Parmi les dix catégories d’aliments les plus achetés, la moitié d’entre eux sont ultra-transformés et comptent pour le tiers du volume d’achat des Québécois dans les supermarchés et les magasins à grande surface, révèle une nouvelle étude.
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), dans cette enquête, brosse à la fois un portrait de la situation actuelle1 ainsi que de l’évolution des achats d’aliments ultra-transformés de 2012-13 à 2015-16. Et bien que l’on note une baisse du volume d’achat des ultra-transformés de 11 %, ces derniers occupent toujours une trop grande place dans notre alimentation puisqu’ils fournissent la moitié des calories que nous consommons, déplore l’organisme.
Les cinq catégories d’aliments ultra-transformés les plus achetés sont, dans l’ordre : les boissons sucrées, les jus de fruits, les pains, les mets prêts-à-manger et les yogourts aromatisés. Or rappelle l’INSPQ : « plus la proportion de l’apport en énergie provenant des aliments ultra-transformés est élevée, plus la qualité globale de l’alimentation se détériore ». Notamment parce qu’ils contiennent trop de sucre, de gras et de sel dont la surconsommation contribue au développement de maladies chroniques.
Pistes d’action
L’INSPQ se réjouit que le gouvernement du Québec se soit engagé, par le biais de la Politique gouvernementale de prévention en santé, à améliorer la qualité de l’offre alimentaire. Une vision qui se reflète d’ailleurs dans la Politique bioalimentaire du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. Toutefois, l’organisme juge essentiel de prendre des actions complémentaires afin de corriger la situation actuelle.
Ainsi, dans le cas des boissons sucrées, il s’avère nécessaire d’intensifier les mesures qui conduisent à dénormaliser leur consommation et à réduire leur présence dans l’environnement alimentaire. Pour les pains, qui sont à la base de l’alimentation des Québécois, leur reformulation permettrait de réduire leur teneur en sel et d’accroître leurs quantités de fibres et de grains. Ce même principe de reformulation devrait s’appliquer aux mets prêts-à-manger afin de réduire leurs quantités de sucre, de sel et de gras. Mais, plus encore, l’INSPQ rappelle que les repas cuisinés à la maison sont nettement à privilégier et que, en conséquence, il importe de mettre en place des mesures qui favorisent l’acquisition de compétences culinaires.
Les aliments ultra-transformés, parce qu’ils sont nuisibles à la santé, doivent donc être consommés en petites portions et de manière exceptionnelle, recommande l’INSPQ. En conséquence, des mesures devraient être prises pour réduire l’accessibilité physique et économique de ces produits, notamment ceux plus difficilement reformulables comme les boissons sucrées. À ce chapitre, la société aurait tout avantage à valoriser et à rendre plus accessible l’eau du robinet. Et les Québécois, de leur côté, devraient redécouvrir le plaisir de cuisiner et de partager des repas en famille ou entre amis.
1Une étude basée sur les données compilées par Statistique Canada (2015) concluait, en décembre dernier, que les aliments ultra-transformés sont surreprésentés dans l’alimentation des Canadiens.
La classification NOVA
Dans le cadre de cette analyse sur les achats alimentaires des Québécois selon leur niveau de transformation, l’INSPQ a utilisé la classification NOVA. Reconnue par la FAO et la Pan American Health Organization, cette classification est à la base des principales recommandations du Guide national brésilien pour l’alimentation et la nutrition. Elle est utilisée dans de nombreux pays, comme le Canada, les États-Unis, l’Australie, la France, le Royaume-Uni, ainsi qu’en Amérique du Sud et en Europe. En vertu de ce système, les aliments sont classés selon 4 groupes : les aliments bruts ou peu transformés; les ingrédients culinaires; les aliments transformés; les aliments ultra-transformés.
L’ultra-transformation recourt à un ensemble de procédés industriels qui consistent à extraire, un à un, les différents nutriments contenus dans un aliment : protéines, amidon, gras, sucres et huile. Généralement, cette extraction est réalisée à partir de quelques aliments de base seulement, comme le maïs ou le blé. Cela permet aux industriels de réaliser de massives économies d’échelle puisqu’ils peuvent traiter des quantités phénoménales d’aliments pour obtenir des nutriments facilement stockables et d’une remarquable durée de conservation.
Ensuite, ces substances à l’état presque pur, et donc d’une qualité irréprochable, seront recombinées pour créer des préparations comestibles qui seront vendues sur le marché. Or, toutes ces préparations alimentaires n’ont plus ni saveur ni texture. Il faut donc leur ajouter des additifs pour les rendre agréables au goût. Et même hyper agréables au goût, afin de susciter la convoitise des consommateurs. Enfin, ces aliments ultra-transformés sont emballés, non seulement pour leur transport et leur mise en marché, mais pour très souvent être immédiatement prêt à la consommation. De sorte que l’on peut les manger ou les boire n’importe où et n’importe quand. Voilà donc une forme d’alimentation sans aliments véritables, sans cuisine ni salle à manger !