Si vous êtes impliqué dans un projet d’aménagement de cour d’école, vous savez à quel point il s’agit d’une démarche complexe qu’il faut mener de façon progressive, cohérente et stratégique. 100° s’est entretenu avec un entrepreneur qui a mené plusieurs projets, dont il a tiré quelques leçons.
À chaque école sa cour et son écosystème
Chaque école a sa couleur, donc chaque réaménagement de cour est unique. Récréologue et président de l’entreprise ESKair Aménagement, Éric Bourgault en sait quelque chose : chaque fois qu’il aménage des cours ou des parcs, il doit s’adapter à la réalité du milieu.
« La cour d’une école n’est pas un simple espace à aménager, elle fait partie d’un écosystème, explique-t-il. Et qu’elle soit petite ou grande, dans un quartier aisé ou défavorisé, en milieu urbain ou rural, il s’agit d’un milieu de vie qu’il faut concevoir en fonction de nombreuses variables comme le nombre d’élèves, les horaires et le nombre de récréations, le nombre d’enfants qui fréquentent le service de garde, sans oublier bien sûr, le budget. »
« Il est très important de vérifier, tôt dans la démarche de réaménagement d’une cour d’école, s’il est possible d’obtenir un soutien organisationnel, matériel ou financier auprès du CSSS ou de la municipalité. »
Impossible donc de définir une recette unique qui conviendrait à tous les projets de cours d’école. Mais certains éléments demeurent malgré tout incontournables dans la planification, comme le marquage au sol et le choix des équipements de jeux. À ce sujet, voici quelques conseils d’Éric Bourgault.
Crédit photo : Ecoleojeux.com
Le marquage
Aussi appelé « lignage », le marquage au sol est une caractéristique essentielle dans une cour d’école. Il permet notamment de bien délimiter les zones de jeu en fonction des différents cycles. Selon Éric Bourgault, un lignage bien fait peut durer jusqu’à 7 ans, mais le déneigement peut réduire considérablement sa durée de vie.
Marquer certains murs de l’école offre aux élèves des occasions différentes de jouer. Ainsi, une cible est un élément intéressant pour apprendre à viser, même en hiver, en autorisant les élèves à y lancer des boules de neige.
Crédit photo : Ecoleojeux.com
L’entrepreneur recommande de prévoir un budget pour l’entretien biannuel afin de rafraîchir une partie du lignage existant. « Non seulement ça revient moins cher au bout du compte, mais ça permet aussi d’offrir aux enfants un environnement de jeu plus stimulant, parce qu’il est bien entretenu », souligne-t-il.
Pour sa part, Éric Bourgault fait habituellement affaire avec de petites entreprises de marquage créatives qui proposent des motifs originaux et personnalisés.
La remise pour ranger les équipements
Bien qu’encore rare dans les cours d’école, la remise permet d’avoir facilement accès aux équipements qui favorisent le jeu actif, pourvu qu’elle soit placée de façon stratégique dans la cour. Voici quelques caractéristiques de base à retenir :
- Une taille proportionnelle au nombre d’élèves : prévoir des dimensions minimales de 12 pi X 12 pi.
- Une porte de garage ou une porte de type commercial, qui permet de faciliter la circulation d’objets larges comme des buts de hockey cosom.
- Un accès sous forme de rampe est essentiel pour faciliter et sécuriser le déplacement d’objets plus lourds placés dans des chariots roulants.
- Un comptoir de service qui facilite le travail des élèves en charge de la distribution des équipements.
- Un revêtement extérieur résistant, comme le bois ou la fibre de bois. Le plastique, trop fragile, est à proscrire.
- Un emplacement pas trop près de l’école, car les assurances ne le permettront pas, à cause des risques d’incendie.
« Pour éviter de créer un recoin où les élèves se retrouvent sans surveillance à l’arrière de la remise, il faut qu’elle soit adossée à une clôture. »
Le panier de basket
Cet équipement doit répondre à plusieurs critères pour être pertinent dans la cour d’école. Quelques points à retenir :
- Le panier doit être solidement ancré au sol, afin de rester au niveau : Éric Bourgault voit beaucoup de paniers « croches » à cause d’une fondation qui n’est pas assez profonde ou assez large.
- Un lignage de basket 21 ou un panier recto verso permet une utilisation plus polyvalente de cet équipement.
- Un poteau de panier de basket au milieu d’une cour devient un obstacle s’il est peu utilisé ou utilisé par très peu d’élèves, au détriment de l’espace qui pourrait servir à d’autres activités.
- Les paniers de basket fixés sur un mur sont moins coûteux, et, avec un lignage bien conçu, permettent de jouer à des variantes de jeux d’habileté. Avant d’envisager ce type d’installation, il faut toutefois vérifier si la commission scolaire le permet ou pas.
- La hauteur du panier est très importante, car les enfants les plus jeunes s’en désintéressent vite s’ils n’en retirent pas la satisfaction de marquer.
