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La preuve n’est désormais plus à faire : le temps passé en nature a un impact positif sur les performances académiques et la réussite éducative des jeunes, confirme une vaste étude américaine. Des résultats qui confirment les multiples bienfaits de la pédagogie en contexte de plein air.
« Des centaines d’études portent maintenant sur cette question, et les preuves convergentes suggèrent fortement que les expériences en nature stimulent l’apprentissage académique, le développement personnel et les attitudes pro-environnementales » lit-on dans l’étude menée par la professeure Ming Kuo de l’Université d’Illinois, et dont les résultats ont été publiés en février 2019 dans Frontiers in Psychology. Il s’agit de la première étude qui met en relation tous les effets recensés par les nombreuses recherches menées au cours des dernières décennies et portant sur les effets positifs des interventions visant à rapprocher les jeunes de la nature.
Des bienfaits multiples
Selon les résultats de cette étude, le temps passé en nature permettrait de raviver la concentration des élèves, diminuer leur niveau de stress, stimuler leur autodiscipline, augmenter leur pratique d’activité physique, en plus de favoriser leur motivation, leur plaisir et leur engagement. La nature offrirait aussi un environnement d'apprentissage plus calme et plus sûr. Elle favoriserait des relations plus chaleureuses et plus coopératives entre les élèves. Enfin, elle favoriserait des formes de jeu plus créatives et exploratoires, bénéfiques pour le développement des enfants.
Enseignante à l'école primaire du Campanile, Catherine Lapointe intègre l’enseignement extérieur dans sa pratique depuis deux ans déjà. La lecture de ces résultats la conforte et l’encourage à poursuivre dans son approche :
« On le fait, on voit qu’ils sont bien, on voit qu’ils apprennent bien, qu’ils progressent… Donc on se dit que c’est bon. Mais maintenant, en lisant cette étude, je comprends que tout ce que je vis d’instinct, ça a vraiment une portée, une assise scientifique ». – Catherine Lapointe.
Une étude qui fait écho aux effets observés dans les écoles du Québec
Un sondage mené en 2018 par la Fondation Monique-Fitz-Back pointe vers des résultats semblables. Les trois principaux avantages de l’enseignement extérieur, identifiés par les intervenants du primaire et du secondaire, seraient de permettre de varier les méthodes d’enseignement, de rendre les apprentissages plus concrets et d’accroître le bien-être des jeunes.
« Il y a plein de compétences [dans l’étude] qui sont mises en lumière par le fait d’enseigner à l’extérieur, dont la persévérance. Moi, je le vois. Les élèves, quand on va en classe extérieure, c’est rare qu’ils vont me dire "Je ne veux plus le faire, j’abandonne." Je vois aussi des avantages pour les élèves qui ont des TDAH ou des troubles dys (comme la dysphasie, la dyspraxie ou la dyslexie).» – Catherine Lapointe, enseignante à l’école du Campanile.
L’organisation Nature Québec a aménagé, depuis 2018, plusieurs classes plein air dans le cadre de son projet Milieux de vie en santé. Coordonnateur du programme, Cyril Frazao confirme qu’il y a beaucoup d’intérêt de la part des écoles pour cette pédagogie : « On a observé une demande accrue des écoles primaires pour ce type d’aménagements extérieurs. Malheureusement, ne pouvant pas répondre à toutes les demandes, nous avons dû créer une liste d’attente. »
Cyril Frazao croit que cet engouement pour l’enseignement extérieur au Québec est positif autant pour la réussite éducative des jeunes que pour leur santé : « Les automnes sont de plus en plus chauds. Il peut arriver que la température dans les classes atteigne 30°C et les cours d’écoles, souvent bétonnées, deviennent des îlots de chaleur. Avec un peu de mobilier et de verdure, on change la dynamique du milieu et on permet aux élèves de se rafraîchir et de reconnecter avec un peu de nature. »
La nature : un outil pédagogique stimulant et un cadre éducatif inspirant
La recherche menée par la professeure Kuo explique que « la fréquence des résultats positifs de l’enseignement extérieur reflète probablement la combinaison d’une meilleure approche pédagogique et d’un meilleur cadre éducatif. »
Catherine Lapointe abonde dans le même sens : « Si on ne va pas en classe extérieure, que les élèves ne le voient pas à l’horaire, ils vont me le demander ! C’est rare que j’aie à intervenir avec un élève qui ne veut pas travailler. Tout le monde y trouve son compte. Tout le monde se sent stimulé. (…) La nature, elle fournit un calme, un silence… Elle fournit déjà un climat propice aux apprentissages. Ce qu’on demande parfois avec beaucoup d’efforts dans la classe, ça se fait naturellement en nature. »
Cette nouvelle recherche met également en lumière l’importance du contact avec la nature pour le développement personnel : « Non seulement les expériences en nature améliorent les résultats académiques, mais elles semblent également favoriser le développement personnel — soit l’acquisition d’atouts intrapersonnels et interpersonnels tels que la persévérance, la pensée critique, le leadership et les compétences en communication. Bien que la recherche quantitative sur ces résultats soit rare, le travail qualitatif est volumineux, saisissant et quasi unanime », lit-on dans le rapport de recherche.
