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On dit souvent que « tout se joue avant six ans ». Heureusement, en réalité, le cerveau humain n’atteint sa maturité que vers l’âge de 25 ans[1] et n’arrête jamais de s’adapter. Nous apprenons tout au long de notre vie ! Néanmoins, les expériences vécues au cours de la petite enfance jettent les bases sur lesquelles se construisent la personnalité, les relations, les habitudes de vie, le rapport au monde de l’enfant. Il est vrai qu’il s’agit d’une période sensible et déterminante.
En 2015-2016, 4,8 % des enfants québécois de 1 à 5 ans, soit 22 010 tout-petits, avaient reçu un diagnostic de trouble mental[2]. La proportion d’enfants de cet âge ayant reçu un diagnostic de TDAH et de trouble du spectre de l’autisme a connu une augmentation au cours des dernières années. On estime, par ailleurs, que près d’un enfant à la maternelle sur dix est vulnérable dans l’un des domaines suivants : maturité affective (9,7 %), compétences sociales (9 %), santé physique et bien-être (9,5 %). Toutes des dimensions du développement liées de près à la santé mentale.[3]
Le développement et le maintien d’une bonne santé mentale sont le fruit d’une multitude d’influences. De 0 à 5 ans, la sécurité physique et affective, la qualité des soins offerts à la maison et au service de garde, la stabilité des relations, la chaleur humaine et l’amour reçus, le cadre et la routine jouent un rôle dans l’équilibre émotionnel et le bien-être de l’enfant.
Des tout-petits sécurisés et sains d’esprit
Que vous soyez parents, ou éducateurs-trices, voici quelques pistes d’actions pour développer le sentiment de sécurité de vos tout-petits au quotidien, et leur bien-être plus général. Vous contribuerez ainsi à ériger de bons piliers pour leur équilibre futur.
1- Repérer le besoin
Pour assurer la santé et le bien-être d’un tout-petit, veiller à reconnaître et combler ses besoins physiques — comme manger, boire, dormir, se réchauffer ou bouger — et ses besoins affectifs - comme recevoir de l’affection, être rassuré ou écouté - est la pierre angulaire. Un enfant dont les besoins sont bien interprétés et qui reçoit des réponses satisfaisantes à ceux-ci — la perfection n’étant pas de ce monde — acquiert un sentiment de sécurité affective. C’est cette base qu’il solidifie peu à peu qui le rend disponible pour explorer l’univers qui l’entoure et en tirer des apprentissages.
Les tout-petits ont besoin de stabilité. Toutefois, les imprévus et les changements sont inévitables. Pour qu’ils se sentent en sécurité, on peut aider les enfants en bas âge à comprendre ce qui leur arrive, à anticiper les nouveautés et à se préparer aux petits et grands changements, tels une visite ou un déménagement. Leur donner la possibilité de faire des choix appropriés à leur développement, tout comme tenir compte de leurs goûts, de leurs sensibilités et de leurs limites favorise également leur sécurité affective.
2- Soigner l’environnement
Le tout-petit se développe à travers ses contacts avec tout ce qui l’entoure : ses parents, ses frères et sœurs, l’éducatrice et les enfants de son groupe au service de garde, la maison, le terrain et la salle de jeu, le quartier… La qualité des environnements dans lesquels il grandit exerce une grande influence sur son bien-être psychologique. Ainsi, voir à ce que l’environnement du tout-petit soit sain et stimulant est un moyen essentiel d’assurer son bien-être.
Le stress fait partie de la vie. Toutefois, une situation de conflits importants, ou impliquant d’autres types de stress chroniques ou élevés, peut nuire au bien-être psychologique d’un enfant. Dans ces situations, il faut agir le plus rapidement possible, car le temps chez le tout-petit ne se mesure pas comme chez l’adulte. Réduire le stress autour des tout-petits et de leurs familles n’est pas toujours simple, mais c’est toujours important.
