipe ayant des fédérations homologuées au Canada ont été choisis pour animer ces rencontres : le flag football, le basketball et le soccer. Mais comme le rappelle Sébastien Pavia, le sport n’est pas une fin en soi, mais bien un outil d’intégration et d’intervention psychosociale. Sébastien est ainsi présent à temps plein à l’école pour échanger avec les enseignants et la direction et, surtout, recevoir en tout temps les étudiants. « C’est une porte d’entrée psychosociale et de première ligne pour le CIUSSS-CSM, précise Martin Dusseault. Être capables d’aller chercher les gens qui en ont réellement besoin, c’est ça notre rôle. »
Une recherche-action prometteuse
D’une durée de deux ans et demi, le programme du centre Gédéon-Ouimet est un projet pilote accompagné d’une recherche-action menée par l’Institut universitaire Jeunes en difficulté, dont la mission stimule la traduction et l’utilisation des connaissances de pointe entre les milieux scientifiques et cliniques. À la demande du gouvernement fédéral, cette recherche s’intéressera tout autant au développement du programme lui-même qu’à l’évaluation de ses impacts sur les jeunes immigrants. Des résultats positifs permettront le déploiement du programme dans d’autres centres pour adultes qui accueillent des immigrants, à la grandeur du pays.
Au cours des dernières années, Bien dans mes baskets a fait l’objet de plusieurs recherches qui ont permis de démontrer scientifiquement la pertinence du programme sur le plan psychosocial, ainsi que ses nombreux effets bénéfiques sur les jeunes, parmi lesquels le développement des habiletés de vie, de saines habitudes de vie, de la persévérance scolaire et du sentiment d’appartenance à l’école. Les premiers succès de Sébastien Pavia au centre Gédéon-Ouimet lui permettent déjà de croire que Bien dans mes baskets est clairement une voie positive et constructive pour favoriser l’intégration sociale des jeunes immigrants.
« Susciter la persévérance scolaire et l’appartenance, ce sont nos forces. On veut que l’école soit un lieu significatif pour les jeunes. On souhaite qu’ils s’identifient à quelque chose de plus grand qu’eux. Ce qui n’arrive pas d’habitude dans une école pour adultes. » — Martin Dusseault
Un groupe d’appartenance pour la vie
Les activités de BDMB touchent les sphères sportives et scolaires, mais le développement social des jeunes est également au cœur du programme à travers la création d’un groupe d’appartenance. Plusieurs professeurs du centre Gédéon-Ouimet ont ainsi saisi l’occasion de participer aux séances sportives pour développer un lien de confiance avec leurs étudiants. Ces derniers ont également l’opportunité de rencontrer d’autres jeunes inspirants, comme le basketteur Élie Karojo qui est venu témoigner de son parcours de vie et du soutien qu’il a pu trouver au sein de l’équipe des Dragons de l’école Jeanne-Mance.
À long terme, l’objectif de Bien dans mes baskets est d’aider ces jeunes en francisation à développer leur projet de vie dans la société québécoise en créant des ponts avec des organismes sportifs et communautaires de la région montréalaise. « C’est vraiment une approche systémique qui vise à rejoindre l’individu, mais au sein d’un groupe et d’un milieu de vie, précise Martin Dusseault. C’est une approche qui a été éprouvée à Jeanne-Mance et de voir qu’on peut l’adapter à d’autres clientèles et d’autres milieux, c’est une grande fierté et un tremplin extraordinaire pour l’avenir. »
Crédits photos: Gaëlle Vuillaume
*NDLR: Les photos présentées dans cet article ont été prises à l'automne 2020, alors que le port du couvre-visage n'était pas obligatoire. Depuis janvier 2021, tous les jeunes, sans exception, portent le couvre-visage tout au long des périodes d'activités sportives.
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