« Tout l’aspect autonomie, cogestion des risques [d’être en nature], je trouve que ça a un impact très positif sur la confiance que les enfants ont, et du pouvoir qu’ils ont sur leur vie », précise Catherine Lapointe, qui observe aussi des impacts très positifs sur le développement personnel de ses élèves. « C’est étroitement relié au développement de leur identité. Comment ils peuvent apprendre à se connaître, si dans une classe on leur dit tout quoi faire, dans un environnement contrôlé, canné, formaté ? » se questionne-t-elle.
La nature pour raccrocher les élèves en difficulté
L’enseignement extérieur aurait aussi des retombées très positives pour les élèves étant à risque de décrochage. Dans la conclusion de la recherche, on peut y lire une note très éloquente à ce sujet : « Bien que notre examen ne soit pas structuré de manière à évaluer systématiquement cette question, les avantages d’un apprentissage basé sur la nature pour les élèves défavorisés ont constitué un leitmotiv frappant dans notre lecture. Non seulement l’apprentissage basé sur la nature peut-il mieux fonctionner pour les élèves défavorisés, mais il semble stimuler l’intérêt des élèves non intéressés, améliore certaines notes, réduit les épisodes perturbateurs ainsi que les abandons des élèves à risque. »
Catherine Lapointe abonde dans le même sens : la nature motive les élèves qui ont des difficultés en classe. « Tout ce qui est "potentiel", je pense que ça devient "exponentiel" en nature. L’élève qui réussit moins de façon académique, en classe extérieure, il va montrer certains talents. Je trouve que ça a un impact sur la persévérance, la motivation, même l’engagement. (…) J’ai une élève qui a de grosses difficultés en lecture. En nature, elle devient l’experte. En classe, elle est comme en décalage avec les autres, mais quand on va dehors, je la sens revivre, je la sens plus à sa place. On peut l’utiliser à titre de tutrice ou d’experte, c’est valorisant pour elle. La classe nature va chercher toutes les dimensions de l’enfant ! »
Un appel à prendre la nature au sérieux comme ressource d’apprentissage
« Il est temps de prendre la nature au sérieux en tant que ressource d’apprentissage », conclut l’équipe de la professeure Kuo. Est-ce que cet appel sera entendu auprès des décideurs ? Chargé de cours au programme Intervention en contexte de plein air à l’Université du Québec à Montréal de l'UQAM) et chercheur associé à la Chaire de tourisme Transat de l’ESG UQAM, Patrick Daigle abonde dans le même sens : « Il y a amplement de données permettant de soutenir la valeur et l’importance d’intégrer le milieu extérieur comme outil d’apprentissage, au point que le Ministère de l’Éducation a publié un avis confirmant tous les bénéfices du contact avec la nature. (…) Pour nous, à l’UQAM, le plein air est un contexte qui peut être décrit par différents continuums, passant de l’urbanité au milieu naturel, des espaces aménagés par l’humain aux lieux non transformés ou encore comportant peu ou beaucoup de biodiversité. Il y a donc toujours des possibilités d’intégration, peu importe le lieu où se trouve l’école. Voilà pourquoi “L’école hors les murs” (Udeskole pour les pays scandinaves) est une vision inspirante à ce sujet. »
Benoît Mercille, directeur de la Fondation Monique-Fitz-Back, croit quant à lui qu’il est temps d’agir pour encourager plus sérieusement le contact nature en milieu scolaire : « Les études sont claires, les bénéfices du contact avec la nature sont considérables. Pourtant, le Québec tarde à adopter véritablement cette approche. Il devient incontournable selon moi d’accélérer autant le verdissement des cours d’école, que l’offre de formation et d’accompagnement. »
Formations à venir
Au Québec, le colloque Plein air — Apprendre à ciel ouvert est l’évènement de formation continue et de réseautage incontournable pour les intervenant(e)s souhaitant s’initier ou approfondir leurs connaissances et compétences sur l’intervention en contexte de plein air. Le dernier colloque, qui s’est tenu à l’Auberge de la Montagne coupée en février 2018, affichait d’ailleurs complet, preuve que l’effervescence pour la nature est au rendez-vous ! La prochaine édition aura lieu les 7 et 8 février 2020 (lieu à confirmer).
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Visionnez la conférence de Julie Moffet: La classe extérieure : le potentiel pédagogique des cours d’école
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