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La gestion participative du territoire constitue un intéressant outil de protection territoriale, doublé d’une perspective de croissance socioéconomique, notamment en région éloignée.
Mont Kaaikop, Sainte-Lucie-des-Laurentides. Le deuxième plus haut sommet de la région après le mont Tremblant (838 m) est un joyau écologique. Avec 4000 hectares de terres publiques et un corridor de biodiversité qui relie quatre aires naturelles, il constitue le trait d’union de plusieurs espaces verts protégés, dans une région marquée par l’étalement urbain.
Peuplements forestiers anciens, réseau hydrique majeur, nombreuses espèces fauniques : la « cour arrière des Montréalais » a tout pour séduire les amateurs de plein air en quête de dénivelé avec, en prime, 40 km de sentiers de randonnée, accessibles toute l’année. Menacé par des coupes forestières sur certaines parcelles, ce territoire fait l’objet d’une attention particulière de la municipalité, mais aussi de la communauté mohawk de Tioweroton, dont il constitue le territoire ancestral. Dans le sillage de la Coalition pour la préservation du mont Kaaikop naît, en 2014, la coopérative de solidarité L’Interval pour « mobiliser la communauté et conserver ce patrimoine naturel. »
Protéger en ouvrant l’accès
« Avec cette coopérative de plein air, nous voulions développer un projet qui ait le moins d’impact possible sur l’environnement et qui soit rentable, résume Robert Boulay, président de l’Interval. Car le mont Kaaikop a une grande valeur environnementale, mais aussi une valeur économique pour la région. » Protection du territoire et rentabilité : c’est la vision à deux têtes défendue par la mobilisation citoyenne, qui trouve, dans le modèle coopératif, un écho favorable à sa mission communautaire.
Six ans plus tard, 20 écogîtes quatre-saisons sont offerts par la coop sur le flanc de la montagne, sans compter ses emplacements de camping, son refuge et son auberge rénovée de 24 chambres, créée dans les années 1970. Résultat : une augmentation marquée du nombre de visiteurs sur le site, qui a pour effet de générer des profits et pas seulement dans les caisses de la coopérative. Épiceries locales, stations-service, restaurants : c’est toute la communauté laurentienne qui bénéficie aussi de ce relent de vitalité économique. Sans parler du sentiment d’appartenance qui anime les citoyens et les liens sociaux qui en découlent.
Un levier de développement économique
L’exemple du mont Kaaikop en est un parmi d’autres, surtout dans la région des Laurentides, particulièrement choyée en entreprises d’économie sociale : coopératives, mais aussi OBNL. « L’approche coopérative est un levier pour aller chercher des subventions et avoir une emprise sur le territoire, explique Marc-André Caron, directeur général du Pôle d’économie sociale des Laurentides. Au lieu d’en fermer l’accès, celle-ci permet de transformer sa gouvernance en gestion collective et cela rejaillit sur l’ensemble de la communauté. » Car le système coopératif est une structure équitable pérenne qui mise sur la rentabilité économique grâce au sentiment d’appartenance dont font preuve ses membres actifs ou de soutien. La preuve : la région des Laurentides, à elle seule, compte pas moins de 6600 entreprises du genre dont les profits sont estimés à 758 millions de dollars annuels, selon une étude de l’Institut de la statistique réalisée en 2016.
À cet égard, l’exemple de la coopérative de solidarité Hélianthe, dans l’Outaouais, est édifiant. Deuxième MRC la plus pauvre du Québec il y a encore quelques années, le Pontiac bonifie son offre de plein air depuis 2017, en partenariat avec six membres producteurs actifs (club de plein air, entreprise d’eau vive, hébergements rustiques) pour dynamiser la région autour d’un projet porteur et structurant, notamment dans la forêt Davidson qui compte 3700 hectares de forêt boréale cernée par des terres privées. « Sans le modèle coopératif, on ne serait pas ce qu’on est, soutient Guillaume Lavoie-Harvey, président d’Hélianthe. Notre entité permet à de petits producteurs d’unir leurs forces pour avoir une voix dans une région où les gros joueurs, comme Gatineau ou Montebello, étouffent les petits. » Accès à des programmes de subvention, à des outils promotionnels ou à une protection juridique : en s’unissant en coopérative, les petits producteurs en tourisme d’aventure ont beaucoup à gagner.
Depuis la création d’Hélianthe, l’offre de plein air explose, mais ses membres tiennent à demeurer peu nombreux pour s’assurer que ceux qui s’engagent dans la coopérative soient prêts à s’investir pour de bon. Un plan stratégique qui prend le temps de s’enraciner dans la culture profonde, sans brusquer les habitudes dans une région de villégiature traditionnelle où le libre accès à la nature est sacré.
Faire œuvre humanitaire
Outil de développement durable et de percolation économique régionale, le modèle coopératif défend aussi une mission sociale ancrée dans la réalité locale, comme c’est le cas de Vallée-Bras-du-Nord, à Saint-Raymond-de-Portneuf. Depuis près de deux décennies, cette coopérative de solidarité fait figure de pionnière, notamment dans la région de la Capitale-Nationale, et un modèle du genre qui rayonne au-delà des frontières du Québec. Ses membres sont des entreprises touristiques, mais aussi des agriculteurs, des travailleurs forestiers ou des organismes locaux, qui ont à cœur la gestion participative du territoire pour le bien commun. Mais pas seulement : la coop œuvre aussi sur un programme d’insertion socioprofessionnelle en employant chaque année des jeunes de la communauté en difficulté pour entretenir les sentiers (Vallée-Bras-du-Nord en renferme 100 km!). Quant aux jeunes élèves de l’école Louis-Jobin, de Saint-Raymond (4e et 5e secondaire), ceux-ci bénéficient des infrastructures de la coop pour leur programme d’étude en concentration plein air. Manière de redonner au suivant pour le bénéfice local.
La Coop de l’Arrière-Pays
Pour sa toute première année d’opération, cette coopérative du Témiscamingue voit grand : tourisme d’aventure, pôle d’agriculture biologique innovante et pôle d’énergies renouvelables sont rassemblés autour d’une vision globale à même de soutenir la vitalité de cette région éloignée des circuits touristiques. Plusieurs entreprises qualifiées proposent des forfaits en randonnée, en traîneau à chien ou en canot-camping avec un service de location d’équipement (la coop a investi en tentes d’hiver, des vélos, des canots, etc.), d’hébergement (deux tentes-roulottes sont situées à Angliers pour la clientèle de cyclotourisme) et de livraison de repas lyophilisés ou faits maison. « Nous voulons créer une synergie sur le territoire qui crée une interaction entre l’humain et la nature via des expériences sécuritaires, respectueuses de l’environnement et innovantes », résume Danny Laperrière, président de la coop de l’Arrière-Pays. La coopérative, située à Ville-Marie, planche sur bien d’autres projets avec des circuits vélo sur le territoire du Témiscamingue, mais aussi avec des partenaires en Abitibi et au nord de l’Ontario. Et veut étendre sa durée d’opération au-delà des 26 semaines actuellement en opération.
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