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Des paniers solidaires, des espaces-tests pour produire des champignons forestiers, de nouveaux points de chute du Marché de l’Outaouais et un projet de monnaie locale : il s’en passe des choses dans la MRC de Papineau sous la houlette de l’Agro Lab Petite Nation ! Entrevue avec Andréane Sabourin, agente de développement rural et la dynamique coordonnatrice de ce projet unique au Québec.
Un peu de contexte. En février 2020, la MRC de Papineau organise un forum de deux jours consacrés à l’agriculture et l’alimentation auquel participent plus de 100 personnes. Il en émerge l’idée de créer un « laboratoire vivant » dédié au développement d’un système agroalimentaire plus durable sur l’ensemble du territoire. L’Agro Lab Petite Nation voit le jour en août 2022 grâce à un financement provenant du Fonds Région et ruralités du ministère de l’Habitation et des Affaires municipales (Volet 3 – Projets « Signature innovation » des MRC).
L’amélioration du système alimentaire est un enjeu vaste et complexe auquel réfléchissent de nombreux acteurs. Qu’est-ce qui distingue l’Agro Lab ?
L’Agro Lab est un « laboratoire vivant », c’est-à-dire un écosystème qui repose sur la cocréation de projets bien arrimés aux besoins de la communauté et sur un accompagnement soutenu des porteurs de projets. La démarche inclut aussi une documentation des apprentissages et des effets concrets des projets sur la communauté. Nous travaillons sur quatre thèmes : l’agroenvironnement, l’accessibilité aux aliments locaux, l’économie circulaire et la mutualisation des ressources et services.
En quoi consiste la cocréation ?
C’est une façon de faire émerger des projets, qui, au lieu de se concurrencer, se complètent pour arriver à un objectif global commun. La concertation avec le milieu est fondamentale dans ce processus. Ainsi, la première journée de cocréation, qui a eu lieu en février 2023, a réuni 42 participants de tous les horizons. Onze de ces personnes ont présenté un canevas de projet, puis elles ont eu l’occasion d’échanger avec les gens présents pour bonifier leurs projets, explorer les partenariats possibles et mieux connaître les ressources disponibles aux niveaux local et régional. Il se trouvait dans la salle une brochette d’acteurs qui connaissent bien les enjeux alimentaires du territoire : des productrices et producteurs agricoles, des représentants du milieu communautaire et de la MRC, des partenaires du milieu agroalimentaire, ainsi que quelques citoyens et élus.
Est-ce que les 11 projets ont vu le jour ?
Non, car après cette journée de cocréation il y a eu un élagage naturel. D’une part, j’ai continué à accompagner les porteurs de projets pour les encourager à aller plus loin en explorant la possibilité de fusionner deux projets similaires ou encore de contacter d’autres partenaires potentiels. D’autre part, je me suis assurée qu’ils comprennent bien dans quoi ils s’engageaient, car, en contrepartie du financement accordé et du soutien fourni par l’Agro Lab, ils doivent consacrer du temps à la documentation des impacts de leur projet. Finalement, quatre projets bien préparés ont été déposés en mars 2023. Ils ont tous été acceptés et financés à hauteur du montant demandé. La démarche de cocréation et d’accompagnement a donc très bien fonctionné !
Quels sont les projets actuellement financés et accompagnés par l’Agro Lab ?
La Ferme Coopérative Agricola, située à Papineauville, a développé une offre de paniers de légumes biologiques à prix réduit, soit 12 $ au lieu de 35 $. Dès cet été, grâce à une collaboration avec des organismes communautaires, 30 familles à faibles revenus ont pu se procurer ces paniers hebdomadaires. L’objectif est d’approvisionner 50 foyers en 2024 et 60 en 2025.
Le Marché de l’Outaouais, une épicerie en ligne qui regroupe 100 producteurs de la région, n’avait aucun point de chute dans notre MRC. Il y en a maintenant quatre, ce qui améliore beaucoup l’accès géographique à des aliments sains et permet d’optimiser l’utilisation des camions. D’autres points de chute sont en préparation, dont un au CLSC de St-André-Avellin.
