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En hiver, à l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau en Outaouais, tous les élèves font du ski de fond durant les cours d’éducation physique. Et, en 2021, un réseau de sentiers a été amélioré et tracé mécaniquement, grâce à une inspirante collaboration entre le milieu scolaire, le milieu municipal et le Marathon canadien de ski de fond. Histoire d’un projet effervescent.
Cette initiative, qui profite également aux citoyens de la MRC en dehors des heures de classe, est le fruit d’une complémentarité exemplaire entre quatre « mousquetaires »:
Tobie Adam-Meunier est enseignant d’éducation physique depuis quatre ans à l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau située à Papineauville, dans la MRC Papineau aussi appelée la Petite-Nation. Passionné de plein air, il a notamment créé le club parascolaire « Les coureurs des bois ».
Frédéric Ménard est enseignant d’éducation physique dans cette même école depuis 18 ans. Depuis huit ans, il occupe cet emploi à temps partiel, car il est le directeur général du Marathon Canadien de Ski, un événement non compétitif de ski de fond, qui a lieu chaque année depuis 55 ans.
Patrick Chartrand est le responsable sports, loisirs, culture et promotion touristique de la municipalité de Papineauville. Son bureau est dans le centre communautaire situé à quelques pas de l’école Louis-Joseph-Papineau, ce qui facilite grandement les échanges avec les enseignants d’éducation physique.
Éric Desjardins est agent de développement en sport et loisir pour la Corporation des loisirs, un OBNL mandaté par la MRC de Papineau et dont les bureaux sont à Papineauville.
Le ski de fond à l’école secondaire
Depuis deux ans, de janvier à mars, les quelque 530 étudiants qui fréquentent l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau ne se posent pas de questions au sujet de leurs cours d’éducation physique : ça se passe dehors, avec des skis de fond aux pieds. Les quatre enseignants peuvent en effet compter sur une flotte de skis acquise au fil des années, grâce à diverses subventions obtenues par Tobie Adam-Meunier auprès de Loisirs et Sport Outaouais.
« Le plus important, pour que cette activité soit agréable, c’est d’avoir suffisamment de bottes pour que chaque élève trouve la bonne pointure et skie les pieds bien au sec, quel que soit le moment de la journée où il fait de l’éducation physique, explique l’enseignant. Comme nous sommes dans un milieu défavorisé, nous prêtons également des manteaux, des gants et des mitaines aux élèves moins bien équipés, afin qu’ils aient du plaisir à être dehors. »
Le fonctionnement des cours est bien rodé. « Nous avons amélioré la gestion du matériel pour faciliter les transitions et mes élèves sont tellement motivés qu’ils sont prêts à sortir avec skis et bâtons en main avant la cloche, raconte Tobie Adam-Meunier. Certains élèves sortent même skier le midi ou participent à l’activité parascolaire de ski que j’anime une fois par semaine. »
Généralement, deux classes font du ski de fond en même temps. Les enseignants circulent dans les sentiers et communiquent par radio pour gérer l’ensemble du groupe. « J’utilise une application de traçage qui me permet de savoir exactement ce que mes élèves de 3e et 4e année ont fait durant le cours, indique Frédéric Ménard. Ils sont contents d’avoir une certaine autonomie, mais doivent toujours partir à deux et revenir à une heure précise. »
Jusqu’en 2019, les cours de ski de fond avaient lieu sur le terrain à l’arrière de l’école, mais les sentiers empruntés par les jeunes n’étaient pas tracés mécaniquement. La collaboration entre les quatre mousquetaires a changé la donne.
Deux subventions qui changent tout
En 2019, Frédéric Ménard a fait une demande de subvention de 5000 $ auprès de Loisir sport Outaouais au nom du Marathon Canadien de ski pour l’achat d’une surfaceuse. « Je savais que nous avions plus de chance d’obtenir cette subvention que la municipalité, mais bien sûr, la demande était accompagnée de lettres de partenariat produites par le Centre de services scolaire au Cœur-des-Vallées (CSSCV), la municipalité, l’école et la Corporation des loisirs. » Cet équipement a ensuite été acquis par la municipalité, qui assume les frais relatifs à l’entreposage, l’entretien et l’assurance. Les frais de traçage sont partagés entre la ville et l’école.
« La collaboration entre la municipalité et le CSSCV était déjà en place pour le partage d’autres espaces, précise Patrick Chartrand. Par exemple, la piscine de l’école est ouverte aux citoyens et l’école utilise le grand centre communautaire qui appartient à la ville, notamment pour les cours d’éducation physique. Ce projet nous amène sur une lancée encore plus fructueuse, car les sentiers de ski de fond sont à la disposition des citoyens en dehors des heures de classe. Et ils en profitent bien ! »
Après l’achat de la surfaceuse, c’est Éric Desjardins, de la Corporation des loisirs de la MRC, qui est entré en action, en proposant de faire une demande d’aide financière dans le cadre du Programme d’aide financière pour les sentiers et les sites de pratique d’activités de plein air. Dans ce cas, la demande devait être déposée par la municipalité. « Patrick a fait avancer le projet au niveau municipal et nous sommes allés de l’avant, raconte Éric Desjardins. Pour soutenir la demande d’aide financière de 50 000 $, j’ai produit un solide plan d’aménagement des sentiers et mis en valeur le potentiel extraordinaire de ce projet pour la collectivité. Et nous avons obtenu cette subvention ! »
Des sentiers parfaits pour le ski de fond
Pour explorer à fond le terrain et bien évaluer les travaux à faire, Éric Desjardins et Tobie Adam-Meunier ont arpenté ensemble les sentiers existants « Nous avons passé au moins 15 heures sur le terrain, précise Tobie Adam-Meunier, absolument ravi du résultat de cette collaboration entre les différents acteurs concernés. Du côté de la cartographie, les nombreux contacts de Frédéric Ménard dans le milieu du ski de fond ont été fort utiles. »
Les travaux ont notamment permis de rendre les sentiers conformes à la largeur recommandée par Ski de fond Québec. « Nous avons également construit des ponceaux et ajouté deux nouveaux sentiers pour obtenir une belle boucle, se réjouit Patrick Chartrand. Nos citoyens ont maintenant accès à un lieu sécuritaire très bien aménagé pour le ski de fond en hiver, ainsi que pour la marche ou le vélo durant les autres saisons. »
La culture du ski de fond dans le milieu scolaire
Le Marathon Canadien de Ski a créé un programme et un événement qui contribuent à ancrer une culture du ski de fond dans l’ensemble des écoles de la région.