La « butte à glisser »
On n’y pense pas, mais une butte favorise l’activité physique des jeunes en toutes saisons. Grâce à cet aménagement, ils ont l’occasion de faire une variété de mouvements, en plus d’y glisser en hiver :
- Monter et descendre
- Faire des roulades
- Se percher pour observer
- Participer à des exercices d’habileté dans le cadre d’une activité de course à obstacles
« C’est vraiment intéressant pour les jeunes de profiter du relief d’une butte en toutes saisons, explique Éric Bourgault. Peu d’écoles sont satisfaites de celles qui sont “montées” par les déneigeurs, parce qu’elles ne sont pas sécuritaires. En revanche, une butte aménagée permet de glisser dès la première neige. Comme certains équipements de jeu ne sont pas utilisables en hiver, la butte devient un grand atout. »
On peut réduire le coût de l’aménagement d’une butte en sollicitant la municipalité ou un entrepreneur en excavation qui a des surplus de terre à donner. « À Drummondville, la municipalité a ainsi fourni 50 voyages de terre pour la butte de l’école Saint-Étienne : c’est un très bon coup sur le plan du budget ! », se réjouit Éric Bourgault.
« L’aménagement d’une zone plus tranquille pour les enfants de la maternelle leur permet de bénéficier d’équipements adaptés à leur développement, tout en ayant la possibilité d’observer ce que font les plus grands. »
Des balançoires ? Ça dépend…
Selon Éric Bourgault, avant d’aller de l’avant avec des balançoires, les points suivants doivent être soupesés :
- Les balançoires nécessitent une vaste zone de sécurité afin de réduire les risques de collisions.
- Il faut les installer loin des zones de jeu de ballon libre.
- Elles prennent beaucoup d’espace et servent à peu d’enfants à la fois.
« Toutefois, l’effet de balancier est très bénéfique pour certains élèves, fait remarquer Éric Bourgault. De plus, les enfants réservés ou plus isolés socialement apprécient beaucoup cette activité. »
Donc, si la cour le permet, les balançoires sont une bonne idée, à condition de les munir d’attaches anti-enroulement, d’éviter les poteaux simples qui résistent mal à la torsion, et de privilégier un portique en forme d’arche plutôt qu’un modèle en triangle qui prend trop d’espace pour rien.
Et pourquoi pas des roches dans la cour ?
Éric Bourgault ne manque pas d’idées sur les possibilités d’aménagement d’une cour. Il privilégie notamment les matières naturelles. Il installe par exemple de grosses roches sur lesquelles il fixe des prises d’escalade, ainsi que des filets et des traverses de câbles.
Selon le récréologue, ces roches sont un équipement de jeu assez économique, original et très populaire. Il ajoute que si certaines entreprises d’équipement de jeu proposent l’installation d’une grosse pierre artificielle en béton à 25 000 $, il peut en coûter aussi peu que 2000 $ quand on sait comment s’y prendre !
« Lorsque les gens s’inquiètent de la dureté potentiellement dangereuse de la pierre dans une cour d’école, je leur rappelle que les modules de jeu en métal sont tout aussi durs. »
« De grosses roches placées à l’ombre sont bien plus belles et bien plus intéressantes pour socialiser qu’un mur de briques sur lequel les élèves s’accotent, explique l’entrepreneur. De plus, elles se transforment en occasion de jeu actif lorsque les enfants choisissent de sauter de l’une à l’autre. »
D'autres idées
Parmi les points souvent négligés, Éric Bourgault mentionne l’emplacement des supports à vélo. « Ils doivent être placés le plus près possible de l’école et même dans la cour si c’est possible, de façon à être visibles en tout temps pour éviter les vols, ou la crainte du vol ou du vandalisme, précise-t-il. Les supports à vélo sont souvent aménagés dans des recoins, ce qui entraîne une faible utilisation de ce moyen de transport pour venir à l’école, et c’est dommage. »
« Les élèves devraient pouvoir utiliser le même support à vélo que le personnel de l’école. J’ai proposé ce changement dans une école il y a deux ans, et le résultat été spectaculaire au chapitre de l’utilisation du vélo comme moyen de transport. »
Éric Bourgault suggère également l’achat d’un système de son mobile muni d’un hautparleur fixé sur un support à roulettes, afin de faire danser les élèves dehors, un point gagnant pour faire bouger les jeunes, particulièrement les filles.
« Une cour bien équipée et bien animée réduit les tensions, les accidents et les visites au bureau de la direction, affirme Éric Bourgault. De plus, mes clients souhaitent de plus en plus créer un milieu de vie agréable pour les élèves, mais aussi pour les gens du quartier. »
Transformer un espace asphalté et clôturé en espace esthétique et dynamique est une démarche d’autant plus profitable qu’elle va bien au-delà de la cour d’école !
Intéressés par les projets d'aménagement de cour d'école? Consultez notre entrevue avec une équipe-école de l'Estrie qui s'est donné pour mission de créer une cour d’école qui stimulerait les récréations actives.