C’est ainsi que Nurrait – « jeune caribou » en inuktitut –, a développé le volet Tuttuit, un terme qui désigne des caribous plus matures. Ce nouveau programme a été mis sur pied grâce à un soutien financier du Secrétariat à la jeunesse. D’une durée de trois ans, il réunit chaque été huit jeunes de 16 à 25 ans, issus de différentes communautés inuites, pour une expédition de canot-camping dont la durée et le coefficient de difficulté augmentent d’une année à l’autre. « C’est un prétexte pour mettre de l’avant les aptitudes de gestion de projet, explique Hugo Dufresne. Ce sont les jeunes qui montent le projet, presque de A à Z, de la nutrition à l’organisation, en passant par la gestion du budget. »
 
Chaque jour de l’expédition, l’un ou l’une d’entre eux prend la tête du groupe, avec l’aide de deux guides certifiés qui sont aussi du voyage. « Ils aident les jeunes à se poser les bonnes questions, à faire émerger les bonnes réflexions », explique Hugo Dufresne. Le ou la leader du jour doit décider notamment du trajet, des pauses, s’assurer du bien-être du groupe. « Nous voulons qu’ils développent leur autonomie, qu’ils découvrent leurs intérêts et leurs forces, qu’ils apprennent à se faire confiance. »

Karina Gordon-Dorais faisait partie de la première cohorte de Tuttuit, qui a terminé son cycle de trois ans en 2023. Aujourd’hui âgée de 23 ans, elle a d’abord intégré Nurrait quand elle étudiait au secondaire à Kuujjuaq. « Au début, c’était surtout pour avoir du fun avec mes amis. Nous avions déjà fait du camping, mais jamais en y ajoutant une activité sportive. Pour moi, le plein air est devenu une passion ! »
 
Elle s’est donc jointe avec enthousiasme à Tuttuit. « Canoter sur une rivière, c’était nouveau pour moi. Ça me faisait peur, pourtant j’y suis retournée chaque année ! Ça aide de savoir que tous vivent la même chose. Traverser des rapides nous effraie chaque fois, mais après avoir réussi, nous sommes tellement fiers ! Et nous avons vécu ensemble ce moment incroyable. »

Le programme donne également aux jeunes l’occasion de découvrir leurs forces, expose Hugo Dufresne. « Sur le territoire, il arrive que les rôles soient inversés. Ce sont eux, par exemple, qui vont dire au guide, qui n’a pas grandi au Nunavik, que tel nuage, tel type de vent, signifie que de la brume va s’installer cette nuit. C’est aussi notre rôle de mettre en valeur ce savoir traditionnel qu’ils possèdent. »
 
L’évaluation du programme, effectuée auprès de la première cohorte, s’est avérée très positive. À un tel point que Karina a d’ailleurs souhaité poursuivre l’expérience. On lui a donc proposé de participer au premier voyage du nouveau groupe, en 2024, à titre de mentore. Dans ce rôle, elle a pu accompagner les jeunes participant·e·s lors d’une expédition de 10 jours qui les a menés de Kuujjuaq à George River. « Nous essayons de faire en sorte qu’ils aiment cette première expérience, explique-t-elle, qu’ils se sentent capables d’y arriver. » Elle a endossé tout naturellement le rôle de leader à plusieurs occasions. « Je me sens forte de mon expérience des années passées. J’aime être l’instigatrice. Quand je commence à cuisiner, à monter les tentes, ils me suivent. »

Les acquis sont durables, constate Karina, qui en est maintenant à sa deuxième année d’études en soins infirmiers : « Parfois, en stage, c’est angoissant. Tout est tellement nouveau. Je pense alors à la manière dont je me sens sur la rivière : il faut continuer à avancer, traverser la difficulté. Je me sens plus confiante. »
 
Chose certaine, avec ou sans Tuttuit, le plein air fera désormais partie de sa vie. « Quand je suis là-bas, que nous sommes seuls au monde, c’est si paisible, et tellement plus facile de se connecter avec le territoire. Ce sont de petits moments thérapeutiques. »
 
L’organisme Nurrait emploie maintenant 7 personnes à temps plein, 30 bénévoles, et une cinquantaine de personnes issues des différentes communautés, afin de guider les jeunes et d’interpréter pour eux le territoire. En partenariat avec un étudiant de l’Université du Québec à Chicoutimi, une étude d’impact sera menée, sur quelques années, pour suivre l’évolution des participant·e·s des premières cohortes.
 
Karina Gordon-Dumais souhaite continuer à contribuer à la réussite du programme. « J’espère rester impliquée. S’ils ont besoin de moi, c’est certain que je serai là ! »

*** Pour découvrir d’autres projets inspirants mis sur pied par ou pour les jeunes des nations autochtones, consultez nos récits numériques sur le site de Radio-Canada, qui rassemblent de belles histoires sous forme d’articles, de vidéos et de balados.