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Le plein air, c’est beaucoup plus que du camping ou de la randonnée en montagne. En font foi les étudiants d’un tout nouveau programme de l’Université du Québec à Montréal, qui vise à former des spécialistes de l’intervention en contexte de plein air. Regard sur de nouvelles façons d’apprendre, qui intéressent de plus en plus d'enseignants québécois.
Patrick Daigle est chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Passionné de plein air, il enseigne au programme court de deuxième cycle en intervention en contexte de plein air, qu’il a lui-même proposé à l’établissement il y a trois ans. L’UQAM devient ainsi l’une des deux premières université québécoises à offrir un programme d’intervention en plein air au deuxième cycle, avec l’UQAC qui a lancé un programme similaire dans la même année (voir encadré plus bas).
L’objectif de cette formation : former des gens allumés et créatifs qui sauront mener rigoureusement des projets d’intervention en contexte de plein air dans différents milieux. Le programme accueille tous les étudiants qui veulent intégrer des projets de plein air à leur pratique, qu’ils soient enseignants (en éducation physique ou dans d’autres matières), psychoéducateurs, infirmiers, intervenants en centre jeunesse, ou autre.
Des enseignants mieux équipés
D’où vient la motivation de retourner sur les bancs d’école plusieurs années après avoir complété un baccalauréat de quatre ans ? C’est l’intérêt de changer les choses, petit à petit, qui stimule les étudiants de ce programme universitaire, explique Patrick Daigle : « Plusieurs matières qu’on enseigne à l’école primaire se prêtent bien à l’apprentissage en contexte de plein air. Dans ma vision, chaque enfant devrait avoir la chance de passer 20 à 30 % de sa journée à l’extérieur ».
Enseignant en éducation physique et à la santé au primaire, Marc Beaulé fait partie de la toute première cohorte de ce programme. « J’en ressors avec une perspective accrue de l’intervention en contexte de plein air. Je comprends beaucoup mieux, par exemple, les enjeux juridiques : comment encadrer mes élèves en sortie pour que tout soit sécuritaire, par exemple. Idem pour les enjeux de physionomie : je réalise comment le corps réagit à telle ou telle activité de plein air. » Même s’il intégrait déjà des activités de plein air dans sa pratique, il dit maintenant entrevoir encore plus les propriétés pédagogiques de la pratique du plein air.
Si on pense qu’il est impossible de faire du plein air, en milieu urbain et avec le peu de minutes dont disposent les profs d’éducation physique, Marc Beaulé, qui travaille dans une école de Longueuil, démontre le contraire : « On peut sortir avec les élèves et faire une course d’orientation dans la cour avec des boussoles, on peut faire de l’hébertisme… J’ai aussi rencontré des gens au parc du Mont-Saint-Bruno ainsi qu’au parc national des Îles-de-Boucherville pour mettre en place des projets-pilotes qui nous permettraient d’organiser des randonnées à proximité. »
Du plein air en ville ?
Selon Patrick Daigle, « quand on parle de plein air au Québec, on pense souvent à la pleine nature. Mais à simplement être dehors, on a déjà une interaction avec le milieu naturel. »
En prenant contact avec le soleil, le vent, les arbres et même le territoire, les jeunes peuvent s’approprier leur environnement. « Par exemple, explique Patrick Daigle, un cours de géographie pourrait avoir lieu dehors. On pourrait apprendre les noms des rues, des quartiers ou encore la morphologie du territoire. »
En plus de bénéficier de nouvelles connaissances, l’élève en tire aussi un sentiment de connexion avec son milieu. Le plein air devient alors une source de nombreuses interactions sociales.
Pour en savoir plus, consultez la page web du Programme court de deuxième cycle en intervention en contexte de plein air.
Un programme similaire à l'UQAC
Depuis l’an dernier, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) propose un programme similaire à celui de l’UQAM, quoiqu’un peu plus long. Le diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en intervention par la nature et l’aventure s’adresse aux enseignants en éducation physique autant qu’aux psychologues, intervenants sociaux et cadres. L’idée est de transmettre une vision de l’éducation expérientielle en plein air aux étudiants inscrits. À la fin de leur DESS, ils auront les outils nécessaires pour utiliser la nature et l’aventure dans leurs interventions autant éducatives que psychosociales. Pour en savoir plus sur le programme, consultez sa page web.
Enseigner en plein air: 2 projets inspirants
Le projet PASE
L’école Laurentide, dans l’arrondissement Saint-Laurent, est située en plein cœur de l’île de Montréal, au carrefour des autoroutes Décarie et Métropolitaine. Difficile de faire plus « urbain » comme environnement ! Pourtant, au cours de l’année scolaire, les élèves de 6e année passeront une vingtaine de journées en pleine forêt, à quelques minutes de transport en commun de leur école. Grâce à leurs enseignants motivés (lisez notre article à leur sujet), un mardi sur deux, les élèves vivent leur journée de classe en plein air, au Parc-nature du Bois-de-Liesse. Ils y font les mêmes apprentissages qu’ils feraient en salles de classe régulières : français, maths, sciences… « L’idée, c’est de changer le décor et d’utiliser l’environnement pour apprendre. Par exemple, on fait des courses d’orientation pour intégrer des notions mathématiques », raconte un enseignant impliqué, Yannick Lacoste. Les élèves, eux, en redemandent. De quoi faire réaliser que le plein air est plus accessible qu’on le pense, et ce, même en pleine ville.
Quand les sciences prennent l’air
À l’école Monseigneur-A.-M.-Parent de Saint-Hubert, sur la Rive-Sud de Montréal, les élèves de 1re à 3e secondaire inscrits dans la concentration « Science plein air » observent les couloirs migratoires au Parc national du Mont-Saint-Bruno, à proximité, vont étudier les macroinvertébrés dans les ruisseaux et font des analyses techniques des équipements de plein air. L’adéquation entre l’enseignement des sciences et l’expérience du plein air est totale. La direction a pu convaincre la Commission scolaire Marie-Victorin de mettre le projet sur pied, porté par deux enseignantes passionnées, Isabelle Bouchard et Marysol Bergeron.