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Les parcs et les espaces verts, qu’ils soient grands comme un terrain de tennis où vastes comme le mont Royal, jouent une multitude de rôles et ont des impacts bénéfiques tant sur la santé des individus, de l’environnement que de l’économie.
La liste des bénéfices que nous apportent les espaces verts, et tout particulièrement la présence d’arbres, ne cesse de s’allonger. D’ailleurs, 127 médecins québécois viennent de signer une lettre dans laquelle ils pressent le gouvernement d’investir de manière substantielle dans le verdissement au nom de la santé et du bien-être de la population. Ces derniers considèrent que l’on devrait faire passer, en milieu urbain, la voûte de feuillage (canopée) qui couvre en moyenne 20 % de la superficie actuelle à 40 %. Et pour ce faire, d’y consacrer environ 1 % de nos budgets d’infrastructures.
L’appel de ces 127 médecins fait d’ailleurs écho au rapport Concevoir un mode de vie sain de la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada. Paru à l’automne 2017, Theresa Tam y livrait un vibrant plaidoyer en faveur de l’aménagement de milieux favorables à la santé de la population, en soulignant, entre autres, l’importance pour les enfants de pouvoir jouer librement dans les parcs.
À cet égard, on doit citer la Déclaration de Parme selon laquelle les autorités publiques s’engagent à « garantir à chaque enfant, d’ici 2020, l’accès… à des espaces verts où ils peuvent jouer et s’adonner à des activités physiques ». L’OMS, dans son rapport Urban Green Space Interventions and Health, définit d’ailleurs cet accès par une distance de marche de 5 minutes ou encore de 300 mètres.
À la lumière de cette définition, on peut malheureusement penser que bien peu de villes dans le monde auront atteint cet objectif… Et pourtant, ce ne sont pas les arguments qui manquent pour investir davantage dans les parcs et espaces verts…
1- Les parcs sont bénéfiques à la santé des citoyens
Bien entendu, si l’accès aux parcs et espaces verts est essentiel au développement des enfants, tant sur les plans physique que psychosocial, l’ensemble de la population en tire aussi des bénéfices. Dans un rapport intitulé, Verdir les villes pour la santé de la population, l’Institut national de santé publique du Québec dresse une liste de certains de ces bénéfices.
- Propices à la pratique d’activité physique, ils auraient des effets positifs sur la réduction de l’obésité, de l’embonpoint et de la morbidité associée à cette condition ainsi qu’à celles d’autres maladies.
- Ils produiraient des bienfaits au chapitre de la santé mentale (réduction des symptômes de dépression, du stress) en plus de procurer un sentiment de bien-être à leurs utilisateurs.
- Ils favorisent la pratique de la marche chez les personnes âgées, ce qui réduit les risques de problèmes de santé chroniques.
- Les enfants en retirent les mêmes bénéfices, tant sur le plan de la santé physique que celui de la santé mentale, notamment en ce qui concerne le trouble du déficit de l’attention.
- Lieux de rencontre, ils contribuent à briser l’isolement social et tendent à diminuer la criminalité dans les quartiers.
- Par le truchement de l’agriculture urbaine, comme le jardinage communautaire, ils offrent la possibilité d’adopter un mode de vie plus sain et de favoriser une plus grande sécurité alimentaire.
La plus imposante étude à ce jour, portant sur les effets bénéfiques des espaces verts, montre qu’ils sont associés à une diminution des décès prématurés, toutes causes confondues !
Pour mémoire, on peut citer une autre méta-analyse, publiée l’an dernier, portant sur 143 études provenant de 20 pays et impliquant quelque 290 millions de personnes. On observait alors que la présence d’espaces verts est associée à la diminution des risques de diabète de type II, de maladies cardiovasculaires, d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), de décès prématurés, de naissances prématurées. Et une autre étude établissait, pour sa part, que les quartiers plus verts sont associés à un déclin plus lent des facultés cognitives chez les aînés.
2- Les parcs ont un impact positif sur l’économie
Les espaces verts, notamment ceux plantés d’arbres, rendent de nombreux services environnementaux et socioéconomiques. Ils améliorent la qualité de l’air, protègent des UV et de la chaleur, facilitent la gestion des eaux pluviales, favorisent la biodiversité et permettent la captation du carbone pour lutter contre les gaz à effet de serre. Tous ces services, offerts gratuitement, ou presque, par les espaces verts, aident la société à réaliser des économies, en matière énergétique ou d’infrastructure, en plus d’accroître la valeur foncière des propriétés avoisinantes.
Dans un autre rapport, l’INSPQ a calculé que l’ensemble de ces services écosystémiques auraient une valeur de 12 829 $ US, par hectare et par année. Par ailleurs, les économies réalisées en matière de soin de santé, ajoutées aux coûts sociaux évités en perte de travail et en mortalité prématurée, se chiffraient à 18 870 $ US. En additionnant les 2 montants, la valeur monétaire d’un hectare de verdure s’élèverait donc de 31 699 $ US par année !