3- Moins d’écrans
Certains changements des dernières décennies comme l’éloignement de la nature, la pollution, le rythme actuel de la vie et la présence accrue des technologies peuvent se répercuter sur la santé et le bien-être des enfants. Des chercheurs ont découvert qu’un enfant américain sur trois est capable d’utiliser un téléphone intelligent ou une tablette électronique avant de savoir parler. Cela illustre bien comment l’environnement dans lequel les tout-petits grandissent s’est transformé.
Les temps de routine représentent des moments charnières, entre autres pour nourrir la relation entre l’adulte et l’enfant. Il est possible que la présence d’écrans pendant ces activités puisse interférer avec ces occasions de développement social et affectif pour l’enfant[4]. En effet, l’exposition aux écrans au cours des routines journalières — éveil, changement de couche et toilette, habillement, repas, sieste, bain, coucher — pourrait même entraîner des retards de développement socioaffectif[5].
Les médias électroniques sont distrayants pour les tout-petits — la télévision en arrière-plan, en particulier —. Ils peuvent limiter d’importantes opportunités d’apprentissage[6]. D’ailleurs, un excès de temps-écran en bas âge affecterait le développement des fonctions exécutives. Ces dernières sont liées à la régulation de l’attention, des pensées, des émotions et du comportement[7].
4- Prioriser le jeu libre
L’enfant de 0 à 5 ans a besoin de jouer pour être heureux. Il s’agit de son moyen naturel et privilégié pour découvrir et apprendre. Avec les meilleures intentions possible, les parents et éducateurs tendent parfois à surcharger les horaires des tout-petits d’activités sociales et éducatives. Pourtant, les tout-petits ont avant tout besoin de temps pour jouer librement dans des conditions propices.
Alléger les horaires des tout-petits est souvent une meilleure stratégie pour accroître leur bien-être que de leur trouver une activité à faire, aussi bonne soit-elle pour leur développement social et affectif. Entre 0 et 5 ans, rien n’est plus profitable que de tracer des chemins dans la neige, jouer aux dragons, lancer des cailloux dans une flaque d’eau, bref, que d’avoir le temps d’être un enfant !
5- Les défis
Dès son tout jeune âge, l’enfant a besoin de relever des défis pour progresser et gagner en confiance. Offrir des occasions au tout-petit d’accomplir des actions difficiles, mais réalisables avec de la pratique ou avec un petit coup de pouce, est essentiel.
Pour offrir ces opportunités d’apprentissage en or aux tout-petits, les adultes qui en prennent soin doivent toutefois faire preuve d’une certaine tolérance au risque. Sans mettre l’enfant dans une situation de réel danger physique ou psychologique, le parent ou l’éducateur a tout avantage à encourager l’enfant à tenter des expériences où il risque de se salir, peut-être même de s’érafler un peu le genou, surtout, de vivre des difficultés et des échecs. Ces occasions sont idéales pour accompagner l’enfant dans la découverte et la gestion de ses émotions, ainsi que dans l’apprentissage de la résolution de problèmes.
6- Leur permettre de bouger et de jouir de la nature
On dit que les tout-petits ne s’arrêtent jamais et c’est vrai qu’ils ont de l’énergie à revendre. Toutefois, nombreux sont les freins aux mouvements des enfants : horaires quotidiens chargés, déplacements en voiture, espaces de jeu restreints, activités sédentaires et consignes de sécurité, entre autres. Dans les faits, la vaste majorité des enfants de 0 à 5 ans ne bénéficient pas des trois heures et plus d’activité physique par jour dont ils ont besoin pour grandir en santé[8].
Pour qui veut voir grandir des tout-petits heureux, réduire les obstacles à l’activité physique est un incontournable.
La nature offre des avantages inégalés pour la santé physique et psychologique. Plus les tout-petits sont en contact avec l’air frais, les horizons, les arbres, les reliefs, la terre, mieux ils se sentiront dans leur corps, leur tête et leur cœur.
