Cette semaine, nous vous présentons une série de rapports très éclairants qui ont un dénominateur commun: l’examen des liens étroits qui existent entre la production alimentaire, la santé de la planète et la santé des populations.
Des aliments ultra-transformés à l’insécurité alimentaire, en passant par l’épidémie d’obésité et les conséquences des pratiques agricoles et du commerce international sur le climat, la planète fait face à des défis majeurs. Les politiques alimentaires et les systèmes alimentaires sont donc devenus des enjeux cruciaux partout dans le monde.
Ainsi, le gouvernement fédéral est actuellement en pleine consultation publique au sujet de la future Politique alimentaire pour le Canada. Cette démarche vise notamment à améliorer l’accès à des aliments sains, abordables et produits de façon à « préserver la qualité des sols, de l’eau et de l’air. La Politique bioalimentaire du Québec, qui sera dévoilée au printemps 2018, semble aller dans le même sens.
D’autres pays, ainsi que des coalitions issues de la société civile et des regroupements d’experts réfléchissent à toutes ces questions et ont très récemment publié des documents qui soulignent l’importance de revoir les systèmes alimentaires afin de les rendre sains, équitables et durables pour l’avenir de la planète.
Un système alimentaire mondial vulnérable : l’avertissement du Lancet
Un éditorial publié le 8 juillet montre à quel point le système alimentaire actuel est fragile. Par exemple, les aliments transitent par des goulots d’étranglement vulnérables aux changements climatiques, aux décisions des gouvernements locaux et à la guerre, comme le Canal de Suez, les ports de la Mer noire ou le réseau routier du Brésil. Autre exemple : la nécessité d’endiguer l’augmentation de la demande pour une diète de type occidental, car elle n’est tout simplement pas viable. En effet, la production de viande et de produits ultra-transformés exige des ressources considérables, alors même qu’elle n’augmente pas la valeur nutritionnelle de ces aliments. Parmi les initiatives à suivre pour améliorer le système alimentaire mondial, la prestigieuse revue scientifique mentionne un récent rapport du World Wide Fund for Nature (WWF) présenté dans la section suivante.
Addressing the vulnerability of the global food system. The Lancet, 8 July 2017.
Améliorer la santé des humains et de la planète = manger plus de fruits et de légumes et moins de viande
Intitulé Eating for 2 Degrees, le rapport du WWF du Royaume-Uni, rendu public le 26 juin, contient des informations qui ont de quoi faire réfléchir. Un exemple : l’agriculture est la cause la plus importante de déforestation dans le monde et environ 70 % de l’eau douce extraite sert à l’irrigation agricole. Le rapport détermine ce que les Britanniques devraient manger d’ici 2030 pour être en bonne santé et pour que leur pays réduise de 60 % ses émissions par rapport à 1990. Pour atteindre cet objectif, les auteurs estiment que l’effort doit être également réparti entre les producteurs et les consommateurs. Pour ces derniers, cela signifie que, d’ici 2030, leur alimentation devrait inclure :
- au moins 5 portions de fruits et légumes par jour;
- 2 portions de poisson par semaine (principalement issu de l’aquaculture);
- au plus 70 g de viande rouge par jour, incluant les viandes transformées.
Résumé : Eating for 2 degrees – New and updated Livewell Plates. WWF, 2017.
Angleterre : une politique agroalimentaire intégrée après le BREXIT
Le WWF n’est pas le seul organisme à faire pression sur le pays qui s’apprête à sortir de l’Union européenne. Dans un document lancé le 26 juin dernier, la très large coalition A People’s Food Policy presse notamment l’Angleterre de se doter d’une politique alimentaire intégrée basée sur le droit à une alimentation saine. Ce rapport étoffé aborde 9 thèmes, dont la gouvernance, la production, la santé, l’environnement et le commerce. Les auteurs proposent une série de politiques à mettre en œuvre dans chacun de ces domaines afin de transformer en profondeur le système alimentaire de l’Angleterre. Comme bien des experts qui se penchent sur les enjeux alimentaires mondiaux, la coalition insiste sur le fait que les aliments sont destinés à nourrir la population et non pas une simple marchandise à écouler sur le marché mondial. Si l’Angleterre se fait tirer l’oreille, l’Écosse a, pour sa part, choisi une approche législative intégrée pour transformer son système alimentaire (voir la section suivante).
