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Former les leaders de demain en reconnectant les jeunes à leur territoire. Voilà l’objectif commun des projets novateurs, issus de trois nations autochtones, que nous vous présentons dans cette série d’articles. Laissez-vous inspirer par ces belles initiatives, qui peuvent faire une différence !
Les rencontres citoyennes sur le climat
Au printemps 2019, l’organisme Alternatives a eu une idée fructueuse : réunir 30 jeunes militant·e·s autochtones et allochtones, à la veille de la marche annuelle pour la justice sociale et climatique du 27 septembre, afin qu’ils puissent échanger sur ces enjeux.
Cette année-là, le mouvement pour le climat était très actif, particulièrement du côté des jeunes du secondaire. « Nous voulions mettre en contact 15 jeunes allochtones du mouvement Fridays for Climate avec 15 jeunes militants autochtones actifs dans leur communauté, se souvient Myriam Cloutier, qui travaillait alors aux communications et à la mobilisation pour Alternatives. Nous pensions que ce serait enrichissant pour ces jeunes allochtones de mieux comprendre la vision du monde, le lien à la Terre et au vivant, présents dans les traditions autochtones. Pour les jeunes Autochtones, nous nous disions que ce serait intéressant de rencontrer ces militants pour l’environnement, et de peut-être déconstruire certains préjugés. »
Un partenariat a été établi avec l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador afin d’organiser ces Rencontres citoyennes sur le climat, puis d’autres partenaires se sont ajoutés. « Nous avons organisé deux journées de formation qui culminaient avec la manifestation, où les jeunes allaient marcher ensemble. » Lors d’ateliers offerts par des conférenciers, ils ont pu élaborer une plateforme de revendications communes.
« Les jeunes étaient hyper allumés, raconte Myriam Cloutier. Nous avons vécu avec eux quelque chose de très fort. Ils ont réalisé qu’ils menaient la même lutte. Ces espaces-là sont rares et précieux. » Plusieurs d’entre eux ont continué à s’impliquer activement dans la protection du territoire.
Quelque 500 000 manifestant·e·s ont participé à la marche cette année-là, un record encore inégalé au Québec. La militante Greta Thunberg, présente à l’événement, avait demandé à marcher aux côtés de jeunes Autochtones. Le groupe réuni par Alternatives s’est ainsi retrouvé en tête du cortège, aux côtés de la jeune activiste, et conséquemment sur toutes les photos de presse, à travers le monde. « Nous étions dans un pic de mobilisation, et les jeunes ont vécu ça ensemble, souligne Myriam Cloutier. Ça crée des liens durables. »
Le Conseil jeunesse de Timiskaming
À la frontière du Québec et de l’Ontario, la Première Nation algonquine de Timiskaming s’est dotée, en 2021, d’une nouvelle instance donnant la parole aux jeunes.
« Nous disons toujours que nous travaillons pour les jeunes, pour leur futur, mais nous ne leur donnons pas vraiment voix au chapitre », explique le travailleur social Elijah Polson-Groulx, qui était à l’époque coordonnateur du Centre des jeunes. Le financement offert par le Secrétariat à la jeunesse a permis de changer la donne.
C’est ainsi qu’est né le Timiskaming Youth Council, le Conseil jeunesse, qui regroupe sept jeunes de 15 à 30 ans, dans une structure calquée sur le Conseil de bande, avec un chef, un vice-chef et des conseillers. Le Conseil de bande l’a d’ailleurs reconnu comme une instance jeunesse à part entière.
Cette nouvelle structure a permis aux jeunes d’exprimer ce qui était réellement important pour eux et leurs pairs, comme faire des sorties hors de la communauté, par exemple. Plusieurs d’entre eux n’en avaient presque jamais eu l’occasion.
Des activités ont également été organisées pour favoriser la transmission de pratiques et de savoirs culturels, comme le perlage et la chasse à l’oie. « Ils ont aussi appris les bases du piégeage, explique Elijah Polson-Groulx, et à travers cet enseignement, comment les Premières Nations utilisent le territoire : la Terre mère nous donne ce dont nous avons besoin, et nous devons lui offrir quelque chose en échange. »
De plus, les fonds alloués ont permis à ces jeunes d’assister à des séminaires, ailleurs au pays, portant sur le développement économique, l’éducation et la santé. Cette implication a également eu un impact sur leur parcours individuel. Plusieurs ont opté pour des études en sciences politiques, en droit ou en travail social. « Ils ont appris à repousser leurs limites, et ils continuent à se battre pour le bien commun », souligne Elijah Polson-Groulx.
