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Après avoir observé un déclin de la santé psychologique des jeunes durant la pandémie de COVID-19, de récentes données tendent à montrer que la situation s’améliore, bien que timidement. En effet, la moitié des jeunes du secondaire (50,9 %) disent percevoir leur santé mentale comme « excellente » ou « très bonne ». Toutefois, ce portrait, bien qu’encourageant, n’est pas que rose.
On a pu réaliser ce coup de sonde grâce à l’Enquête sur la santé psychologique des jeunes de 12 à 25 ans. Une enquête menée sous la supervision de Dre Mélissa Généreux, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke et médecin-conseil à la Direction de la santé publique du CIUSSS de l’Estrie-CHUS, qui nous en explique les grandes lignes.
Détresse psychologique et idées noires
« Les jeunes n’atteignent pas le niveau qu’ils présentaient avant la pandémie en janvier 2020, souligne Dre Généreux. C’est comme si on avait atteint un pic défavorable dans notre enquête de janvier 2022, suivi d’une amélioration qui est relativement timide, et qui ne laisse pas présager un retour au niveau qu’on avait avant la pandémie. »
Quatre jeunes sur dix au secondaire (37 %) et la moitié au cégep/université (52 %) rapportent des symptômes d’anxiété ou de dépression modérés à sévères, selon le rapport. Plus inquiétant encore : un jeune sur dix (à tous les niveaux scolaires) rapporte avoir eu des idées noires jusqu’à une journée sur deux au cours des deux semaines précédant le sondage.
« C’est une forme de désespoir assez importante. Ils en arrivent à penser : je serais mieux mort, affirme Dre Généreux. Le désespoir est-il plus important chez les jeunes ou est-ce parce qu’ils ne disposent pas de ressources ou d’outils pour songer à d’autres options ? Nos jeunes vivent de la détresse psychologique et ils en sont de plus en plus conscients. Ils sont plus à l’écoute de leurs émotions. Il y a du bon à pouvoir s’exprimer, à vouloir aller chercher de l’aide. Mais j’ai l’impression que plusieurs ne sont pas au courant des ressources, autres que médicales, qui peuvent les aider à passer à travers les moments difficiles. »
Visionnez notre webinaire sur la santé mentale des jeunes, avec Mélissa Généreux et deux autres panélistes.
La santé mentale des filles : préoccupante
Si la situation globale s’améliore, la santé mentale des filles inquiète, particulièrement chez les plus âgées. Au secondaire, 31 % des filles qualifient leur santé mentale de passable ou mauvaise, contre 43 % au cégep ou à l’université, comparativement à 11 % et 33 % chez les garçons.
« Nos jeunes filles semblent exprimer davantage de détresse que nos jeunes garçons, observe Mélissa Généreux. C’est un phénomène mondial, qui était déjà présent avant la pandémie, et observé dans de grandes revues de littérature et dans les enquêtes de santé. La consommation d’antidépresseurs, les idées suicidaires et les diagnostics médicaux d’anxiété et de dépression sont en hausse de façon plus marquée chez les filles que les garçons. »
Chez les jeunes qui déclarent d’autres identités de genre, cette détresse est encore plus frappante. Ils perçoivent leur santé mentale comme passable ou mauvaise dans une proportion de 66 % (secondaire) et 69 % (cégep, université). Au secondaire, ils sont 65,2 % à rapporter des idées noires.
Difficile conciliation études-travail
« La pandémie peut avoir laissé des traces, mais la vie actuelle, dont certains aspects ont changé rapidement, peut en elle-même être source de stress, précise Dre Généreux. Les enjeux d’inflation, de crise du logement et de pénurie de main-d’œuvre ont pris rapidement de l’ampleur. Avec la pénurie de main-d’œuvre, la porte est grande ouverte pour nos jeunes: ils sont incités plus que jamais à travailler beaucoup. Ils sont peut-être moins motivés par l’école, ils socialisent moins. »
La proportion des jeunes qui travaillent est effectivement élevée. Dès le niveau secondaire 1, plus de la moitié des jeunes (54 % contre 13 % en 2022) travaillent. Cette proportion grimpe à 71 % en secondaire 5 (62 % en 2022). « Les jeunes travaillent souvent plus de 15 heures par semaine (20 % au 1er cycle, 26 % au 2e cycle, 39 % au cégep et 30 % à l’université)», révèle le rapport d’enquête. Ces jeunes travailleurs manifestent un attrait moins prononcé pour l’école (27,3 % contre 21,7 % chez ceux qui travaillent peu ou pas). Ils vivent aussi davantage de symptômes anxieux et dépressifs.