A People's Food Policy – Transforming Our Food System, june 2017.
Écosse : le Good Food Nation Bill
En septembre 2016, le gouvernement écossais a annoncé qu’il irait de l’avant avec un nouveau cadre réglementaire dont les objectifs sont les suivants :
- un accès à des aliments sains pour tous;
- une réduction des maladies reliées à l’alimentation;
- une production alimentaire respectueuse de l’environnement;
- des emplois stimulants et valorisants dans le secteur alimentaire;
- une norme sociale qui valorise les aliments sains.
Pour en arriver là, la Scottish Food Coalition soutient qu’il est crucial de créer une cohérence et une connexion, à la fois entre les différentes politiques touchant l’alimentation et la filière agroalimentaire. C’est tout un défi, mais, tout comme l’Organisation mondiale de la Santé, le gouvernement écossais souligne que les objectifs du Good Food Nation Bill sont inextricablement liés à l’atteinte de plusieurs des Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’Organisation des Nations unies. Bref, il faut agir et l’Écosse compte bien devenir un modèle en matière de système alimentaire sain, équitable et durable. Les consultations publiques ont commencé cette année.
Scotland’s Good Food Nation Bill. Scottish Food Coalition, may 2017.
Les villes sont mobilisées partout dans le monde
Rappelons qu’en 2015, plus de 110 villes, dont Montréal, ont signé le Pacte de politique alimentaire de Milan. Elles sont maintenant 144 à s’être engagées à développer des « systèmes alimentaires durables, inclusifs, résilients, sûrs et diversifiés, qui fournissent des aliments sains et abordables à tous (…), qui préservent la biodiversité et atténuent les effets du changement climatique tout en s’y adaptant ».
Australie : systèmes alimentaires urbains sous la loupe
En mars dernier, le Global Change Institute at The University of Queensland a publié un document intitulé Urban Food systems – a renewed role for local governments in Australia qui, comme le Pacte de Milan, souligne que les villes ont un rôle crucial à jouer dans les transformations qui s’imposent pour nourrir sainement et de façon durable une population urbaine en constante croissance.
De plus, le même institut vient tout juste de mettre en ligne un autre document de travail intitulé : A Research Agenda for Food Systems. L’auteur identifie 10 points sur lesquels la recherche sur les systèmes alimentaires doit s’appuyer. Le cinquième précise que les équipes de recherche devront inclure, en plus des experts scientifiques, tous les acteurs du système alimentaire : producteurs, transformateurs, détaillants, consommateurs, décideurs politiques, etc.
Urban Food systems – a renewed role for local governments in Australia. Global Change Institute at The University of Queensland, march 2017.
A Research Agenda for Food Systems. Global Change Institute at The University of Queensland., july 2017.
À surveiller : la Commission du Lancet sur l’alimentation, la planète et la santé.
Devant le tourbillon qui agite le monde au sujet des systèmes alimentaires, un consensus semble indispensable. Une commission composée de 20 scientifiques de renommée mondiale, formée en juin 2016, effectue justement ce travail. Fruit d’une initiative conjointe du président de la Eat Foundation et de l’éditeur du Lancet cette commission se compose de 5 groupes de travail qui visent à établir un consensus scientifique sur les points suivants :
- Qu’est qu’une alimentation saine?
- Qu’est qu’un système alimentaire durable?
- Quelles sont les tendances qui influencent actuellement l’alimentation?
- Est-il possible de manger sainement en s’appuyant sur un système alimentaire durable?
- Quelles sont les solutions et les politiques à mettre en place?
Le rapport de la commission sera publié au printemps 2018 dans le Lancet.