Le Centre de recherche et de développement technologique agricole de l’Outaouais (CREDÉTAO) est en train d’implanter une plateforme d’agroforesterie à Ripon. Il s’agit d’un site de démonstration qui offrira, dès 2024, la possibilité d’expérimenter la production de champignons sur des parcelles boisées, ainsi qu’une production maraîchère sur des parcelles cultivables situées entre des rangées d’arbres.
Et puis, la Coopérative Place du marché, qui accueille à Ripon un marché public de mai à octobre, travaille à la création d’une monnaie locale électronique et papier, dans le but de stimuler l’achat local. L’objectif de recruter au moins 50 entreprises vient d’être atteint et le projet suit son cours.
En quoi consiste la documentation des projets ?
La documentation fait partie intégrante du concept de laboratoire vivant. C’est une façon de mesurer les impacts des projets en conditions réelles à l’aide d’indicateurs. Par exemple, la Ferme Coopérative Agricola a envoyé un sondage aux clients des paniers solidaires en début de saison et après la dernière livraison. En sachant quel effet cette intervention a eu, ou n’a pas eu, sur la consommation de fruits et de légumes des clients, il devient possible de l’améliorer. Dans le cas de la monnaie locale, qui s’appellera « La Petite-Monnaie », le nombre et le type de transactions électroniques seront comptabilisés par l’application. Ces données permettront d’ajuster le tir si on constate, par exemple, qu’elle est peu utilisée par tel ou tel type de commerces ou d’entreprises.
L’accompagnement offert par l’Agro Lab est très soutenu !
Oui, parce que l’Agro Lab est une véritable structure d’apprentissage. Notre objectif est de bien outiller les porteurs de projets afin qu’ils soient autonomes après la période de financement qui prend fin en décembre 2025. Voilà pourquoi l’accompagnement inclut aussi des rencontres personnalisées pour répondre à des besoins spécifiques. Pour reprendre l’exemple de la Ferme Coopérative Agricola, le contenu du sondage a été travaillé et bonifié pour s’assurer d’aller chercher les bonnes informations. Tous les deux mois, j’anime également, avec l’aide de Convergence, une coopérative d’expertes-conseils, des rencontres de type « communauté de pratique » entre les quatre porteurs de projets. Ils peuvent ainsi échanger au sujet de leurs bons coups et des difficultés qu’ils rencontrent. Nous offrons également des mini formations en lien avec les besoins exprimés. Ces échanges sont très enrichissants et motivants.
Est-ce que l’Agro Lab va financer d’autres projets ?
Oui, puisqu’il reste environ 300 000 $ dans le fonds et que l’appel de projets est ouvert jusqu’au 27 septembre 2024. Nous travaillons avec tous les acteurs du milieu pour que d’autres initiatives inspirantes voient le jour. Nous tiendrons une journée de mobilisation communautaire autour de l’Agro Lab en février 2024. Tous et toutes sont invités à participer à cet événement intitulé « La mijoteuse ». La volonté d’améliorer le système agroalimentaire est présente depuis au moins 10 ans dans la MRC. C’est un enjeu très rassembleur, car l’agriculture et l’alimentation sont des moteurs extraordinaires pour nous amener à prendre soin de notre territoire et des gens qui l’habitent.
Capsules vidéo pour en savoir plus les projets mentionnés dans ce texte :
Au cours d’une brève entrevue, Arthur Adrien, coordonnateur de la Table de concertation pour de saines habitudes de vie en Outaouais (TSHVO), a souligné que les valeurs et les objectifs de l’Agro Lab sont très proches de ceux de la TSHVO en matière d’alimentation saine et de proximité. « C’est de plus une approche nourricière novatrice très porteuse pour la région, car elle a le potentiel d’inspirer d’autres MRC de l’Outaouais », s’est-il réjoui.
« La TSHVO prépare d’ailleurs un forum sur le thème d’un système alimentaire durable en Outaouais qui se tiendra fin février 2024, a-t-il ajouté. Andréane Sabourin, qui fait partie du comité organisateur, va y présenter le fonctionnement de l’Agro Lab et ses réalisations. L’autre caractéristique peu commune de ce projet, c’est qu’il est financé par la MRC. L’Agro Lab représente donc une occasion unique d’améliorer la concertation entre les milieux communautaire, agroalimentaire et municipal autour d’un enjeu qui touche tout le monde de près. »
* Cet article a été publié dans le cadre d'un partenariat avec le Collectif TIR-SHV.
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