Temps-écran et réseaux sociaux
Les jeunes passent par ailleurs beaucoup de temps sur les écrans. Selon le rapport d’enquête, 26 % des filles et 15 % des garçons du secondaire consacrent au moins 4 heures par jour (à l’extérieur des heures d’école) aux réseaux sociaux. « Les filles au secondaire sont nombreuses à rapporter des impacts négatifs des écrans sur leur sommeil (63 %) et la perception de leur apparence (51 %), souligne Dre Généreux. Les jeunes passant au moins 4 heures par jour sur les réseaux sociaux rapportent deux fois plus d’anxiété ou de dépression que ceux qui y passent moins de 2 heures par jour », selon le rapport.
Dre Mélissa Généreux rappelle que « l’adolescence est une période transitoire au niveau des relations sociales, de ce qu’on veut faire dans la vie, de son identité personnelle. On forme sa personnalité, son autonomie et son indépendance face à ses parents. On vit beaucoup de pression. Et les réseaux sociaux en ajoutent en jouant sur une fausse normalité. Ça peut donner l’impression que tout le monde est beau, réussit, a plein d’amis. »
Facteurs de protection et pistes de solution
Une vie familiale heureuse est un facteur de protection important contre la détresse psychologique, nous indiquent les résultats de l’enquête. Chez les jeunes qui ont une vie familiale heureuse (ils sont 75,6 %), 28 % présentent des symptômes anxieux ou dépressifs, contre 70 % chez ceux dont la vie familiale est peu heureuse. Les jeunes qui peuvent parler de leurs soucis à leurs parents s’en sortent mieux que les autres : 24 % d’entre eux présentent des symptômes, contre 67 % pour les autres. Les relations avec les amis et les adultes à l’école ont aussi un impact, mais de façon moindre.
Selon les jeunes du secondaire interviewés, les principales pratiques, en milieu scolaire, communautaire ou familial, qui favoriseraient leur bien-être sont : les activités sportives (52 %), les activités de plein air (47 %), les coins détente (42 %), le soutien pédagogique (41 %) et le soutien pour le cheminement (40 %). Parmi les étudiants de cégeps et universités, on mentionne plutôt des liens significatifs (67 %), le soutien pédagogique (63 %), les coins détente (59 %), le soutien psychosocial (57 %) et les activités de plein air (55 %).
Comment faire pour aider les jeunes et favoriser, chez eux, une meilleure santé psychologique ? Le rapport propose 12 pistes de solution comme : soutenir la création d’environnements favorisant le bien-être, renforcer le lien de confiance entre les jeunes et les adultes du milieu scolaire et communautaire, promouvoir un équilibre entre les différentes sphères de vie, accompagner les parents sur la santé mentale par des ateliers, etc. (Voir la liste complète de ces 12 pistes de solution en page 39 du rapport)
« On doit donner la parole aux jeunes, être à leur écoute et, bien sûr, être inclusifs, soutient Dre Généreux. Tous n’ont pas les mêmes besoins, il faut être sensibles aux diverses réalités. S’ils proposent des activités ou des solutions, on peut les inviter à réfléchir à la formule souhaitée. Redonner un pouvoir d’agir aux jeunes peut leur être très bénéfique. »
Pour consulter les faits saillants : Faits saillants / Enquête sur la santé psychologique des 12-25 ans
Pour consulter le rapport détaillé : Enquête sur la santé psychologique des 12-25 ans / Rapport 2023
*Au total, 17 708 jeunes âgés de 12 à 25 ans ont été sondés en janvier 2023 dans 52 écoles secondaires (incluant les centres de FP ou centres de FGA) et 12 cégeps ou universités, répartis dans quatre régions : 4 608 en Estrie, 1 720 dans les Laurentides, 2 683 en MCQ et 8 697 en Montérégie.
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