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Faire vivre, le temps d’une fin de semaine, une expérience immersive en nature à un groupe d’enseignants pour allumer la flamme des sorties scolaires en plein air : voilà le pari d’un remarquable projet pilote réalisé par deux unités régionales de loisir et de sport (URLS). Notre journaliste s’est entretenue avec deux des organisateurs et une participante dès le lendemain : retour sur une fin de semaine où les profs étaient les élèves.
Les bénéfices du plein air sur les élèves sont bien documentés, mais les enseignants ne se sentent pas toujours suffisamment confiants et compétents pour organiser de telles sorties. Deux « camps de profs » visant à les séduire et les outiller se sont déroulés il y a quelques jours en Outaouais et en Montérégie. Charles Antoine Rioux, gestionnaire de projet plein air pour Loisir sport Outaouais et Marie-Laurence Audet, conseillère en loisir pour Loisir et Sport Montérégie en étaient les organisateurs.
Des accompagnateurs chevronnés et une diversité de participants
En Montérégie, la formation a débuté dès le vendredi matin. Marie-Laurence Audet et sa collègue Chloé Émond, ainsi qu’une formatrice du Conseil canadien du plein air (CCPA) et un traiteur spécialisé en plein air ont encadré un groupe de 10 enseignants, provenant de 5 commissions scolaires sur les 13 que compte la région. Les participants ont campé et fait de la randonnée.
« En faisant vivre un apprentissage expérientiel aux enseignants, on leur donne le goût de faire la même chose avec leurs élèves. » Charles Antoine Rioux et Marie Laurence Audet
En Outaouais, la fin de semaine a commencé le vendredi à 16 h 30. Charles Antoine Rioux et un formateur du CCPA, ainsi qu’un cuisinier et un photographe passionnés de plein air ont accompagné 16 participants, issus de 4 commissions scolaires sur les 5 de la région. Une journée supplémentaire aura lieu en novembre. Les participants ont dormi dans un chalet, fait de la randonnée et du canot. Certains ont choisi de dormir sous la tente.
Les deux groupes ont accueilli des enseignants titulaires et des enseignants d’éducation physique du primaire et du secondaire, un point fort selon les deux organisateurs, qui souhaitent rejoindre tous les milieux et les niveaux scolaires.
Souder le groupe pour rendre l’expérience mémorable
« Nous avions bien sûr un contenu théorique à passer, mais souhaitions le faire dans des conditions optimales, souligne Charles Antoine Rioux. Voilà pourquoi cette expérience de groupe était avant tout axée sur le plaisir et la création de liens forts. »
« Notre objectif est de faire vivre aux enseignants de tous les milieux une première expérience leur donnant la piqûre, la confiance et les outils nécessaires pour bien accompagner leurs élèves en nature. » Charles Antoine Rioux
« Au-delà de la formation elle-même, les échanges avec d’autres enseignants et les formateurs durant tout une fin de semaine ont été très riches », confirme Fanny Gingras, une participante qui enseigne en adaptation scolaire à la Polyvalente Le Carrefour à Gatineau. « C’est un aspect qui a été souligné par tous les participants », renchérit Marie-Laurence Audet.
Pas de doute : deux jours de plein air soude un groupe, que les participants soient des élèves ou des profs…
Démarrer une communauté de pratique
La complicité qui s’est forgée entre les participants est un atout de taille pour mettre en place une communauté de pratique, comme l’explique Charles Antoine Rioux. « On a réalisé que lorsque le plein air scolaire fonctionne bien dans une région, c’est qu’il existe un noyau d’enseignants qui se connaissent et s’entraident. Le projet pilote vise donc à stimuler le démarrage de ces communautés de pratique. »
À ce propos, Fanny Gingras indique avoir déjà mis en pratique un conseil tout simple. « Dès mon retour à l’école le lundi, j’ai profité de la météo radieuse pour faire la dernière période de la journée sous le gazebo de la cour de l’école, dit-elle. C’est un début de plein air à la portée de tous ! »
L’enseignante ajoute que ses connaissances se sont enrichies en voyant ses collègues en action au cours des mises en situation. « En voyant comment un des participants enseignait la base du canotage, j’en ai appris beaucoup et je me sens maintenant à l’aise de le faire si l’occasion se présente », décrit-elle avec satisfaction.
