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Chaque mercredi après-midi de l'année scolaire 2018-2019, les élèves de 1ère année de l'école Arc-en-ciel, à Sainte-Julie, ont délaissé les bancs d'école pour une classe en pleine nature. Beau temps, mauvais temps, ils ont appris à lire, à écrire et à compter au cœur de la forêt du Mont-Saint-Bruno, pour leur plus grand bien et leur plus grand bonheur.
Ce projet novateur est l'initiative de leurs enseignantes Julie Aubé et Geneviève Landry. Sensibilisées au déficit de nature chez les enfants, elles ont décidé de passer à l'action. Devant le succès de ce projet pilote, elles espèrent convaincre d'autres enseignants de faire tomber les murs de l'école, du moins quelques heures par semaine.
« Il y a tellement d'enfants qui ont besoin d'être actifs dans leur apprentissage et qui ont des déficits d'attention! On veut montrer que c'est possible d'enseigner dehors et que ça devrait être fait davantage. » - Geneviève Landry
De la forêt finlandaise aux collines montérégiennes
En 2017, les deux enseignantes ont vu un reportage sur l'école en plein air en Finlande qui les a vivement interpellées. « On s'est dit que nous avions, nous aussi, une forêt à proximité, raconte Geneviève Landry. L'idée d'aller faire la classe au Mont-Saint-Bruno a aussitôt germé. » La lecture du livre de François Cardinal « Perdus sans la nature » a achevé de les convaincre des bienfaits que les enfants pourraient en retirer. « Notre idéal, poursuit Julie Aubé, c'était d'aller passer au moins une demi-journée par semaine en nature pendant toute l'année scolaire. »
Les deux complices soumettent alors leur projet à la direction de l'école qui n'hésite pas un instant à les appuyer. Seule préoccupation : le transport. Même si l’école n’est pas située très loin du Mont-Saint-Bruno, il leur fallait malgré tout un autobus scolaire pour conduire les enfants. « Nous en avions pour 3000 $ de frais de transport, précise Geneviève Landry, mais il n’existe aucun budget pour ce genre d’activités ». Qu’à cela ne tienne ! Dès le printemps 2018, les enseignantes se démènent pour trouver des commanditaires prêts à appuyer le projet. À la rentrée scolaire, les 52 élèves de la 1ère année, accompagnés de leurs enseignantes et d’une éducatrice du service de garde, montaient dans l’autobus pour leur première classe en forêt.
Du tableau noir à la vitalité de la nature
« Pour nous, l’objectif était de lier les programmes avec les activités à l’extérieur, souligne Julie Aubé. On voulait que les enfants bénéficient d’être en plein air sans les pénaliser au niveau de l’apprentissage. » Les deux enseignantes ont donc imaginé une série d’activités pour enseigner en plein air les notions que les élèves travaillent en classe, comme décoder les voyelles ou les consonnes sur les affiches du parc, faire des collections de feuilles ou de cocottes en ordre croissant ou décroissant ou encore, compter par nombre de deux des paires de bottes ou de mitaines.
« En classe, on peut sortir des jetons. Mais le plaisir d’être en plein air, c’est de pouvoir manipuler les objets de la nature. Les apprentissages sont plus concrets et plus ludiques. » — Julie Aubé
Le projet a même dépassé les cadres de l’école grâce au soutien de Mathieu Martel, conseiller pédagogique en saines habitudes de vie à la commission scolaire des Patriotes. Enchanté par le projet, il a apporté son aide au niveau de la formation, de la documentation et de la création d’activités. Pour les enseignantes, les possibilités d’apprentissage en plein air sont aujourd’hui sans limites. « Avec le temps, on est devenues un peu expertes là-dedans, poursuit Geneviève. On voit aussi ce qui intéresse les enfants en forêt et on s’en sert en classe pour poursuivre l’activité. »
Des enfants plus en santé et plus motivés
En plus d’améliorer la condition physique des enfants, les enquêtes sur le terrain ont montré qu’en passant plus de temps dehors, les enfants deviennent plus créatifs, développent une meilleure autonomie ainsi qu’une plus grande empathie envers la nature et les autres. Julie Aubé et Geneviève Landry ont pour leur part observé que leurs élèves étaient plus motivés et attentifs, même lors du retour en classe. Elles apprécient également avoir eu ainsi une belle occasion de développer de meilleures relations avec eux. « Quand on arrive au Mont-Saint-Bruno, on commence par une promenade pour se rendre à l’endroit choisi, raconte Julie Aubé. Les enfants viennent nous parler. Ça nous permet de les connaître autrement, dans un cadre moins formel que la classe. »
Les enseignantes ont par ailleurs tenu à partager avec les parents des élèves le récit et des photos de chacune des sorties en plein air. À la fin de l’année scolaire, elles leur ont également fait parvenir un sondage pour évaluer leur appréciation de l’impact du projet pilote sur les enfants. « Tous les commentaires sont positifs, précise Geneviève Landry. Les parents nous disent à quel point les sorties ont stimulé leur enfant, lui ont permis de profiter de la nature, d’être plus actif et de redécouvrir le bonheur de jouer dehors. » Un grand nombre de familles en ont également profité pour multiplier les excursions au parc national du Mont-Saint-Bruno.
Le coup de pouce de Rando Québec
Plus que satisfaites de l’expérience, les deux enseignantes déplorent toutefois la difficulté de trouver du financement pour ce type d’initiatives. « Notre seule dépense, c’est le coût de l’autobus, précise Geneviève Landry. Mais dès qu’on parle de transport, il n’y a aucun programme au ministère de l’Éducation et la plupart des fondations excluent le transport. » Le projet a toutefois pu bénéficier de l’aide du programme « Jeunes en sentier » de la fédération Rando Québec, qui encourage les écoles et les organismes jeunesse à faire découvrir la randonnée pédestre aux jeunes en aidant à défrayer les coûts logistiques.
* Cet article a été publié en partenariat avec le groupe de travail sur la promotion du plein air au Québec, qui relève d'un comité de la Table sur le mode de vie physiquement actif.
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