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... Sauf que même s’ils sont souvent discrets, plus effacés que les autres intervenants qui œuvrent dans une école, les entraîneurs sportifs ont souvent un pouvoir d’influence majeur auprès des jeunes, mais aussi auprès de leur milieu de vie. De quelle manière cette influence se manifeste-t-elle ? Et que pouvons-nous faire pour mieux les soutenir dans leur travail ?
L’impact direct de l’entraîneur auprès des jeunes
L’influence des entraîneurs s’observe d’abord par leur impact concret dans la vie des jeunes, à petite échelle. Si vous avez exercé un sport organisé dans votre vie, il est fort probable que vous conserviez un excellent souvenir de certains de vos entraîneurs, ou même que vous soyez encore en contact avec l’un d’entre eux aujourd’hui, tellement la relation que vous avez construite est importante.
L’imaginaire collectif regorge d’exemples en ce sens. Dans les films Coach Carter (inspiré d’une histoire vraie) et Mighty Ducks, les entraîneurs Ken Carter et Gordon Bombay ont, chacun à leur manière, accompli des miracles avec leurs jeunes. Sur le plan sportif, oui, mais aussi sur le plan de leur estime personnelle, de leur cohésion de groupe et de leur réussite éducative.
Même l’actualité récente, au Québec, nous présente des histoires fabuleuses. Radio-Canada dévoilait récemment l’histoire de Jade Pelletier, entraîneure de futsal à l’école Curé-Antoine-Labelle à Laval, qui a adopté, en 2017, Prinzy Dessources, le gardien de but de l’équipe. Prinzy était alors âgé de 16 ans et était à la recherche d’une famille d’accueil.
Bien sûr, même cette histoire semble tirée d’un film de Disney. Et on ne s’attend certainement pas à ce que tous les entraîneurs en fassent autant pour leurs jeunes ! De façon générale, néanmoins, tous les entraîneurs ont le potentiel d’influencer positivement leurs jeunes, à condition que telle soit leur intention.
C’est dans cet esprit que mon équipe et moi avons créé le programme de certification en coaching Pour 3 Points. Des recherches menées par le laboratoire en psychologie sportive de l’Université McGill confirment d’ailleurs que cette approche porte ses fruits. En effet, ces études démontrent notamment que les jeunes accompagnés par les coachs P3P démontrent une augmentation de leur autonomie, de leurs capacités de communication, de leur motivation et de leur persévérance. Par ailleurs, en comparaison avec d’autres jeunes en contexte similaire, les jeunes P3P témoignent d’un lien plus significatif avec leur coach et manifestent moins de comportements antisociaux.
L’impact des entraîneurs dans le milieu de vie des jeunes
Au-delà de leur engagement auprès des jeunes, un bon nombre d’entraîneurs deviennent de véritables leaders communautaires et améliorent ainsi le tissu social.
Nous constatons d’ailleurs que certains coachs participant à notre programme de certification siègent au sein du conseil d’établissement de leur école, gèrent l’ensemble des programmes sportifs ou encore participent à différents projets de participation citoyenne. Par leur implication, ces coachs permettent de projeter une image positive de leur fonction et d’améliorer la perception de leur entourage en lien avec le rôle des entraîneurs et du sport dans la société.
En écrivant ces lignes, je souris en pensant à Loïc Rwigema, entraîneur et responsable du programme de basket-ball au Collège Durocher à Saint-Lambert. Cet automne, Loïc a organisé une activité par laquelle il invitait les parents des jeunes sportifs de son programme à essayer, entre parents, une pratique de basket-ball. On peut présumer qu’une telle activité peut permettre de démystifier ce sport, d’encourager certains parents à être plus actifs, de favoriser une plus grande cohésion entre parents et de créer un meilleur lien avec Loïc lui-même et le Collège Durocher en général.
Libérons le potentiel des entraîneurs !
Peu importe leur degré de dévouement et de professionnalisme, l’impact positif des entraîneurs ne se fera pleinement ressentir que lorsque cette fonction sera suffisamment valorisée au sein de notre société. En ce sens, nous avons un chemin considérable à parcourir.
Dans son mémoire de maîtrise remis à l’Université du Québec à Chicoutimi, Alexandra Larouche traite plus particulièrement des entraîneurs en milieu scolaire. Elle conclut que « améliorer l’expérience et le développement des [entraîneurs en milieu scolaire] afin qu’ils encadrent efficacement les élèves-athlètes est nécessaire ainsi que (sic) leur permettre de se développer positivement dans un contexte favorable. Mais, le milieu scolaire reconnaît-il vraiment l’importance du sport scolaire et l’encadrement des jeunes en dehors des heures de classe ? Est-il prêt à mettre des efforts et du temps pour améliorer le soutien des entraîneurs ? »
Ces questions demeurent en suspens, car de façon générale, les entraîneurs ne bénéficient pas de la reconnaissance des autres membres de l’équipe-école. À titre d’exemple, leurs conditions salariales sont en général très faibles.
Et dans un autre ordre d’idées, le statut des entraîneurs en tant que travailleurs à temps partiel, après les cours, rend souvent difficile leur pleine appartenance à l’équipe-école, où les activités principales se déroulent durant les heures de classe.
Autre constat : puisque les entraîneurs sont des travailleurs à statut précaire, les candidats se font rares et les écoles n’ont pas non plus le luxe de s’offrir une main-d’œuvre hautement qualifiée. Combien d’écoles se précipitent au mois de septembre, après l’année scolaire commencée, pour embaucher des entraîneurs à la dernière minute, avec comme principal (et parfois unique) critère, la disponibilité ?
Par mon expérience personnelle et professionnelle, je suis convaincu que la valorisation des entraîneurs impliquerait une amélioration de leur niveau de formation, de leurs conditions, ainsi que de plus grandes exigences en regard de leur travail. Nul doute que de tels changements bénéficieraient grandement à nos jeunes sportifs.
Crédits photos: Pour 3 Points (Karljessy photographe, Manon Harsigny- Approprimage, Alain Wong)