Leadership et encadrement
« Cette fin de semaine intensive de plein air était axée sur le leadership et l’encadrement d’un groupe, afin de répondre à un besoin exprimé par les enseignants, qui nous ont souvent dit qu’ils ne se sentaient pas outillés pour prendre un groupe en charge en plein air », explique Marie-Laurence Audet.
« Plus la fin de semaine avançait plus les participants étaient confrontés à de nouvelles situations, plus on voyait leur confiance et leur aisance augmenter. » Charles Antoine Rioux
« Pour bien favoriser cet apprentissage, nous nous nous sommes progressivement effacés de l’encadrement au cours de la fin de semaine, ce qui a permis aux participants de beaucoup progresser dans leur confiance en soi et leur sentiment de compétence », ajoute Charles Antoine Rioux.
Des enseignants certifiés pour des sorties réussies
Grâce à la présence de formateurs du CCPA, les participants ont pu obtenir une double certification : Accompagnateur niveau 1 de Rando Québec et Leader terrain 1 du Conseil canadien du plein air. « Le recours à des experts pour assurer la formation est la clé du succès si l’on veut assurer une progression optimale du plein air scolaire au Québec, parce qu’une sortie réussie en amène une autre et inspire des collègues », insiste Charles Antoine Rioux.
Plutôt qu’une intervention directe auprès des élèves, les deux URLS ont donc axé leur projet pilote sur la formation des enseignants, en misant sur un effet multiplicateur auprès des enfants et des familles. « Un enfant enchanté d’une première sortie, parce que celle-ci a été bien préparée et encadrée par un prof compétent, risque fort de contaminer ses parents », souligne Marie-Laurence Audet.
Évaluation du projet-pilote
Le but du camp des profs est d’augmenter le nombre et la qualité des sorties scolaires en plein air, ce qui demande un suivi pour évaluer l’efficacité de cette approche.
« Les participants ont rempli un questionnaire avant et après le camp, ce qui va nous permettre d’évaluer la pertinence de notre travail durant cette fin de semaine, précise Marie-Laurence Audet. Mais nous allons aussi comptabiliser le nombre de sorties faites par les participants au cours de l’année. »
Prendre les profs et les élèves « par le ventre » !
La présence des cuisiniers spécialisés en plein air a été un succès. « Ces enseignants auront bien d’autres idées que le Kraft Diner ou les hot dogs », affirment les deux organisateurs avec un sourire dans la voix.
L’un de ces cuisiniers est le chef d’un restaurant, également grand amateur de plein air. « Il a généreusement partagé tous ses trucs et astuces pour cuisiner en plein air », se réjouit Charles Antoine. « Et tous les participants ont mis la main à la pâte pour préparer le repas, ajoute Marie-Laurence Audet. Ça faisait partie intégrante de la formation. »
« En Montérégie, le traiteur spécialisé en plein air a remis aux participants un guide de la cuisine en plein air qu’il a lui-même rédigé. » Marie Laurence Audet.
Sachant que le plein air aiguise l’appétit, l’idée de préparer des aliments savoureux est drôlement pertinente ! Si ce projet pilote aiguise de façon concluante l’appétit des profs et des élèves pour le plein air, ce sera mission accomplie !
Ce projet pilote a été financé par le Programme d’assistance financière aux unités régionales (PAFURS). Ce programme a été mis sur pied par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MÉES), qui a confié aux URLS le mandat de mettre en œuvre une stratégie régionale visant à développer les compétences en plein air des jeunes et à lutter contre le déficit nature.