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Fruit d’une ténacité remarquable et d’un partenariat innovant, la ruelle bleue-verte du Bâtiment 7 est enfin devenue réalité. Retour sur un projet-pilote audacieux et unique en son genre.
L’effervescence et la fierté étaient palpables lors d’un événement qui a récemment souligné l’aboutissement du projet-pilote de la ruelle bleue-verte du Bâtiment 7. Tous les partenaires de ce projet étaient présents, y compris une délégation d’abeilles des ruches de La Fermette butinant avec ardeur les verges d’or, les achillées millefeuilles et autres végétaux indigènes plantés tout au long de cet aménagement de 110 m de long.
Qu’est-ce qu’une ruelle bleue-verte ?
Dans une ruelle bleue-verte, les drains des toits plats sont déconnectés du réseau municipal, ce qui permet de rediriger les eaux pluviales vers des bassins végétalisés situés dans la ruelle. Ces bassins retiennent davantage d’eau de pluie et délestent ainsi les égouts en cas de pluies intenses.
La gestion des eaux pluviales dans une ruelle bleue-verte relève donc à la fois du domaine public (la ruelle) et du domaine privé (les toits et les abords des bâtiments). Voilà pourquoi la réalisation de ce projet a nécessité un travail conjoint entre l’Alliance Ruelles bleues-vertes1et le Service de l’eau de la Ville. Cette collaboration a mené à l’adoption du règlement 20-030, qui permet une gouvernance partagée de l’infrastructure et de son entretien.
Un arrondissement proactif
Au cours de cette inauguration, différents acteur·trice·s ont pris la parole pour souligner le travail accompli depuis 10 ans. Pour Benoit Dorais, maire de l’arrondissement du Sud-Ouest et vice-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, il était naturel d’investir dans l’aménagement de la ruelle bleue-verte du Bâtiment 7. « Nous avons un devoir d’action en matière de résilience climatique et d’amélioration des milieux de vie, a-t-il affirmé. Cette infrastructure répond à ces priorités et consolide les dimensions sociale et environnementale du Bâtiment 7. »
L’arrondissement, qui est le principal bailleur de fonds, a investi près 2 millions $2, auxquels s’ajoute notamment la participation du service des travaux publics.
La ruelle bleue-verte : un aménagement urbain polyvalent
« De plus en plus, quand on aménage le territoire, il faut faire d’une pierre plusieurs coups, et la ruelle bleue-verte le fait très bien, a déclaré Marie-Andrée Mauger, mairesse de Verdun et membre du comité exécutif, responsable de la transition écologique et de l’environnement à la Ville de Montréal. Cette infrastructure verte permet de mieux gérer l’eau de pluie, tout en améliorant la biodiversité et en enracinant la nature en ville. »
Directrice du Centre d’écologie urbaine de Montréal, Véronique Fournier a également insisté sur ce point, et sur le fait que cet aménagement a été réalisé dans un milieu déjà bâti. « C’est en réaménageant le cadre bâti qu’on trouve des solutions à la gestion actuelle des eaux pluviales et non pas en attendant de nouveaux projets de construction », a-t-elle précisé.
Citoyen·ne·s et chercheur·e·s à l’œuvre
Pascale Rouillé, urbaniste et directrice générale des Ateliers Ublo, membre de l’Alliance Ruelles bleue-vertes, a salué l’ampleur de la collaboration et des partenariats autour de la ruelle bleue-verte, ainsi que la participation communautaire et citoyenne. « L’adoption du règlement 20-030 par la Ville de Montréal est un jalon essentiel du projet, car elle permet à plusieurs acteurs de s’unir pour gérer de façon commune les eaux pluviales », a-t-elle ajouté.
Pascale Rouillé a de plus souligné l’implication de nombreux chercheur·e·s issus de cinq universités3 et de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). « Les chercheurs ont non seulement fait évoluer les pratiques de gestion des eaux pluviales, mais vont également continuer à suivre l’évolution de la ruelle bleue-verte, notamment au chapitre de la survie des végétaux, du fonctionnement hydraulique et de l’entretien autogéré de cette infrastructure verte », a-t-elle précisé.
De plus, comme le montre la photo ci-dessous, la ruelle a très bien joué son rôle de rétention lors des pluies torrentielles qui se sont abattues sur Montréal le 13 juillet dernier.
Participation et appropriation citoyenne
« C’est une victoire de voir cette ruelle bleue-verte aménagée aujourd’hui, car, à toutes les étapes du projet, des citoyens et des citoyennes se sont mobilisés », a fait valoir avec enthousiasme Véronique Houle, chargée de projet au développement – aménagements extérieurs du Bâtiment 7. Elle a également souligné l’engagement de toutes les équipes du Bâtiment 7, dont celle de La Fermette, qui a organisé et supervisé les nombreux bénévoles lors de la plantation de 2000 végétaux spécifiquement choisis pour rendre les bassins de biorétention efficaces tout en étant beaux à voir.
Caroline Monast-Landriault et Michelle Duchesneau, membres du Cercle Quartier du Bâtiment 7, ont ensuite rappelé que le Bâtiment 7 actuel est le résultat d’une longue et âpre lutte menée par des citoyens et des groupes communautaires qui se sont opposés à la construction d’un casino dans ce quartier populaire. Leur ténacité a porté fruit puisque le Bâtiment 7 accueille maintenant de nombreux projets qui répondent aux besoins des gens du quartier, dont une épicerie autogérée, une brasserie coopérative, des ateliers d’art et une ferme urbaine.
Un guide pour faire essaimer les ruelles bleues-vertes
L’Alliance Ruelles bleues-vertes a produit un guide mettant en lumière les innovations qui caractérisent ce projet. Les auteur·e·s précisent qu’une analyse complète du cycle de vie, incluant les bénéfices environnementaux, est nécessaire pour établir un seuil de rentabilité pour ce type d’aménagement urbain.
Il est vrai que la ruelle du Bâtiment 7 n’est pas représentative de la majorité des ruelles de Montréal, car celles-ci jouxtent les terrains de nombreux propriétaires, reconnaissent les auteur·e·s de ce guide. Toutefois, ils font valoir que sa construction montre « qu’une gestion mutualisée des eaux de pluie par des infrastructures vertes est possible et qu’il est envisageable que des projets similaires voient le jour sur le territoire québécois ».
Par ailleurs, on ne peut que se réjouir que les citoyens de Pointe-Saint-Charles puissent profiter de cette infrastructure remarquable, qui inclut des éléments pédagogiques, et auquel l’Association québécoise du loisir municipal vient tout juste d’accorder son prix « Coup de cœur ». De plus, le projet est finaliste au Gala 2023 du du Conseil régional de l’environnement de Montréal.
1. L’Alliance Ruelles bleues-vertes est constituée des Ateliers Ublo, du Centre d’écologie urbaine de Montréal, du Collectif 7 À NOUS, de la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal et de Vinci Consultants.
2. Le projet a également été financé par la Fédération canadienne des municipalités à travers son programme Municipalités pour l’innovation climatique (MIC) financé par le Gouvernement du Canada, et par le Gouvernement du Québec à travers son Fonds d’initiative et de rayonnement de la métropole (FIRM), ainsi que son programme de soutien aux municipalités dans la mise en place d’infrastructures de gestion durable des eaux de pluie à la source (PGDEP)
3. UQAM, Université Concordia, Université de Montréal, Université Laval et Université de Sherbrooke.
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