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Plusieurs voix s’élèvent pour clamer, haut et fort, que le système d’éducation québécois se dirige vers un mur : conditions de travail difficiles, pénurie de personnel enseignant, établissements vétustes, modèles d’apprentissage axés sur la performance. Est-il possible de penser l’éducation autrement en favorisant l’épanouissement du personnel et des élèves ? C’est ce que vise la psychopédagogie du bien-être, un champ de recherche en plein essor. Spécialiste de psychologie positive, et ambassadrice de 100°, Caroline Mc Carthy s’y intéresse et elle nous en dresse les grandes lignes.
Qu’est-ce que la psychopédagogie du bien-être ?
« On parle beaucoup de l’importance du bien-être depuis quelques années. L’objet principal de la recherche en psychopédagogie du bien-être est le développement du bien-être en contexte éducatif. Mais de quoi parle-t-on exactement quand il s’agit de bien-être dans nos écoles ? Est-ce qu’on parle d’organiser des 5 à 7, d’être assis sur une chaise qui fait un massage ou de relations positives ? », indique Caroline Mc Carthy, de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Comme le concept de bien-être est complexe, il importe de s’appuyer sur les connaissances issues de la recherche pour instaurer une démarche en ce sens.
La psychopédagogie du bien-être vise l’épanouissement optimal des individus qui évoluent en milieu éducatif. On sait que les équipes-écoles, du concierge à la direction, sont formées d’adultes qui peuvent tous avoir une influence significative auprès des jeunes, souligne Mme Mc Carthy. « Pour développer les habiletés cognitives des élèves, il faut également développer leurs compétences socioémotionnelles et instaurer un climat de bien-être. Les adultes doivent être conscients de leur rôle de modèle. »
Comment trouver l’épanouissement au travail et instaurer une culture propice au bien-être en contexte éducatif ? Mme Mc Carthy précise que la psychopédagogie du bien-être propose trois grands axes : la pensée critique (discernement), la pensée attentive (à soi et aux autres) et la pensée créative (miser sur les solutions). Est-ce que je vis des émotions positives dans mon quotidien ? Est-ce que suis engagé·e dans ce que je fais ? Est-ce que ça a du sens ? Ces questions s’appuient sur la psychologie positive, développée par Martin Seligman, chercheur et professeur à l’Université de Pennsylvanie.
Qu’est-ce que la psychologie positive ?
« La psychologie positive s’intéresse à ce qui va bien, elle nous propose d’être des détecteurs de potentiels au lieu de nous attarder aux problématiques, résume Mme Mc Carthy. Les personnes qui vont bien ont de grandes capacités de résilience, elles s’engagent dans leur travail, elles vivent des passions saines, elles exploitent leurs forces et elles ont développé des compétences socioémotionnelles. » La psychologie positive étudie aussi l’optimisme, l’autocompassion, l’identité professionnelle positive. « On n’a pas trop su comment valoriser la profession d’enseignant ces dernières années. Ça doit être porté par le milieu. »
Mme Mc Carthy insiste : il faut distinguer la psychologie positive de la pensée positive qui, parfois, peut être toxique. « La pensée positive peut soulager temporairement, mais elle est peu efficace. On a tous (trop !) entendu la phrase : “ça va bien aller”. C’est joli et ça peut encourager pour quelques jours. Mais est-ce fondé ? Ça ne permet pas de régler des situations. La psychologie positive mise sur le processus, la réflexion, invite à changer notre regard. »
Deux visions de l’éducation
Pour réussir ce changement de vision, il faudra venir à bout de la tension entre deux visions de l’éducation au Québec. « D’un côté, on a une vision plutôt néolibérale qui met de l’avant des valeurs soutenues de l’ordre de l’individualisme, de la réussite, de l’imputabilité et de la performance. Ce modèle, qui valorise la performance, répond à un besoin économique de former des travailleurs, si bien que l’éducation devient un bien de consommation. C’est un peu dommage. De l’autre côté, on a un modèle de bienveillance qui soutient plutôt des valeurs de coopération, de respect et d’estime de soi. On choisit de répondre à des besoins sociaux et de former des citoyens critiques et engagés. »
L’instauration de ce deuxième modèle fait face à un obstacle : le manque de temps. « On l’entend très souvent. Mais il faudra prendre le temps, d’abord pour soi, pour s’occuper de son propre bien-être, et pour l’équipe-école dans laquelle on évolue. On ne peut pas qu’éteindre des feux. Si on choisit d’engager des moyens stratégiques comme pédagogues et voir à long terme, il faut y mettre le temps et les efforts. »
Pour accompagner et outiller les professionnels intéressés, l’UQTR propose un programme court ainsi que de la formation continue. La réceptivité est au rendez-vous, la demande et les besoins sont là. « Plusieurs personnes qui viennent suivre la formation se demandent pourquoi ces cours ne sont pas offerts dans la formation initiale en éducation. » Ça viendra peut-être. En attendant, des partenariats prennent forme, de beaux projets se dessinent et le bien-être fait peu à peu sa place dans les institutions éducatives.
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