Le Conseil jeunesse existe toujours, et permet aux jeunes de la communauté d’offrir leur perspective sur les sujets qui les concernent. « Par exemple, poursuit le travailleur social, ils décrivent les défis auxquels ils font face dans le système scolaire, le racisme, la discrimination, mais ils proposent aussi des attitudes saines face à ces problèmes. » Les liens intergénérationnels continuent à se renforcer : au printemps 2024, l’activité de chasse à l’oie a été un tel succès que les jeunes ont pu convier les aîné·e·s de la communauté à un festin!
Ils ont appris à repousser leurs limites, et ils continuent à se battre pour le bien commun.
Elijah Polson-Groulx
anciennement coordonnateur du Centre des jeunes de la nation algonquine de Timiskaming
La jeunesse d'Akwesasne mobilisée pour un environnement durable
C’est en 2019 que le Secrétariat international de l’eau a mis sur pied le programme Jeunesse d’Akwesasne mobilisée pour un environnement durable, raconte Vladimir Arana, coordonnateur des programmes et l’un des principaux porteurs du projet.
Puisque l’organisation travaillait déjà avec des jeunes d’un peu partout dans le monde, il était tout naturel de développer un projet spécifiquement destiné à la jeunesse d’Akwesasne, une communauté avec laquelle un beau lien de confiance s’était construit depuis une dizaine d’années déjà. « L’eau, pour eux, n’est pas un objet, explique Vladimir Arana. Elle est un membre de la famille. Elle est venue avant nous, et c’est grâce à elle si nous sommes là. Pour eux, l’eau s’inscrit dans une relation d’interdépendance avec la nature et la vie. »
La communauté se préoccupe donc énormément des enjeux liés à la protection de l’eau. « Le projet consistait à travailler sur la conservation de l’eau et l’adaptation aux changements climatiques, et sur les vulnérabilités de la communauté d’Akwesasne, à travers les jeunes. » Il s’est déployé sur trois ans et s’est décliné en plusieurs volets, dont une opération systématique de nettoyage des berges du fleuve, mais aussi des activités encourageant les jeunes à être proactifs dans la protection de l’eau au sein de leur communauté. Ces derniers ont assisté à des formations pour apprendre à gérer des projets et à bâtir des plaidoyers.
Ils ont aussi été mis en contact étroit avec les personnes aînées, traditionnellement responsables de ces questions, pour développer une approche intergénérationnelle. De plus, ils ont pu rencontrer des jeunes d’ailleurs au Québec, dont ceux qui s’impliquent dans le Parlement mondial de la jeunesse pour l’eau.
Terminé depuis mars 2022, le projet a servi de tremplin à d’autres initiatives de plus grande envergure. Il a permis au Secrétariat international de l’eau d’aller chercher de nouveaux fonds, afin que les jeunes puissent prendre part à plusieurs rassemblements internationaux, dont le Parlement nord-américain de la jeunesse pour l’eau ou le Forum mondial de l’eau à Bali, en Indonésie, en mai 2024. « C’est une reconnaissance de leur travail, de leur engagement, souligne Vladimir Arana, mais c’est aussi un espace pour eux, pour s’exprimer et faire entendre leur voix à l’international. »
C’est une reconnaissance de leur travail, de leur engagement, mais c’est aussi un espace pour eux, pour s’exprimer et faire entendre leur voix à l’international.
Vladimir Arana
Coordonnateur des programmes au Secrétariat international de l’eau
E Nehirowisiak : retour sur le territoire
Depuis plusieurs années, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) agit dans le but de tisser des liens durables avec les Premiers Peuples et d’offrir aux personnes étudiantes et employées qui en sont issues un environnement socialement et culturellement sécuritaire. Cet engagement de la part de l’établissement en faisait un terreau fertile pour le projet « E Nehirowisiak », du Centre d’expertise et d’innovation Ex Situ Expérience.
Au départ, ce projet visait à offrir un repère sécurisant aux étudiant·e·s issu·e·s des communautés autochtones au sein de leur environnement universitaire. Mais rapidement, une réalité s'est imposée : Trois-Rivières était déjà leur nouveau port d'attache. Ce dont ces jeunes adultes avaient besoin, c'était d'un retour sur le territoire.
« Chez Ex Situ Expérience, on se spécialise en intervention psychosociale par la nature et l’aventure, explique Sébastien Rojo, cofondateur du Centre. Mais culturellement, ces notions-là, ça n'était pas cohérent pour eux. On a donc décidé de passer par le territoire, porteur de culture, de connaissances et d'histoire. »
L'objectif : explorer la notion du retour sur le territoire afin de faire vivre des expériences autodéterminantes aux étudiant·e·s issu·e·s des communautés autochtones. « On ne parle pas ici d'autodétermination des peuples, mais plutôt de l'individu », précise Sébastien Rojo. Au fil des rencontres et des découvertes, on souhaite que ces jeunes adultes puissent se développer, tant dans leur identité que dans leur leadership.