Le programme Ski à l’école, amorcé en 2016, consiste à initier les élèves de 6 à 16 ans au ski de fond dans les cours des écoles et les terrains adjacents. Actuellement présent dans les quatre MRC de l’Outaouais, ainsi qu’à Gatineau, Ski à l’école fournit gratuitement skis et accompagnement aux enseignants d’éducation physique.
Depuis 2015, le Marathon Canadien de Ski organise également le Mini Marathon Scolaire réservé aux élèves des écoles primaires. « Cet événement a attiré 950 élèves provenant de 21 écoles en 2020 ! rapporte Frédéric Ménard. Tout comme le Marathon Canadien de ski, cet événement est festif et inclusif, car il s’agit d’une randonnée et non pas d’une course. Chaque enfant obtient la même médaille après avoir parcouru, à son rythme, 6, 8 ou 12 km. »
Pour Frédéric Ménard, associer l’activité physique à des moments positifs et amusants vécus avec des amis augmente de beaucoup les probabilités que les jeunes restent actifs ou qu’ils se remettent au ski de fond à l’âge adulte.
« C’est le plaisir, bien plus que la performance, qui incite les ados à persévérer dans une activité physique. À notre école, les élèves ne se plaignent pas du froid, parce que c’est ancré dans les mœurs de s’habiller chaudement et de regarder la météo le matin avant de prendre l’autobus pour l’école. Quand une bordée de neige est annoncée… les jeunes sont heureux ! »
Du ski de fond gratuit dans quatre centres privés
La culture du ski de fond est loin de se limiter au réseau scolaire dans la Petite-Nation. Depuis 2015, la Corporation des loisirs de Papineau orchestre le projet Ski la Seigneurie, auquel participent 10 municipalités.
« Il s’agit d’un partenariat avec trois centres privés de ski de fond de la région, explique Éric Desjardins. En échange d’une cotisation annuelle déboursée par leur municipalité, les citoyens ont gratuitement accès à 86 km de sentiers de ski de fond, moyennant l’achat d’une carte à un prix minime. Le nombre de cartes vendues a augmenté graduellement au fil des ans, mais l’engouement a explosé durant la pandémie : 1200 personnes se sont procuré une carte d’accès au réseau, soit deux fois plus que l’année précédente ! »
Le programme Ski à l’école a de plus bonifié cette entente en offrant de l’équipement gratuit lors de rendez-vous familiaux d’initiation organisés tous les samedis, en alternance, dans les centres partenaires.
Des projets bouillonnants
Croire que les quatre mousquetaires s’arrêteraient en si bon chemin, c’est bien mal les connaître. Des pistes de raquettes sont déjà en préparation pour 2023, et, à plus long terme, le prolongement des sentiers est déjà sur la table à dessin. Des ententes avec des propriétaires de terrains permettraient de rallonger les sentiers de l’école dans deux directions : 10 km vers l’est pour les raccorder au réseau de ski de fond du Fairmont Le Château Montebello et 10 km vers l’ouest pour rejoindre le Parc national de Plaisance.
Un raccordement plus local, mais non moins important, reliera un projet résidentiel qui est en cours de construction sur un terrain adjacent aux sentiers de l’école. « J’ai discuté avec Patrick Chartrand pour voir si un raccordement direct était possible, raconte Frédéric Ménard. Il a travaillé avec le service d’urbanisme qui, en vertu de la Contribution aux fins de parc, a demandé au promoteur d’aménager des ruelles permettant à chaque propriétaire d’avoir un accès piétonnier direct aux sentiers. »
La Petite-Nation, qui compte 23 000 citoyens, est tissée serrée. Les mousquetaires soulignent de façon unanime qu’il y a des avantages à travailler dans une région rurale, même si le milieu est défavorisé. « Nous nous connaissons bien, ce qui a beaucoup facilité notre collaboration et permis la réalisation de ce projet très porteur pour la collectivité », confie Patrick Chartrand.
Le mot de la fin revient à Tobie Adam-Meunier. « On se plaint souvent qu’il n’y a pas d’argent dans le milieu scolaire, souligne-t-il. Mais si tu cognes aux bonnes portes avec des projets bien préparés, il y en a de l’argent pour les écoles. Il ne faut pas avoir peur de ses rêves, il faut en parler dans son réseau, les nourrir et avoir de la patience. Cette idée d’améliorer et de tracer les sentiers était dans l’air depuis des années ! »