7- Des adultes bienveillants
Veiller au développement d’une santé mentale optimale chez un tout-petit ne peut entièrement reposer sur les épaules de ses parents et éducateurs.
Répondre aux besoins affectifs et sociaux d’un enfant de 0 à 5 ans est un contrat de tous les instants. L’enfant se développe le jour et la nuit, à chaque respiration, à travers chacune de ses interactions avec le monde. Ainsi, favoriser la santé, le bien-être et le développement social, moral et affectif d’un jeune enfant s’inscrit dans tous les gestes qui se répercutent sur lui : les mots qu’on lui adresse à l’heure du dodo, l’exemple que l’on donne quand on est triste ou en colère, comme les occasions qu’on lui offre de jouer ou de côtoyer d’autres enfants.
Pour jouer leur rôle au mieux, les adultes qui voient aux soins des tout-petits se doivent d’être disponibles et bienveillants. Pour cela, il est essentiel qu’ils bénéficient des ressources personnelles, familiales et communautaires nécessaires à leur propre bien-être.
Ensemble pour nos tout-petits
Pour offrir l’environnement et les soins appropriés au bien-être et à l’épanouissement des tout-petits, nous avons tous un rôle à jouer. Les parents ont eux-mêmes besoin d’appui, de moyens, de sécurité et d’équilibre pour être en mesure de jouer pleinement leur rôle auprès de leurs enfants. Les services de garde de qualité doivent être adéquatement soutenus pour réaliser leur importante mission. La place des tout-petits dans la société mérite d’être réfléchie et redéfinie à la lumière des transformations sociales des dernières décennies. Les environnements naturels doivent impérativement être préservés et les espaces de détente et de jeu multipliés. Nombreuses et variées sont les actions pouvant avoir un impact sur la santé mentale des enfants de 0 à 5 ans.
Ainsi, la santé et le bien-être des tout-petits c’est l’affaire de tous, et chacun d’entre nous peut y contribuer ! Investir dans la santé mentale des tout-petits, c’est récolter des sourires aujourd’hui et des adultes équilibrés, épanouis, autonomes et engagés demain.
Pour en savoir plus
À consulter:
- Pour une définition de la santé mentale, qui va bien au-delà de l’absence de maladie (Mouvement Santé mentale Québec)
Visionnez également les conférences suivantes:
- François Cardinal | Jouer dehors: faire face au déficit nature
- Bruno Durand | Jeu libre : au cœur du développement de l’enfant
Références bibliographiques:
[1] Naitre et grandir (Novembre 2018). Le développement général du cerveau
[2] Observatoire des tout-petits (2017). Comment se portent les tout-petits québécois?, Portait 2017
[3] Institut de la statistique du Québec, 2017, Développement et adaptation sociale, Tableaux
Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle
[4] Raman, S., MD, Gurrero-Duby, S., MD, McCullough, J. L., PhD, Brown, M., MS, Ostrowski-Delahanty, S., PhD, Langkamp, D., MD, Duby, J. C., MD, Etats-Unis, 2017 In Courage, M. L., PhD, Troseth, G. L. PhD (2016). L’apprentissage à partir des médias électroniques chez les jeunes enfants, Memorial University, Canada, Vanderbilt University, États-Unis, Encyclopédie sur le développement du jeune enfant, Novembre 2016.
[5] Courage, M. L., PhD, Troseth, G. L. PhD (2016). L’apprentissage à partir des médias électroniques chez les jeunes enfants, Memorial University, Canada, Vanderbilt University, États-Unis, Encyclopédie sur le développement du jeune enfant, Novembre 2016.
[6] IDEM
[7] IDEM
[8] Ministère de la Famille, 2014. Gazelle et Potiron – Cadre de référence Pour créer des environnements favorables à la saine alimentation, au jeu actif et au développement moteur en services de garde éducatifs à l’enfance