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Le Forum sur les systèmes alimentaires territoriaux (SAT), qui s’est tenu les 15 et 16 novembre 2022 à Victoriaville, a connu un grand succès : 300 participant·e·s étaient sur place, et plus de 80 y ont assisté en ligne, dont notre journaliste. Voici les points qui ont attiré son attention.
Un peu de contexte. Un système alimentaire territorial (SAT) repose sur l’objectif d’augmenter l’autonomie alimentaire régionale et d’assurer la sécurité alimentaire de toute la population, particulièrement des personnes vulnérables, tout en veillant à la protection des écosystèmes. Les SAT s’inscrivent donc dans une perspective de transition sociale et écologique, et représentent une alternative complémentaire au système agroalimentaire mondialisé. Leur gouvernance repose sur la concertation de tous les acteurs du système alimentaire.
Une vue d’ensemble
Intitulé « Faire émerger des solutions collectives », le Forum SAT a été particulièrement bien préparé grâce à des rencontres régionales et des travaux thématiques qui se sont tenus entre mars et octobre 2022. Ce travail en profondeur a notamment permis de dresser un portrait des particularités territoriales de chaque région, de leurs besoins en matière de gouvernance et de leurs bons coups.
Présentée sous forme d’affiches, cette vue d’ensemble remarquable montre que les SAT se sont développés sous différents modèles et que chaque région fait face à des enjeux spécifiques. Pour illustrer cette diversité, les responsables des SAT de trois régions ont participé à une table ronde animée par Vincent Galarneau, directeur – Systèmes alimentaires pour Vivre en Ville.
Borée, Nourrir notre monde et le Système alimentaire montréalais
Cet échange dynamique entre Sophie Lapointe, coordonnatrice de Borée (Saguenay–Lac-Saint-Jean), Christine Laliberté coordonnatrice du collectif Nourrir notre monde (Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine) et Anne Marie Aubert, coordonnatrice du Conseil du système alimentaire montréalais (Conseil SAM), a mis en lumière des modes de gouvernance très différents.
Ainsi, le Conseil SAM est issu d’une résolution adoptée par le conseil municipal en 2014. Lancé en 2018, il est soutenu financièrement par la TIR-SHV Montréal métropole en santé, et rassemble 200 partenaires au sein d’une instance formelle. Questionnée sur les défis rencontrés, Anne Marie Aubert a soulevé la difficulté, dans une structure rigide comme celle du Conseil SAM, d’avoir une représentation citoyenne. Du côté des bons coups, la coordonnatrice a mentionné, entre autres, la volonté de tous les partenaires de travailler sur la mise en place d’un programme d’alimentation scolaire universelle.
Borée est née d’une réflexion amorcée en 2018 pour définir une vision commune d’une alimentation saine et durable ancrée dans le territoire boréal. Cette mobilisation rassemble 10 partenaires régionaux et s’est dotée en 2020 d’une charte pour une alimentation durable. Un des défis mentionnés par Sophie Lapointe, est de rassurer les acteurs alimentaires au sujet du rôle de Borée, qui consiste à soutenir les projets et non pas à prendre la place des acteurs du système alimentaire. Au chapitre des bons coups, la coordonnatrice a souligné la réalisation d’une cartographie détaillée des acteurs de l’alimentation durable, qui a permis d’identifier 473 acteurs et 1719 liens entre eux !
De son côté, le collectif Nourrir notre monde a vu le jour en Haute-Gaspésie à la suite d’une réflexion citoyenne sur l’autonomie alimentaire. Le mouvement a rapidement essaimé dans toutes les MRC de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et s’est structuré sous la forme d’un projet collectif régional en 2020. Comme l’a souligné Christine Laliberté, arrimer les priorités locales aux priorités régionales est parfois un défi, puisque chaque mobilisation locale est autonome. Du côté des bons coups, la coordonnatrice a mentionné la création d’une communauté de pratique mensuelle.
Le financement des démarches SAT
Actuellement, hormis le Conseil SAM, les démarches SAT ne bénéficient pas d’un financement stable. Plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d’avoir des budgets récurrents et spécifiques pour soutenir le travail et le déploiement de SAT dans l’ensemble du Québec.
Il existe en effet de nombreuses subventions pour financer des actions, mais très peu pour les structures de gouvernance. Voilà pourquoi, dans sa déclaration commune, le Forum SAT a demandé le déploiement de « leviers financiers, politiques et juridiques pour soutenir et pérenniser les SAT partout au Québec, en cohérence et en complémentarité avec les mesures existantes. »
Le défi de produire et de nourrir, tout en protégeant les ressources
Invité à partager son regard sur les SAT, Patrick Mundler, professeur titulaire en développement rural à l’Université Laval et spécialiste des circuits de proximité, a soulevé plusieurs points qui ont attiré mon attention :
- Les circuits de proximité mis de l’avant par les SAT ont pour objectif de redonner au système alimentaire sa réelle finalité : produire des aliments et nourrir la population, tout en protégeant les personnes et les ressources.
- Le modèle agro-industriel actuel repousse ses externalités environnementales négatives vers les générations futures. Au lieu de remettre ce modèle en question, le secteur agroalimentaire préfère miser sur la numérisation de l’agriculture et même le remplacement les abeilles par des robots miniaturisés !
- L’État devrait faire une analyse critique de ses programmes de soutien au secteur agroalimentaire et financer davantage les initiatives portées par de petits réseaux d’acteurs dont les innovations peuvent influencer pour le mieux le modèle actuel.
Le professeur a de plus souligné que la mutualisation des infrastructures, des équipements et des expertises est un levier déterminant dans la croissance des initiatives locales et régionales en matière de production durable.
À ce chapitre, par exemple, le LAB Nourrir notre monde en Haute-Gaspésie vise à doter le milieu d’infrastructures agricoles collectives et le Pôle agroalimentaire de Lotbinière, coop de solidarité permet de mettre en commun des opérations d’entreposage, de transformation et de distribution alimentaire dans la région Chaudière-Appalaches.
Les portraits: des outils précieux
Malgré les défis auxquels les SAT font face, plusieurs disposent d’outils pour guider leur travail. En voici quelques exemples :
- En Outaouais, la cellule thématique en Saine alimentation de la concertation pour de saines habitudes de vie a dressé, en 2020, un portrait du système alimentaire durable et a organisé, en 2021, le forum « Ensemble vers des systèmes alimentaires durables en Outaouais ».
- Dans le Centre-du-Québec, le Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) du Cégep de Victoriaville a produit, en 2022, un portrait diagnostic du système alimentaire durable.
- La région de la Capitale nationale peut compter sur les documents issus de la recherche participative Vers une alimentation territorialisée et durable, menée par une équipe de l’Université Laval en collaboration avec des organisations régionales.
- Le Nord-du-Québec Nunavik s’est doté en 2021 d’une Stratégie sur la sécurité alimentaire dans l’Inuit Nunangat.
Un événement attendu et rassembleur
Les participant·e·s au Forum SAT ont manifesté un vif intérêt pour les sujets abordés, notamment en posant plusieurs questions après chaque présentation. Les personnes sur place ont eu l’occasion de participer à des ateliers thématiques qui leur ont permis d’approfondir certains sujets.
Visiblement, ce forum a répondu à un besoin des représentants des SAT de faire le point avec leurs pairs en échangeant sur les défis rencontrés et les solutions et stratégies qui permettent de les relever. Les participants en ligne ont également fait part de leur grande appréciation de l’événement.
(Crédits photos : Matthew Gaines)
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