Vivre le territoire donc, mais aussi, vivre le contact avec des membres aînés de leur communauté pour mieux s'y replonger. « On a la chance d'avoir Jacques Nawashich, un aîné de la communauté atikamekw, en résidence à l'UQTR, souligne M. Rojo. Non seulement il fait ce "trait d'union" entre les étudiant·e·s et l'université, mais aussi, il nous aide à moduler nos interventions. »
Le Centre vise à permettre aux jeunes autochtones de se ressourcer et de vivre pleinement le territoire. Grâce à la collaboration des aînés issus des Premières Nations, ceux-ci pourront avoir accès à des lieux ancestraux et à différents rituels leur permettant de renouer avec leur culture. Selon Sébastien Rojo, « les aînés, ces passeurs culturels, sont très ouverts, disponibles et enclins à partager. Ils sont conscients qu'il y a une déconnexion et on sent un profond intérêt à participer à ce genre d'expérience pour aider les jeunes à se reconnecter ».
Une première sortie de ressourcement a eu lieu à l’automne 2024. L’activité, couronnée de succès, a généré de nombreux retours positifs de la part des personnes qui y ont participé. Une deuxième sortie de ressourcement est d’ailleurs prévue pour la semaine de relâche 2025, qui sera suivie, souhaitons-le, de plusieurs autres retours sur le territoire.
Développement du plein potentiel : le parcours Uapikun
Créé en 2016 par le Dr Stanley Vollant, Puamun Meshkenu a pour mission d’inspirer et d’appuyer les Peuples autochtones afin qu’ils développent leur plein potentiel. L’organisme à but non lucratif (OBNL) met en œuvre des projets dans le but de marquer de façon fondamentale la vie des jeunes autochtones. Le Parcours Uapikun est un de ceux-ci.
Le Parcours Uapikun a été conçu par l’OBNL Puamun Meshkenu afin de permettre aux jeunes Autochtones de 18 à 35 ans de se découvrir, d’apprendre et de grandir en harmonie avec leur culture, le tout dans l'optique de développer leur plein potentiel. Le nom du projet en lui-même est porteur de sens : « uapikun » signifie « fleur » en innu-aimun. Le programme de développement personnel, d'une durée totale de trois mois, se déploie en trois volets : s’enraciner, grandir et fleurir.
Pour la première étape du projet, soit « s'enraciner », des jeunes Autochtones de partout à travers la province se sont réunis le temps d'une fin de semaine dans la région de Québec. Du 24 au 26 janvier 2025, les participant·e·s ont appris à se connaître, ont tissé des liens et ont exploré leur identité de façon introspective. Tous ont aussi pu échanger avec des personnalités autochtones inspirantes, comme la conférencière et blogueuse Audrey-Lise Rock-Hervieux et le danseur de Pikogan Stephane Mapachee. « L'objectif de cette fin de semaine-là, c'était de créer un sentiment d'appartenance entre les jeunes qui participent au projet, mais aussi, envers le projet lui-même », explique Jay Launière-Mathias, directeur général de Puamun Meshkenu.
Sous le volet « grandir », on trouve des ateliers en ligne où on explore différentes thématiques, comme l'identité, l'histoire et la politique. Lors de ces rencontres virtuelles, qui se tiennent chaque semaine jusqu'au 10 mars 2025, les jeunes Autochtones sont invités à développer leur esprit critique en échangeant sur des enjeux qui les touchent personnellement. « C'est un espace pour discuter, débattre, apprendre et se nourrir collectivement », ajoute Jay Launière-Mathias.
Finalement, le troisième et dernier volet du Parcours Uapikun se tiendra du 20 au 23 mars 2025. Pour « fleurir », les participant·e·s prendront part à une expédition de quatre jours en territoire autochtone. Cette activité explorera d'autres formes d'apprentissage, axées sur le territoire et les traditions.
Au terme du Parcours Uapikun, l'équipe de Puamun Meshkenu espère voir émerger de nouveaux jeunes leaders autochtones. Mais plus que tout, ils souhaitent inciter les jeunes autochtones à prendre la place qu'ils ont envie de prendre, quelle qu'elle soit.
Le parcours Uapikun en images
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* Pour découvrir d’autres projets inspirants mis sur pied par ou pour les jeunes des nations autochtones, consultez nos récits numériques sur le site de Radio-Canada, qui rassemblent de belles histoires sous forme d’articles, de vidéos et de balados.