Alimentation institutionnelle

Alimentation locale à l'hôpital: au tour du CHUM de prendre le virage

Alimentation locale à l'hôpital: au tour du CHUM de prendre le virage

C’est vraiment encourageant de constater que les acteurs du milieu agroalimentaire sont de plus en plus nombreux à collaborer pour encourager l’approvisionnement local. Nous en avons eu une belle preuve, récemment, lors de l’événement Court-circuit qui s’est tenu à Montréal le 9 mars dernier.

Journée de maillage et de conférences, cet événement m’a permis de découvrir plusieurs belles initiatives visant à améliorer nos systèmes alimentaires, en offrant des produits locaux de qualité en abondance dans les assiettes de tous les Québécois.

J’ai tout particulièrement apprécié la présentation d’Annie Lavoie, chef Production alimentaire — approvisionnement, planification, logistique au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Elle y présentait les mesures mises en place par l’institution pour encourager l’achat de produits locaux (et biologiques si possible) dans sa chaîne de préparation des repas servis aux patients, ainsi que ceux offerts au menu des cafétérias des employés et des visiteurs.

Un partenariat innovant

Pour réaliser ce virage, Annie Lavoie a suivi le pas, sans le savoir, du CHU Ste-Justine qui a mis en place une initiative similaire à l’été 2018. Premier hôpital à effectuer un virage local dans son approvisionnement alimentaire, le CHUSJ a développé un partenariat avec l’organisme Équiterre afin de trouver des agriculteurs capables de fournir suffisamment de produits frais pour répondre aux besoins du personnel de l’institution, des patients et des visiteurs.

En septembre de la même année, Annie Lavoie a communiqué à son tour avec Équiterre, afin d’explorer un approvisionnement en fruits et légumes locaux pour les services alimentaires du CHUM. C’est là qu’elle a découvert qu’Équiterre avait déjà une telle entente avec le CHUSJ. Tout aussi intéressante soit-elle, cette approche devait toutefois être adaptée à la réalité du CHUM, un hôpital d’une taille beaucoup plus considérable que le CHUSJ. À titre d’exemple, le CHUM compte trois fois plus d’employés que le CHUSJ ! Concrètement, cela représente beaucoup plus de repas à servir quotidiennement, dans les cafétérias et les chambres des patients.

Pour mettre sur pied un partenariat adapté à la taille du centre hospitalier, l’équipe d’Annie Lavoie a dû relever de nombreux défis, notamment pour répondre aux exigences des règles d’approvisionnement qui s’appliquent aux institutions publiques. « Les règles nous imposent notamment de faire un appel d’offres sur invitation pour tout contrat qui dépasse 25 000 $, tandis que pour les contrats de plus de 100 000 $, on doit procéder avec des appels d’offres publiques. Dans tous les cas, ce sera le plus bas soumissionnaire qui remportera l’appel d’offres. » À cela s’ajoutent les règles liées au respect des ententes de libre-échange en vigueur.

Puisque les produits importés sont souvent les moins chers, les fournisseurs de ces produits sont donc avantagés face aux fournisseurs de produits locaux. Dans le cas particulier des fruits et légumes frais, il est toutefois impossible d’obtenir un prix fixe pour l’année, étant donné les variations en fonction du climat qui affectera inévitablement les récoltes, par exemple. C’est là, précise Annie Lavoie, que les institutions ont une certaine marge de manœuvre.

« En ajoutant des critères de développement durable aux produits qu’on voulait mettre en appel d’offres, cela nous a permis d’être un peu plus protectionnistes, précise Annie Lavoie. On peut donc indiquer dans notre appel d’offres que l’on cherche un fournisseur de tomates cultivées sans pesticides et provenant d’un maraîcher situé à moins de 100 km du CHUM. » De cette façon, ils ont réussi à contourner une partie des règles pour entamer leur collaboration avec Les Jardins de Tessa, un producteur maraîcher de Frelighsburg, en Estrie.

Comprendre la réalité de chacun

Une fois les ententes conclues, les nouveaux partenaires ont dû revoir certaines de leurs opérations habituelles, tant du côté du service alimentaire que du maraîcher. « Nous avons organisé des visites à la ferme pour que les employés de l’hôpital comprennent, par exemple, pourquoi il reste de la terre sur les laitues lorsqu’elles arrivent aux services alimentaires », explique Annie Lavoie. À leur tour, les maraîchers ont été invités à visiter le service alimentaire de l’hôpital pour mieux comprendre la dynamique de travail, les installations sur place et l’importance de la standardisation des opérations.

Journée de visite aux Jardins de Tessa

Cette manière de faire a permis aux employés, tant du côté de l’hôpital que de la ferme, de s’adapter et mieux collaborer. Une pratique que bon nombre d’entreprises gagneraient à adopter, croit Annie Lavoie : « Il est d’ailleurs beaucoup plus facile de faire affaire directement avec un maraîcher qu’avec un distributeur », souligne-t-elle.

Transmettre la bonne nouvelle

Une fois que le nouveau partenariat a été effectif et que les aliments locaux ont commencé à garnir les différents menus servis à l’hôpital, l’équipe du CHUM est passée à une autre étape : la communication.

En étroite collaboration avec Équiterre, l’équipe d’Annie Lavoie a mis en branle une série de mesures pour publiciser ce changement de cap auprès de tous les usagers des services alimentaires du CHUM, dans une démarche d’éducation et de sensibilisation. « Il y a de la publicité à ce sujet à la cafétéria, raconte Annie Lavoie. Nous avons également des écrans qui diffusent l’information. Pour les patients, nous l’indiquons sur les coupons repas. »

Montrer la voie

Il peut paraître irréaliste de repenser les achats d’une institution de santé, alors que leurs gestionnaires doivent composer avec des budgets déjà considérablement limités. Pourtant, chacun à leur manière, le CHUSJ et le CHUM ont fait la preuve que les hôpitaux peuvent miser sur un approvisionnement local, en prenant le temps d’analyser, de prévoir et de mettre en œuvre toutes les étapes nécessaires à un tel changement.

C’est aussi un excellent exemple pour encourager d’autres organisations à faire de même. En partageant nos expériences et nos expertises, tout le monde gagne à mettre davantage d’aliments locaux et biologiques dans nos assiettes, que ce soit à la maison, au restaurant et dans nos institutions.

 

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Visionnez la conférence de Murielle Vrins, de l’organisme Équiterre : « Du bio local à l’école, à la garderie et dans nos hôpitaux ! »

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