Ajoutons que toute ville digne de ce nom possède au moins un parc emblématique. Qu’il s’agisse de Central Park, de Hyde Park ou encore du mont Royal, chacun de ces espaces contribue à la signature particulière d’une ville et compte parmi ses attraits touristiques notables. Il existe d’ailleurs des palmarès, non scientifiques, établis par des agences de voyages et qui classent les villes selon leur densité d’espaces verts. Voilà un autre élément qui entre dans la fameuse équation du retour sur l’investissement.
3- Les parcs réduisent les îlots de chaleur
Pour bien des élus, les retombées en matière de santé publique associées à la présence d’espaces verts paraissent souvent lointaines. Par contre, en raison des changements climatiques, ces lieux verdis seront appelés à jouer des rôles cruciaux en matière de sécurité civile. Par exemple, les périodes de canicules risquant de se multiplier, la lutte contre les îlots de chaleur va devenir un enjeu de plus en plus important.
À ce chapitre, une récente étude révèle que dans un quartier abrité par une voûte de feuillage (canopée) bien garnie, la température peut être de 4 à 5 degrés Celsius inférieure à celle d’un quartier voisin dépourvu de couvert végétal. Cet écart s’apparente à celui qui distingue un centre-ville minéralisé de la campagne. Et cet effet devient optimal quand la canopée d’un quartier atteint 40 % de sa superficie !
4- Les parcs absorbent l’eau lors des intempéries
D’autre part les surfaces minéralisées ne font pas qu’amplifier les effets de la chaleur. Parce qu’elles sont imperméables, ces immenses superficies recueillent d’énormes quantités d’eau lors des orages éclair. De l’eau qui est alors évacuée trop rapidement vers les systèmes d’égouts, ce qui entraîne alors des surverses, à savoir des débordements qui polluent les cours d’eau. D’où l’importance de multiplier les parcs dans la trame minérale urbaine et même de les concevoir pour qu’ils deviennent, au besoin, des bassins de rétention.
Et si les villes tardent trop à agir, les citoyens peuvent eux-mêmes prendre la situation en main pour contribuer à déminéraliser leur milieu de vie. À cet égard, le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM) vient de publier, dans le cadre du projet Sous les pavés, un nouveau guide : De l’asphalte vers un milieu de vie. Un guide qui s’adresse à toutes les communautés du Québec qui souhaitent passer à l’action en réalisant un projet de dépavage participatif afin de créer non seulement de véritables milieux de vie, mais aussi pour répondre aux défis de l’urgence climatique.
5- Les parcs contribuent à réduire les inégalités sociales en santé
Les études le montrent. La présence d’espaces verts est associée à une meilleure qualité de vie et à une meilleure santé. C’est exactement le constat de la Santé publique du grand Los Angeles qui, dans un rapport, révèle que, sur son territoire, les citadins qui jouissent d’un meilleur accès à des parcs sont moins susceptibles d’être victimes de décès prématurés.
Or, ce même rapport a permis de mettre en lumière des inégalités flagrantes au chapitre de l’accès des populations aux parcs et espaces verts. Ainsi, les villes ou communautés les mieux nanties du grand Los Angeles peuvent compter jusqu’à 56 acres de parcs par 1 000 habitants, tandis que les quartiers les plus pauvres bénéficient de seulement un demi-acre par 1 000 habitants. Les auteurs du rapport ont ainsi établi la corrélation négative suivante : plus les communautés éprouvent des difficultés économiques, plus les espaces consacrés aux parcs diminuent
Une triste réalité auxquelles les villes du Québec ne font pas exception. En toute équité, donc, la plantation d’arbres devrait être privilégiée dans les quartiers les plus pauvres de nos villes.
Pour les générations futures
Le rapport de la ville Los Angeles, cité plus haut, formule des recommandations dont pourraient fort bien s’inspirer nos élus :
- Prioriser l’aménagement des parcs là où ils sont trop rares
- Établir des programmes d’animation et bannir la malbouffe
- Mettre l’emphase sur la sécurité
- Aménager des accès sécuritaires pour les piétons et les cyclistes en direction des parcs et entre les parcs
- Doter les parcs d’aménagements verts pour aider à lutter contre les changements climatiques et résister à leurs effets
- Éviter d’installer des parcs près des grands couloirs autoroutiers afin de limiter l’exposition aux polluants atmosphériques
Et par-dessus tout, il faut garder à l’esprit que les parcs que nous aimons fréquenter, avec leurs grands arbres matures, ont été aménagés il y a plusieurs décennies. C’est un legs dont nous profitons aujourd’hui, mais qu’il faut aussi veiller à transmettre aux générations futures.