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Des efforts considérables ont été réalisés dans les dernières années pour combattre la violence et l’intimidation dans les écoles du Québec. Or, même si elle affecte un grand nombre d’élèves, l’intimidation relative au poids n’est pas particulièrement abordée dans les documents de références et les plans d’action dans la lutte contre l’intimidation au Québec, ni dans les programmes contre l’intimidation ayant été évalués et publiés1.
C’est à la suite de ce constat que l’organisme ÉquiLibre propose aux intervenenant·e·s œuvrant dans les écoles secondaires 6 pistes d’actions spécifiques au poids pour prévenir de telles situations et intervenir avec bienveillance dans de tels cas. Ces stratégies permettront de bonifier les interventions déjà mises en place dans les écoles, afin qu’elles soient plus efficaces.
1- Prendre conscience de l’ampleur du phénomène et de ses conséquences
Les préjugés à l’égard du format corporel sont fortement répandus au Québec. Selon un sondage mené par la firme Léger en 2021, plus de la moitié des Québécois.es croient que les personnes grosses seraient en mauvaise condition physique, seraient inactives, mangeraient « mal » et en trop grande quantité2.
Lorsque l’on adhère fortement à un préjugé, cela peut nous amener à adopter des comportements discriminatoires envers les autres. D’ailleurs, 90 % des jeunes ont déjà été témoins de comportements de stigmatisation envers leurs ami·e·s au sujet de leur poids et 34 % affirment avoir personnellement souffert de ces comportements3.
Les conséquences de la violence et de l’intimidation sont indéniables : diminution de l’estime de soi, anxiété, dépression, détresse psychologique... Lorsqu’il est question de poids, on ajoute à cela les conséquences liées à l’adoption potentielle de comportements néfastes à la santé (ex. : recours aux diètes, pratique excessive d’activité physique). En outre, en raison des changements corporels et identitaires importants qui surviennent à l’adolescence, cette période est critique pour le développement de l’image corporelle des jeunes.
2- Reconnaître son rôle de modèle et l’influence de ses croyances
Les adultes qui gravitent autour des jeunes dans les milieux scolaires peuvent, sans le vouloir, avoir intégré certains préjugés et fausses croyances à l’égard du poids. Même si cela peut être confrontant, il est important de prendre un pas de recul pour se questionner sur nos préjugés ou croyances en lien avec le poids. Est-ce qu’ils pourraient influencer nos attitudes et nos comportements auprès des jeunes ?
Par exemple, si j’adhère à la croyance qu’une personne ayant un poids plus élevé a nécessairement une mauvaise alimentation, je pourrais avoir tendance à ne pas intervenir ou intervenir différemment si un élève de format corporel plus gros reçoit des commentaires dénigrants sur ce qu’il mange.
En contrepartie, chaque intervenant·e devrait s’assurer de véhiculer un discours et des attitudes qui valorisent la diversité corporelle. Ce peut être en normalisant la diversité des silhouettes qui existent naturellement dans la société et en valorisant l’unicité de chaque corps.
3- Favoriser un climat scolaire qui valorise la diversité corporelle
Remettre en question les normes sociales de « beauté » s’avère essentiel pour contribuer à diminuer la stigmatisation à l’égard du poids. Comme intervenant·e, vous pouvez y contribuer par de petites - ou plus grandes! – actions. Par exemple, en ayant le souci d’exposer les jeunes à la diversité corporelle, que ce soit par les images utilisées, le matériel éducatif choisi, l’animation d’un atelier sur le sujet, etc. Amenez-les à développer un regard critique envers les normes sociales de « beauté » typiquement véhiculées dans notre société et à réaliser que leur valeur et celle de leurs pairs vont bien au-delà de l’apparence et du poids.
Parallèlement, il est opportun de bonifier le code de vie de l’école en y incluant les thèmes d’acceptation d’autrui et de diversité corporelle.
4- Renforcer la capacité des jeunes à prévenir de telles situations et à y faire face
Le développement de compétences socioémotionnelles, telles que la conscience de soi, l’autorégulation, la conscience sociale, les compétences relationnelles et la prise de décision responsable, joue un rôle essentiel dans la prévention des actes de violence. En développant ces habiletés, les jeunes qui subissent, observent ou font subir de l’intimidation en lien avec le poids seront plus aptes à y répondre adéquatement. Les jeunes affectés par ces actes apprendront à s’affirmer tout en conservant leur estime d’eux-mêmes. Ceux qui humilient leurs pairs seront plus conscients des conséquences qu’ils leur font vivre. Enfin, les témoins développeront de la compassion face à la souffrance de leurs pairs et seront plus facilement amenés à les soutenir.
5- Intervenir de façon spécifique et éducative
En contexte scolaire, ce type de violence et d’intimidation peut survenir n’importe où : dans les corridors, dans la classe, à la cafétéria, dans les salles de toilettes, dans la cour, etc. Ces actes peuvent tout de même être plus présents dans des endroits où le corps est plus exposé, comme dans le gymnase et les vestiaires.
Lorsqu’on est face à une situation de violence en lien avec le poids, la priorité est d’intervenir rapidement pour faire cesser le comportement et, ainsi, passer un message à la classe comme quoi ce type de comportement est inacceptable. Lors de notre intervention, il faut considérer les facteurs spécifiques liés au poids. Par exemple : questionner les jeunes sur les croyances qui sous-tendent le geste, être à l’affût de l’apparition de comportements de contrôle du poids, valider l’effet sur les témoins qui peuvent eux-mêmes se questionner sur leur format corporel, etc. On devrait aussi voir ces situations comme des occasions éducatives, par exemple en recadrant certaines fausses croyances ou en rappelant le code de vie de l’école.
6- Impliquer les personnes significatives dans la vie des jeunes
Les parents jouent évidemment un rôle essentiel pour transmettre à leur jeune des valeurs compatibles au développement d’une image corporelle positive et à l’acceptation d’autrui. Comme membre de l’équipe-école, vous pouvez participer à la sensibilisation des familles, par exemple en réalisant une activité qui engage les jeunes à parler de ces sujets à la maison, en organisant des conférences sur le sujet, en diffusant du contenu pertinent sur les bonnes pratiques à adopter, etc.
Enfin, le soutien des ami·e·s peut agir comme un facteur de protection contre les conséquences indésirables lors de situations de violence et d’intimidation en lien avec le poids. À cet égard, sensibiliser les pairs à des valeurs d’acceptation et de diversité corporelle pourrait les rendre plus aptes à accompagner leurs ami·e·s stigmatisé·e·s à cause de leur poids ou de leur apparence.
Des outils pour vous soutenir
Pour aller plus loin dans ces réflexions, l’organisme Équilibre vous propose le guide renouvelé 6 pistes d’action pour prévenir et réduire la violence et l’intimidation en lien avec le poids.
De plus, pour des pistes d’action concrètes lors de telles situations, découvrez les 5 fiches pratiques et les 5 capsules vidéo qui accompagnent le guide. Tous ces outils sont accessibles gratuitement au equilibre.ca/intimidation.
Références :
(1) Aimé A, LeBlanc L, Maïano C. Is weight-related bullying addressed in school-based anti-bullying programs? Eur Rev Appl Psychol. 2017;67(3):163‑9.
(2) Léger. Rapport : Perception du problème de poids au Québec : Sondage auprès des Québécois et Québécoises. 2021.
(3) Aimé A, Maïano C. La stigmatisation et la discrimination par rapport au poids : Reflet d’une phobie collective face à l’obésité ? Bull Santé Publique Assoc Pour Santé Publique Qué. 2014;38(1):3‑4.
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