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Le mouvement De la ferme à l’école est en pleine croissance aux quatre coins du Canada. Mais pour lui donner encore plus de force, ses artisans auraient tout intérêt à documenter davantage les multiples impacts bénéfiques de leurs interventions afin de convaincre les décideurs et les bailleurs de fonds de l’importance d’investir dans leurs projets
Voilà qui résume l’un de messages-clés de la Conférence nationale De la ferme à l’école, qui a rassemblé plus de 300 personnes à Victoria, en Colombie-Britannique du 14 au 17 mai dernier. Une demi-journée complète de la conférence a été consacrée au thème « Le pouvoir des preuves ».
En entrevue à 100°, la directrice générale de Farm to Cafeteria Canada, Joanne Bays, explique pourquoi l’évaluation de l’efficacité des interventions s’est imposée comme un thème majeur dans la programmation de ce colloque national : « Nous avons décidé de mettre l’accent sur l’importance de répertorier et de présenter des faits pour faire la promotion du mouvement De la ferme à l’école au Canada, parce que nous avons pris conscience de leur pouvoir de persuasion. Si nous voulons amener les décideurs canadiens à prendre les mesures qui s’imposent pour accroître la présence d’aliments locaux dans l’esprit et dans l’assiette de nos enfants, selon les principes du développement durable, nous devons axer nos efforts sur les facteurs qui influencent les décisions prises dans ce domaine. »
« Nous devons convaincre les décideurs que les lacunes auxquelles nous tentons de remédier sont bien réelles et que ces revendications légitimes exigent une intervention de leur part. » — Joanne Bays
« Il importe également de leur démontrer que les solutions que nous proposons sont réalisables et que les ressources qui y seront investies porteront fruit, poursuit-elle. Enfin, les décideurs doivent comprendre que la promotion de ces initiatives est perçue de façon très favorable et reçoit un appui important dans divers milieux. »
Utiliser les données pour raconter des histoires
Conférencier et spécialiste des politiques alimentaires, très connu au Canada anglais, Wayne Roberts a plaidé dans le même sens et encouragé les participants à documenter leurs interventions et à utiliser judicieusement les faits et les données pour influencer les décideurs, tout spécialement quand on parle d’enjeux aussi importants que l’alimentation scolaire ou la malnutrition infantile : « Nous devons démontrer au gouvernement qu’il y a un coût à l’inaction. Il ne faut pas seulement s’arrêter au coût d’un programme, mais aussi au coût de ne pas offrir un tel programme. »
En dépit de l’importance d’accumuler des données probantes et convaincantes, Wayne Roberts a insisté sur l’art de les mettre en valeur, notamment en racontant des histoires : « Malgré le fait que plusieurs d’entre nous peuvent aujourd’hui lire ou produire des rapports scientifiques, l’être humain n’a pas évolué pour faire ce genre de choses. Nous avons appris à le faire, mais nous n’avons pas évolué pour faire ça. Nous avons évolué pour raconter des histoires, et écouter des histoires. C’est en se racontant des histoires autour du feu, depuis des millénaires, que homo sapiens a appris et évolué. C’est en se racontant des histoires que les êtres humains se partagent de l’information. Et nous devons garder ça en tête, pour prendre les données et les intégrer dans des histoires que les personnes comprennent bien. »
Tirer profit de l’expérience américaine
Parmi les autres conférenciers, Anupama Joshi, directrice générale de Blue Sky Funders Forum, est venue présenter les modèles d’évaluation utilisés au sein du réseau américain Farm to School, dont elle l’ancienne directrice, non seulement pour recenser les différentes initiatives, mais également pour en mesurer les bénéfices. Gestionnaire de programmes pour ce même réseau américain, Lacy Stephens a présenté d’intéressants résultats de recherche sur les retombées économiques des projets Farm to School pour les communautés locales.
Selon Joanne Bays, le mouvement canadien de la ferme à l’école aurait tout avantage à s’inspirer de l’expérience américaine, qui a beaucoup misé sur les résultats de ses multiples projets pour faire avancer la cause : « Aux États-Unis, le mouvement de la ferme à l’école a fait l’inventaire des initiatives lancées dans tout le pays et recueilli un large éventail d’études de cas et de témoignages. Puis il s’est assuré que ces renseignements soient transmis aux instances décisionnelles, explique-t-elle. Ces efforts concertés, déployés par de nombreux partenaires, agissant tant à l’échelle locale que nationale, afin de rassembler l’information pertinente au moment opportun et à les communiquer aux décideurs, a mené au lancement d’un recensement national du mouvement, puis à la création officielle d’un programme s’inspirant de cette vision au sein même de l’USDA. »
Un bel exemple d’évaluation canadienne
Même s’il accuse encore pour l’instant un certain retard face aux États-Unis, le mouvement canadien De la ferme à l’école accumule déjà certaines données d’évaluation, fort encourageantes par ailleurs. À titre d’exemple, une étude réalisée dans des écoles canadiennes a permis de documenter les bienfaits de l’implantation d’un bar à salade sur la littératie alimentaire des élèves, ainsi que sur leurs comportements alimentaires à l’école (notamment une augmentation de leur consommation de fruits et de légumes, ainsi qu’une hausse de la variété des aliments consommés).
Intitulée Raising the Bar: A look at the early impact of the Farm to School Canada Grant Program et réalisée par une firme indépendante, cette étude a jusqu’ici mesuré les effets des bars à salade à l’école en questionnant les élèves et leurs parents avant et après leur implantation dans les écoles.
Cette étude inclut d’autres volets du programme De la ferme à l’école, et les résultats sont attendus plus tard cette année. D’ici là, il est possible de consulter un résumé d’autres données probantes canadiennes dans ce document synthèse.
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